«Oh! Canada – Chapitre 1: L’Est du pays»: un théâtre documentaire intelligent et plein d'humour à voir à la Salle Fred-Barry du 18 février au 1er mars – Bible urbaine

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«Oh! Canada – Chapitre 1: L’Est du pays»: un théâtre documentaire intelligent et plein d’humour à voir à la Salle Fred-Barry du 18 février au 1er mars

«Oh! Canada – Chapitre 1: L’Est du pays»: un théâtre documentaire intelligent et plein d’humour à voir à la Salle Fred-Barry du 18 février au 1er mars

Et vous, est-ce que la langue française est votre patrie?

Publié le 5 février 2025 par Éric Dumais

Crédit photo : Raphaël Nikiema

Du 18 février au 1er mars, la Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier ouvrira grandes ses portes à ceux et celles qui ont à cœur de vivre et de parler en français dans un pays à deux langues officielles comme le Canada. Au cœur de leur spectacle intitulé «Oh! Canada – Chapitre 1: l’Est du pays», une production du Théâtre Catapulte, en collaboration avec la biennale Zones Théâtrales du Centre national des Arts d’Ottawa, les cocréatrices Danielle Le Saux-Farmer et Noémie F. Savoie invitent les spectateurs et spectatrices à se réunir et à faire preuve de solidarité pour qu’ensemble on puisse méditer sur une sempiternelle question qui tourne en boucle dans les esprits: «Le français au Canada est-il sur le respirateur artificiel?»

«Ma patrie, c’est la langue française» – Albert Camus

Cette célèbre phrase de l’écrivain, philosophe et journaliste militant Albert Camus, lancée il y a des décennies de l’autre côté de l’Atlantique, résonne toujours avec autant d’intensité, même en 2025. Vous ne trouvez pas?

Encore plus dans le cœur des Québécois et Québécoises francophones, des Franco-canadiens et Franco-canadiennes, et des personnes issues de l’immigration qui sont nées francophones, ou qui ont adopté la langue française dès leur arrivée sur le sol canadien. Notre belle langue française qui se trouve désormais en minorité visible au Québec – ou risible, devrait-on dire? – avec la montée fulgurante de l’anglais dans une métropole aussi hétéroclite que Montréal…

Certes, n’oublions pas que notre province fait elle-même fait partie d’un pays où la langue véhiculaire est, sans surprise, l’anglais!

Cette réflexion autour du déclin de la langue française est un sujet épineux qui a toujours exaspéré l’autrice et metteure en scène franco-canadienne Danielle Le Saux-Farmer, pour qui «la patrie est une appartenance positive à une communauté, à nos pairs, à notre famille, à une transmission de valeurs qui passent par la langue, par la culture.»

Rejointe au bout du Zoom, elle m’a confié d’entrée de jeu: «En tant que Franco-Canadienne, une phrase comme celle de Camus, ça me touche!»

Pour sa complice Noémie F. Savoie, qui a rejoint l’appel en direct de Québec, la situation en péril de la langue française au Canada est un sujet qui la préoccupe tout autant. En quelques mots, elle a su synthétiser une parole patriotique que plusieurs d’entre nous partagent depuis toujours: «Pour moi, la langue est associée à notre culture, à notre identité».

Ainsi, si les francophones du Canada s’inquiètent autant du déclin de la langue française et que cette crainte ne date pas d’hier, c’est qu’ils sentent le poids d’une menace bien réelle qui s’étend telle une ombre malveillante au-dessus de leur tête.

La genèse d’une complicité professionnelle devenue une amitié indéfectible

Avant que Danielle et Noémie deviennent des complices en amitié, comme dans leur art, ou plus exactement «des cocréatrices, coautrices, cointerprètes, cotoutes, et meilleures amies aussi», la metteure en scène était déjà investie dans un projet de recherche documentaire, aux côtés de Nicolas Gendron, qui portait sur l’état du fait français.

À l’hiver 2022, alors qu’ils étaient lancés dans le processus, Nicolas et elle ont reçu un magnifique courriel d’une certaine Noémie F. Savoie, une créatrice de Québec qu’elle se souvenait avoir croisée dans les mêmes milieux de création, et qui leur proposait de leur offrir «son aide en tant que recherchiste, parce que le sujet la passionnait, parce qu’elle avait étudié en linguistique à Ottawa, parce qu’elle avait habité à Halifax, parce que la francophonie, et tout».

Ce message, de l’aveu de Danielle Le Saux-Farmer, était tombé du ciel, puisque l’enthousiasme débordant de Noémie est arrivé à point nommé dans leur désir, au moment où on soulignait les 40 ans de la loi 101, et à cette même époque, les 50 ans de la loi fédérale sur les langues officielles, d’enfin savoir si la langue française est réellement «sur le respirateur artificiel».

