«Les albums sacrés»: le 50e anniversaire de Songs of Love and Hate de Leonard Cohen – Bible urbaine

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«Les albums sacrés»: le 50e anniversaire de Songs of Love and Hate de Leonard Cohen

«Les albums sacrés»: le 50e anniversaire de Songs of Love and Hate de Leonard Cohen

Des paroles transcendantes et hypnotiques à l'image de la légende montréalaise

Publié le 22 janvier 2021 par Isabelle Lareau

Crédit photo : Tous droits réservés @ Columbia

Leonard Cohen… Voilà un artiste culte dont la notoriété a été acquise au fil du temps. Un auteur reconnu, certes, mais aussi un musicien qui a su inspirer le respect de ses pairs tout au long de sa carrière. Grâce à des reprises de la part de Concrete Blonde, Rufus Wainwright, Nick Cave et Jeff Buckley, il a pu devenir l’idole qu’il est toujours aujourd’hui. Même quatre ans après sa disparition, son héritage reste immortel: les prochaines générations de mélomanes découvriront avec ravissement une discographie singulière, mais surtout une poésie inégalée.

Écrivain, poète et chansonnier accompli, nous avons l’impression que Leonard Cohen a toujours été un artiste mature… Son passé d’écrivain n’est pas étranger à son habileté de parolier.

Par le passé, il a clairement exprimé ses sujets fétiches, sans pour autant expliquer le sens de ses chansons. On connait sa vie, mais sans posséder tous les détails. Nous sommes au courant qu’il a vécu une vie de bohème à Hydra, en Grèce, qu’il a habité le fameux Chelsea Hotel à New York, et qu’il a eu une demeure à Montréal, sa ville natale.

Son existence fut ponctuée de plusieurs histoires d’amour et d’autant de déceptions amoureuses. Nous savons aussi qu’il a tenté de combattre le démon omniprésent de la dépression et que la spiritualité fut sa douce alliée.

Une bifurcation

Notre cher Leonard aurait pu ne pas devenir chanteur… À vrai dire, il a pris cette tangente, car à 32 ans, et malgré le succès de son livre Beautiful Losers (1966), il éprouvait des difficultés financières. Il a décidé de devenir musicien afin de payer son loyer! Inspiré par des artistes comme Édith Piaf, Jacques Brel, Bertolt Brecht, Ray Charles, Elvis et Bob Dylan, il s’est attelé à la tâche et il a composé. Vers la fin des années 60, il a laissé derrière lui Hydra et sa muse Marianne. Il atterrissait à New York.

Certains de ses poèmes ont été convertis en chansons. Il savait jouer de la guitare, l’ayant apprise au cours de son adolescence, il a même déjà fait partie d’un groupe, alors qu’il était étudiant à l’Université McGill. Il a joué dans les cafés. Il a écrit. Et il a fait la rencontre d’une chanteuse folk du nom de Judy Collins, qui l’a aidé à démarrer sa carrière de chanteur.

Songs of Love and Hate, paru en 1971, est le troisième album studio du poète. Pour le réaliser, il a fait un détour par Nashville où il a recruté le réalisateur Bob Johnston, qui a notamment travaillé avec Bob Dylan (Dylan et Cohen étaient des fans l’un de l’autre).

L’encre dans le sang

Grâce aux multiples recherches faites pour la rédaction de cette chronique, j’ai appris que, parfois, le chanteur montréalais pouvait passer quelques années avant de compléter une chanson (cinq ans ont été nécessaires pour «Hallelujah» et une décennie pour «Anthem»!) Et pourtant, il était ultra discipliné: il avait l’habitude de se lever tôt pour écrire pendant trois heures.

Je présume que c’est ce désir de perfection qui lui a permis d’écrire de si belles paroles.

Les mots de Leonard Cohen sont transcendants, hypnotiques et majestueux. Le désir, l’amour, le sexe, la spiritualité, la politique, la guerre, les injustices, la dépression et les excès sont des thèmes récurrents à travers son oeuvre.

Il a toujours su présenter ses états d’âme avec une grande beauté, même si certaines de ses paroles sont crues par moments. Il savait être précis et vague à la fois, certains vers comportent même des éléments très spécifiques, tandis que d’autres sont plus énigmatiques. Et quelle plume!

