«Le dernier lendemain» de Ryan David Jahn publié chez Actes Sud – Bible urbaine

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«Le dernier lendemain» de Ryan David Jahn publié chez Actes Sud

«Le dernier lendemain» de Ryan David Jahn publié chez Actes Sud

Un thriller néo-noir stylé qui emprunte aux codes du film noir

Publié le 28 janvier 2025 par Éric Dumais

Crédit photo : Actes Sud

Campé dans la période dite classique du film noir au début des années 1950, le troisième opus de l’Américain Ryan David Jahn, «Le dernier lendemain», est un thriller diablement efficace qui confirme une fois de plus le talent de l’auteur pour le roman choral. Fort d’une narration divisée en de multiples voix, l’écrivain, qui m’a séduit par le passé avec «De bons voisins» et «Emergency 911», a réussi à me captiver jusqu’à une finale où, au bout de plus de quatre-cents pages, tout rentre dans l’ordre, ou presque.

«Les monstres peuvent-ils être à la fois tendres et humains?»Extrait de Le dernier lendemain

On est en droit de s’interroger, en effet. Car Ryan David Jahn ne ménage pas nos nerfs dès l’ouverture du rideau avec une scène où l’un de ses (jeunes) personnages commet un meurtre de sang-froid.

En effet, Sandy Duncan, un préadolescent de 13 ans, portrait craché du souffre-douleur qui a l’habitude d’encaisser les moqueries, abat son beau-père Neil à l’aide d’un revolver fait maison, un ivrogne qui n’a jamais eu de considération pour lui. Bam. Un coup de pistolet, et c’est réglé. Un problème en moins.

Or, il y a un bémol: pris de panique, et par manque cruel d’expérience dans l’art d’assassiner des gens, Sandy, alors que sa mère Candice «jouait» à la prostituée pour gagner sa vie, n’a pas été d’une extrême discrétion. Il a en effet gravé gauchement une étoile sur le visage du macchabée, clin d’œil au geste de l’un de ses héros d’une BD qu’il a lue, et comme il y avait des éclaboussures de sang près du canapé, il les a simplement cachées en bougeant le canapé. Simple comme bonjour.

Cet événement déclencheur, outre le fait d’envoyer Sandy en centre de détention, va entraîner une série d’enchaînements inattendus avec des personnages dispersés aux quatre coins des États-Unis qui n’auraient jamais été en relation si l’adolescent n’avait pas commis cet acte vengeur à l’égard de son ex-beau-père.

Le parfait exemple est Eugene Dahl, créateur de la bande dessinée incriminée. Celui-ci, alors qu’il n’a plus l’inspiration du coup de crayon depuis belle lurette, revient peinard chez lui et aperçoit, un beau jour, une lettre punaisée sur sa porte et dans laquelle on lui fournit des instructions qui s’apparentent clairement à des menaces.

Entre la rencontre d’Evelyn, une rousse aux allures de femme fatale au premier abord farouche, et le meurtre qui n’est pas le sien, mais qu’on tente de lui coller, rien ne va plus pour cet homme qui deviendra un fugitif bien malgré lui.

Quant à l’inspecteur Carl Bachman, un «homme qui écoute son instinct», il se retrouvera, côté sentiments, placé entre l’arbre et l’écorce, puisqu’il sera convaincu de la culpabilité de Sandy, mais il ne pourra pas s’empêcher de tomber amoureux de Candice qui, elle, tout juste veuve, doit vivre avec le fait que son fils «parfait» est un criminel.

Et ce n’est pas tout! En trame de fond de cette histoire qui progresse telle une peinture à numéros plane une menace de mort plus vicieuse encore: celle de James Douglas Manning, celui qu’on surnomme «la Machine», chef de la mafia de la côte est, dont la présence menaçante ajoute un cran d’anxiété chez plusieurs personnages – et même chez le lecteur!

«Quand on est au bord du gouffre, on n’avance pas dans le noir à l’aveuglette. On tâche de s’éclairer pour ne pas tomber.» Extrait de Le dernier lendemain

Clin d’œil aux histoires de criminels qui ont fait le succès de réalisateurs tels que Francis Ford Coppola, François Truffaut ou encore Martin Scorsese, à une époque où le genre du film noir était sévèrement critiqué, Ryan David Jahn offre un roman néo-noir qui se joue à la manière d’un film dans notre tête, tellement son univers est rendu de manière réaliste sur papier. Il n’y a pas à dire, le romancier rend un bel hommage à un genre qui n’a pas toujours été dans les bonnes grâces et qui continue d’être snobé, même de nos jours.

Ce qui est surtout intéressant avec Le dernier lendemain, c’est sa «forme chorale», qui fait en sorte qu’avec la multiplication des voix, on ne s’ennuie jamais. Et vu l’imprévisibilité des réactions des personnages dans ce récit, en particulier l’épisode sur la vendetta d’Eugene Dahl, dans un sens, il vaut mieux ne pas trop s’attacher, car tout peut basculer vite fait bien fait.

À part le caractère prévisible de certaines scènes, règle générale, la force du récit, la précision des dialogues et le rythme du suspense font de cette troisième œuvre l’un des romans les plus aboutis de Ryan David Jahn.

D’ailleurs, si vous n’avez toujours pas lu ses deux précédentes parutions, De bons voisins (2012) et Emergency 911 (2013), ajoutez ces deux titres à votre liste de romans à lire dans cette vie-ci. Mais ne vous stressez pas avec ça, car à l’instar d’un bon cru, ces livres se dégustent toujours aussi bien, encore et encore, même des années plus tard!

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