«En soulignant les outils législatifs qui ont à la fois protégé le français au Québec et qui ont consacré le Canada comme pays à deux langues officielles, Nicolas Gendron et moi, on a voulu effectuer une recherche de terrain et documentaire, avec des intellectuels, des experts et des statistiques, pour mieux comprendre quel est le clivage entre ce qu’on ressent et ce qu’on entend?»

Et ainsi être mieux outillé pour répondre à la fameuse question qui effleure tant les lèvres des francophones: le français est-il en déclin? «Moi, ça me gosse énormément cette question-là. Depuis longtemps!»

Au cours des dernières années, les cocréatrices – depuis, Nicolas Gendron a quitté ses fonctions pour voguer vers d’autres horizons –, ont consacré beaucoup d’heures de travail afin d’éplucher cette «grande question» dans tous les sens, et ainsi tenter d’atteindre l’épicentre de cette interrogation qui demeure floue malgré tout. «On n’arrivera jamais à faire le tour de la question de toute façon», a confié Noémie. «Et on fait la paix avec ça», a complété Danielle.

Qu’à cela ne tienne, après avoir «lancé un forum citoyen en septembre 2019 aux Zones Théâtrales avec des experts et alimenté des échanges avec des citoyens, organisé des résidences virtuelles en Acadie, durant la pandémie», durant lesquelles elles ont rencontré des centaines de citoyens, d’autres dans l’ouest de l’île de Montréal, sur le Plateau-Mont-Royal, et d’autres encore autour de la province, à Ottawa et en Ontario, les deux créatrices avaient maintenant une solide base documentaire qui allait servir de matière première pour Oh! Canada – Chapitre 1: l’Est du pays, qui va bientôt voir le jour au Théâtre Denise-Pelletier.

Un spectacle intelligent et plein d’humour pour réfléchir à l’état du français au Canada

À compter du 12 février, le public du Théâtre du Bic à Rimouski pourra voir ce spectacle avant tout le monde, et à compter du 18 février, ce sera au tour du public montréalais d’assister à cette version made in Quebec de ce théâtre documentaire qui comporte, cela dit, une semi-part de fiction: «C’est dans la mouvance, dans l’ère du temps, a lancé Danielle Le Saux-Farmer, d’avoir une approche documentaire théâtrale. Au-delà de ça, on sentait qu’on n’était pas satisfaites avec la fiction; donc on voulait aller voir les faits de plus près.»

Noémie F. Savoie a enchaîné: «On joue nos personnages, mais ce n’est pas vraiment nous. Parfois, nous sommes des archétypes. Nous sommes nos alter ego, mais pas tant que ça. On fait dire à nous-mêmes des choses qu’on ne pense pas nécessairement, qu’on a extrapolées. Le fait d’avoir un cadre semi-fictif nous a permis d’aller plus loin».

Dans ce spectacle qui se veut d’abord et avant tout un divertissement ludique et léger, ponctué de moments d’humour et d’autodérision, les interprètes jouent ce qu’ils sont dans la vraie vie, mais pas totalement non plus. Et c’est ça qui est drôle dans un sens. «Carlo, c’est le fier «blackadien»; Ziad, c’est le francophone sans attache; Noémie, c’est la Québécoise qui tente de ne pas céder à la peur, et Danielle, c’est la Franco-Ontarienne et transfuge identitaire, l’amoureuse du bilinguisme fédéral et de la Constitution canadienne.»

Ensemble, ils travaillent de pair à sauver la francophonie au Canada.

Danielle, qui aime lorsque les réflexions mènent à un plan d’action, a confié: «Il y a une ironie dans ce spectacle sur l’incapacité, parfois, de nos instances provinciales et fédérales d’agir comme on le voudrait. Quelles sont les actions concrètes, maintenant?»

En effet, qu’est-ce qui va faire avancer les choses dans le bon sens? Est-ce que c’est une mission réaliste, d’abord, de vouloir sauver la langue française? Est-ce que c’est possible d’être solidaires entre Québécois et francophones du reste du Canada? De former une unité, d’être égaux?

«On a essayé de faire un criss de bon show!», a lancé avec enthousiasme Danielle en guise de conclusion. «On veut que les gens soient engagés, là où on veut les emmener. On n’est pas là pour leur parler pendant une heure et quart de statistiques; on est au théâtre! C’est très drôle, ce spectacle, et les gens vont passer un bon moment. On rit de nous, un peu, en tant que francophones. C’est un moment léger à passer, pour vrai!»

Danielle Le Saux-Farmer et Noémie F. Savoie vous invitent, dès le 18 février, à ouvrir vos œillères et à développer de l’empathie et de la solidarité, non seulement envers les autres francophones du pays, mais aussi envers la population immigrante, car, selon elles, c’est comme ça qu’on va s’en sortir si on veut vraiment sauver notre langue française!

Le spectacle «Oh! Canada! Chapitre 1: l’Est du pays» sera prochainement à l’affiche de la Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier du 18 février au 1er mars. Pour acheter vos billets, visitez le site du théâtre!

*Cet article a été produit en collaboration avec le Théâtre Denise-Pelletier.

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