La chanson «Dress Rehearsal Rag» est poignante, troublante et particulièrement triste. Sachant que le célèbre poète n’a jamais caché le difficile combat qu’il a mené contre la dépression, et ce, durant toute son existence, les paroles ici ne sont pas une surprise. Elles sont difficiles à écouter, mais elles résonnent de vérité, et sont très jolies.

«Famous Blue Raincoat» est une pièce que le poète a toujours considérée comme étant incomplète, même après sa parution. Elle fait référence à un imperméable bleu qu’il a acheté chez Burberry alors qu’il habitait à Londres (et qui lui a été volé). Mais c’est aussi le récit d’un triangle amoureux. Si on se fie au texte, nous croyons qu’il parle d’une femme nommée Jane, de lui-même et de son frère.En fait, c’est une parabole, en quelque sorte, car l’idée de l’adultère serait née dans l’esprit soucieux de Leonard, qui sentait un spectre obscurcir chacune de ses relations.

«Joan of Arc» est une ode à la chanteuse Nico (The Velvet Underground), que Leonard a sincèrement aimée, malgré le fait qu’elle ait repoussé ses avances. Elle aura cependant aidé l’artiste à se découvrir en tant que musicien et il a plus d’une fois vanté son talent.

Le titre «Avalanche», qui est tout simplement exquis, est la preuve du génie de Cohen. Les superbes paroles, un mélange de fatalité et de références bibliques, sont présentées de manière si élégante et personnelle que nous sommes tentés de les disséquer pour en comprendre le véritable sens. C’est aussi la chanson qui a convaincu Nick Cave de devenir musicien!

La voix du poète

En réécoutant Songs of Love and Hate, je réalise (encore une fois, car je ne cesse de l’oublier) à quel point son timbre a évolué, qu’il s’est transformé au fil des années et que sa voix en or n’était pas aussi éblouissante à ses débuts. En effet, celle-ci était très nasillarde sur ses premiers disques. Au fil des ans et des albums, elle s’est développée et est devenue beaucoup plus grave, et ce, même si le chanteur avait cessé de fumer (il a été étonné, par ailleurs, que sa voix ne devienne pas plus claire et plus proche de celle d’un soprano!)

Cependant, même s’il a ironisé sur son timbre (plus tard dans sa carrière, avec le titre «Tower Song»: I was born like this, I had no choice, I was born with the gift of a golden voice), il ne se considérait pas qu’il était un bon chanteur. À ses yeux, cela importait peu, puisque tant qu’il pouvait, par-delà sa musique, dire sa vérité, sa voix restait secondaire.

En survolant sa carrière, on réussit à entendre une certaine progression. La voix est certes hésitante sur Songs of Leonard Cohen (1967) et les accords sont simples et linéaires è la fois. Lentement, on perçoit un peu plus de textures avec Songs from a Room (1969), et la voix devient plus claire à certains moments. Ce cheminement se poursuit avec Songs of Love and Hate. Ici, les arrangements sont plus efficaces, bien que dépouillés. Et on perçoit également un ton légèrement plus sombre et plus opaque au niveau de la voix et de l’ambiance sonore. Quant au contenu, on entend indéniablement sa souffrance.

En toute honnêteté, j’adore écrire cette chronique, car elle me donne la meilleure raison qui soit de donner libre-cours à la geek en moi. J’aime approfondir un sujet et comprendre la vision de l’artiste, le contexte de la création, ainsi que les anecdotes entourant la réalisation d’un album.

Pourtant, autant que j’affectionne les paroles et la voix de Leonard Cohen, autant je réalise que, dans son cas, je préfère ne pas trop en apprendre sur lui. L’aura de mystère qui plane autour de son œuvre me convient davantage.

Je ne tiens pas forcément à comprendre Cohen; je veux simplement me laisser bercer par la beauté de ce qu’il a créé, par le simple plaisir d’écouter sa voix, si grave et si chaleureuse, qui me réconforte dans les moments plus noirs de la vie. Je préfère rester libre d’interpréter les mots qu’il a si soigneusement choisis selon mes humeurs.

Et vous, chers lecteurs, quel est votre relation avec Leonard Cohen?

Surveillez la prochaine chronique «Les albums sacrés» le 4 février 2021.  Consultez toutes nos chroniques précédentes au labibleurbaine.com/Les+albums+sacrés.

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