Le parcours exceptionnel du gentleman baryton montréalais Leonard Cohen – Bible urbaine

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Le parcours exceptionnel du gentleman baryton montréalais Leonard Cohen

Le parcours exceptionnel du gentleman baryton montréalais Leonard Cohen

L'icône de la poésie et de la musique aura dansé jusqu'à la fin de l'amour

Publié le 12 novembre 2016 par Édouard Guay

Crédit photo : Sony Music Entertainment

2016 est une année difficile pour les amoureux de la musique. Elle nous a privé notamment de David Bowie, Prince et maintenant Leonard Cohen. Véritable icône musicale, le Montréalais de 82 ans nous avait récemment offert le magnifique You Want It Darker, son quatorzième album en carrière, qui prend aujourd'hui des allures de testament. Son départ a causé une véritable onde de choc partout dans le monde, particulièrement à Montréal, où une veillée aux chandelles a eu lieu devant son ancienne résidence du quartier portugais du Plateau Mont-Royal. Rarement un artiste n'aura su mettre de si beaux mots sur la société et chanter la vie de manière aussi authentique. Retour sur une carrière exceptionnelle qui s'échelonne sur près de cinquante ans.

Les premières années 

Leonard Normand Cohen naît en 1934 à Westmount dans une famille juive d’origine polonaise. Dès l’école secondaire, il s’intéresse à la musique: il apprend la guitare et crée un groupe de folk. Le jeune Cohen a aussi la piqûre pour la poésie, il publiera d’ailleurs ses premiers écrits dans la revue littéraire de l’Université McGill. Son style est rapidement remarqué et il publiera son premier recueil en 1956. Il quittera McGill sans jamais décrocher de diplôme. Il deviendra toutefois célèbre dans le monde de la poésie et continuera d’écrire.

Les débuts

Cohen décroche une bourse d’études et ira brièvement étudier à Londres avant d’aller vivre quelques années en Grèce. Alors âgé de 26 ans, il écrira deux romans dans une maison sur l’île d’Hydra. Par la suite, ses publications deviendront plus rares, le jeune poète préférant se tourner vers la musique. Lassé par le manque de revenus de ses écrits, il s’installe aux États-Unis pour tenter sa chance comme auteur-compositeur-interprète. Il rencontre la chanteuse folk Judy Collins, à qui il jouera «Suzanne», une chanson composée pour la femme du sculpteur québécois Armand Vaillancourt. Impressionnée, Collins l’invite à venir jouer devant son public. Cohen, 33 ans, chante pour la première fois devant un public. Le succès est retentissant: «Suzanne» devient un hit local, ce qui lui permettra de sortir son premier album Songs From Leonard Cohen en 1967. 

Le succès 

Ce premier album est très bien accueilli par la critique, qui encense les magnifiques paroles de Leonard Cohen. Le poète n’est jamais bien loin dans ses compositions. En 1969, Cohen poursuit sur sa lancée en lançant Songs from a Room, comprenant la magnifique «Bird on the Wire» et «The Partisan», sa première chanson en français. C’est lors de la sortie de son troisième album, le très sombre Songs of Love and Hate que Cohen effectue sa première vraie tournée un peu partout en Amérique et en Europe. Plusieurs des chansons de cette période sont inspirées par Marianne Ihlen, une Norvégienne rencontrée par Cohen sur l’île d’Hydra et qui deviendra sa muse. 

La transformation

Après une série de spectacles s’échelonnant sur plus d’un an, Cohen rencontre le compositeur John Lissauer, qui le pousse à explorer davantage les arrangements et les compositions de ses chansons. La collaboration entre Cohen et Lissauer donnera le surprenant New Skin for the Old Ceremony en 1974. Au-delà de la guitare folk des débuts, l’album comprend des violons, des mandolines ou du banjo, donnant une sonorité plus orchestrée aux pièces, permettant à Cohen de se réinventer. L’album performe bien au Canada et en Europe, mais peine à être reconnu aux États-Unis, où Leonard Cohen a toujours connu un succès moindre, malgré un accueil critique très favorable. La transformation de ses arrangements se poursuit en 1977 lorsque Cohen travaille avec l’excentrique producteur Phil Spector, dont l’approche musique très tonitruante contraste avec le style plus minimaliste de Cohen. Les deux hommes ne s’entendent pas du tout et l’album est vu comme un échec par l’artiste, malgré de bonnes critiques. Cohen, n’ayant pas apprécié l’expérience avec Spector, décidera de revenir à ses sonorités plus folk avec l’album Recent Songs en 1979 (avec quelques éléments de jazz).

