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Crédit photo : Rett Rogers @ Fantasy Recordings
Alors que je faisais la queue pour me payer un verre de Pinot Grigio et que j’attendais patiemment que le spectacle commence, j’étais fascinée par les «voyages» entrepris par de nombreux spectateurs pour assister à ce concert.
À travers des bribes de conversations, j’ai entre autres appris que certains venaient de Halifax, de Toronto et même de New York! L’événement a visiblement rassemblé des gens de tous les horizons en Amérique du Nord.
Phil Cook: un public conquis d’avance
La première partie du concert était dirigée par le pianiste Phil Cook, originaire de Durham, en Caroline du Nord. Ce dernier s’est taillé une place de choix dans le monde du piano folk-rock aux accents indie-rock grâce à ses collaborations avec des bands tels que The War on Drugs, Indigo Girls et Frazey Ford, notamment.
Ses douces mélodies étaient entrecoupées d‘anecdotes qui m’ont fait sourire et même fait rire, comme le reste de la salle: «Je n’arrive pas à enlever de mes dents toutes les graines de pavot des délicieux bagels que j’ai mangés plus tôt, mais heureusement, vous ne pouvez pas les voir depuis votre siège!»
Avant d’interpréter l’un de ses plus récents morceaux, Cook a annoncé qu’il s’agissait d’un cas exceptionnel où il avait décidé de ne pas utiliser la «pédale forte» habituelle, qui lui permet de maintenir une note en résonance. Selon lui, cette décision découle des conseils d’un professeur de piano gospel reçus pendant la pandémie alors qu’il suivait des cours. Il l’a d’ailleurs encouragé à ne pas recourir à la pédale afin de «découvrir les sons qu’il est capable de produire tout seul, sans aide».
J’ai trouvé cela fascinant d’en apprendre davantage sur les différentes manières de jouer du piano. Mes connaissances sur le sujet remontent à plus d’une décennie déjà, à l’époque où je suppliais mes parents de me laisser arrêter les cours… Une décision que je regrette dix ans plus tard, évidemment!
À certains moments, on aurait dit que le pianiste allait se fondre dans son instrument, voire littéralement tomber dedans, tellement il se repliait sur lui-même pendant sa prestation, comme s’il ne faisait qu’un avec le piano et qu’il oubliait qu’il jouait devant plus de 2000 personnes!
La prouesse toute en folk de Nathaniel Rateliff
Enfin, Nathaniel Rateliff a fait son entrée sur scène, revêtu d’un élégant costume noir. Un tonnerre d’applaudissements a éclaté dans la salle, tandis qu’il débutait sa prestation en exprimant sa gratitude envers le public pour sa présence et son écoute attentive. C’est qu’il s’apprêtait à rendre hommage à l’un des musiciens qui l’a le plus inspiré durant sa carrière.
J’ai eu l’impression que l’émotion l’envahissait réellement au moment précis où il chantait les mots de Leonard Cohen dans la ville natale de ce dernier.
Nathaniel Rateliff vient de Herman, dans le Missouri, mais il vit à Denver depuis qu’il y a déménagé à l’âge de 19 ans pour chanter aux soirées «à micro ouvert» dans des petits bars de quartier (avec son ami Phil Cook, d’ailleurs).
Depuis, il a sorti trois albums solos, deux EP solo et un album en tant que Nathaniel Rateliff and The Wheel. Son style, mêlant folk, rock et blues, lui a valu une reconnaissance internationale. Il a également collaboré avec des artistes de renom tels que Bon Iver, Iron & Wine et Mumford & Sons.
Redécouvrir les chansons du «parrain de la mélancolie»
Rateliff a débuté sa prestation avec «Bird on the Wire», une chanson qui évoque les luttes internes auxquelles l’esprit peut être confronté, écrite par Leonard Cohen alors qu’il traversait une période de dépression.
Il n’y a pas à dire, la sélection de chansons du célèbre maître des mots et de l’incarnation du spleen trouvait un équilibre parfait entre ses morceaux les plus déchirants et les plus légers.
En effet, dès les premières paroles de «Dance Me to the End of Love», mon cœur s’est serré. La chanson évoque les quatuors à cordes qui étaient forcés de jouer de la musique classique à côté des fours crématoires dans les camps de concentration…
La tenue noire arborée par tous les membres du groupe The Night Sweats, les quarante musiciens du Wordless Orchestra, ainsi que les chanteuses Anderson, avec en plus les animations visuelles relativement simplistes diffusées en arrière-plan, tous ces éléments ont contribué à bien mettre en valeur l’élément central du spectacle: la musique.
J’ai été transportée dans le temps, plus exactement lors de l’édition 2018 de la Nuit Blanche, où je m’étais immergée dans l’univers de Leonard Cohen, moment au cours duquel j’ai découvert ses œuvres ainsi que son histoire pour la toute première fois à travers l’exposition au Musée d’art contemporain (MAC) intitulée «Leonard Cohen: une brèche en toute chose».
Je suis certaine que son adaptation de «Hallelujah», l’une des chansons les plus reprises au monde, a donné la chair de poule à toute la salle, même s’il s’agit d’un morceau «trop repris, et souvent mal repris, c’est Leonard qui l’a dit», selon Nathaniel Rateliff. La puissance de sa voix semblait monter en crescendo, grandissant tout au long de la chanson, et ce, du début jusqu’à la fin.
Enfin, après une ovation impressionnante, le chanteur est revenu sur scène pour clore le concert avec «So Long, Marianne», une ode à la muse et aussi le grand amour de Leonard Cohen, Marianne Ihlen.
En rentrant chez moi après le concert, remontant le boulevard Saint-Laurent et traversant le Parc du Portugal, je me suis sentie pleine de vie, avec une nouvelle appréciation envers Montréal, mon chez-moi depuis dix ans maintenant.
Un concert haut en couleur, un hommage réussi
Moi qui ne connaissais pas vraiment le répertoire de Nathaniel Rateliff & The Night Sweats, j’ai été agréablement surprise par ce spectacle, qui m’a permis de redécouvrir la musique de Leonard Cohen, de même que le talent de ces musiciens talentueux. La voix grave et puissante de Rateliff était exactement la touche qu’il fallait pour rendre hommage à celle, rauque et profonde, de M. Cohen.
Depuis le concert, j’écoute en boucle «The Partisan» et «Who by Fire». Merci, M. Rateliff, de m’avoir fait découvrir votre voix et de m’avoir plongée dans les plus beaux morceaux d’un des plus grands artistes de tous les temps!
L'avis
de la rédaction
Grille des chansons
1. Bird on the Wire
2. Suzanne
3. Sisters of Mercy
4. The Partisan
5. Famous Blue Raincoat
6. Lover Lover Lover
7. Who by Fire
8. Chelsea Hotel #2
9. True Love Leaves No Traces
10. Iodine
11. Dance Me to the End of Love
12. Hallelujah
Rappel
13. So Long, Marianne