L’explosion «Hallelujah» et l’arrivée des synthétiseurs 

Après plusieurs années de silence sur disque, où Leonard Cohen s’est occupé de ses enfants dans le sud de la France tout en faisant quelques spectacles, l’album Various Positions est lancé en 1984. Enregistré pour la deuxième fois avec son ami, le producteur John Lissauer, l’album se veut plus «moderne», comprenant des synthétiseurs, spécialement sur la magnifique «Dance Me To The End Of Love», qui deviendra une incontournable. On retrouve également le retour des harmonies vocales qui avaient fait le succès de Songs of Leonard Cohen, celles-ci atteignent cependant un autre niveau sur «Hallelujah», qui reste à ce jour la pièce la plus connue du chanteur. L’approche de synthpop se poursuivra quatre ans plus tard avec l’excellent I’m Your Man, son album le plus vendu.

Le hiatus et l’apaisement 

Cohen multiplie les spectacles partout dans le monde en support d’I’m Your Man. Il est introduit au Panthéon de la musique canadienne en 1991 et sort The Future en 1992. Enregistré à Montréal et à Los Angeles, l’album remporte un très bon succès critique et Cohen entame une tournée avant de disparaître pendant plusieurs années. Il se retirera dans un monastère bouddhiste zen à Los Angeles, où il composera de nouvelles chansons, conduisant à un son très apaisé sur l’album Ten New Songs en 2001. Juif pratiquant, Cohen ne voit pas de contradictions avec la pratique du sabbat et cette retraite fermée dans un monastère bouddhiste puisqu’il n’y avait pas de pratiques religieuses comme la prière dans ce temple.

L’arnaque financière et le retour 

En 2004, peu de temps après la sortie de son onzième album Dear Heather, en collaboration avec la chanteuse jazz Anjani Thomas, Leonard Cohen découvre que sa manager et ex-amante Kelley Lynch avait détourné plus de cinq millions de dollars de ses gains de ventes d’albums et de tournées. Presque ruiné, il la poursuit en justice et obtient gain de cause en 2005. Cependant, Lynch multiplie les recours pour éviter de payer le moindre de sou en compensation, laissant Cohen sur le bord de la faillite. Elle sera finalement arrêtée en 2012 pour ne pas avoir respecté une ordonnance l’empêchant de contacter Cohen. Entre-temps, Cohen retourne vivre à Montréal dans le quartier portugais et reprend les spectacles, effectuant sa première tournée en quinze ans, qui s’avérera un grand succès et lui permettra de se renflouer. Il sera également introduit au prestigieux Rock’N’Roll Hall of Fame en plus d’être nommé Grand officier de l’Ordre national du Québec en 2008. Après le retour sur scène, Cohen fait son retour sur disque en lançant l’excellent Old Ideas, en 2012, et le tout aussi convaincant Popular Problems, en 2014. L’album comprend l’hypnotique pièce «Nevermind» qui deviendra la chanson-thème de la deuxième saison de la série True Detectives.

Le testament audio et le décès 

Cohen tombe malade et enregistre son ultime album avec son fils Adam Cohen. L’exceptionnel You Want It Darker paraît en octobre 2016, deux mois après la mort de Marianne Ihlen, la muse de sa vie. Enregistré avec la chorale de la Shaar Hashomayim, la synagogue de Westmount que Cohen fréquentait, l’album comprend plusieurs références à la mort. Dans une entrevue, Leonard Cohen se dit «prêt à mourir». Son état de santé se détériore et il meurt le 7 novembre à Los Angeles. Il sera enterré trois jours plus tard dans un cimetière juif de Montréal, auprès de ses parents et de ses grands-parents. Il aura réussi à nous en faire voir de toutes les teintes, du plus lumineux au plus sombre, il aura touché à toutes sortes d’influences, parlé d’amour, de religion, de guerre et de solitude… Il aura aimé plusieurs femmes, eu deux enfants et marqué le paysage culturel québécois.

Ainsi, son au revoir, lancé sur la pièce «Traveling Light», n’en est pas vraiment un: Cohen restera éternel.

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