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Crédit photo : Mathieu Pothier
D’abord, le charme surprend. Difficile de s’imaginer que ce parfait métissage de folk, de mélodies lointaines et de rythmes afro-antillais, qui semble si libérateur, ait pu trouver son origine dans des chants associés à la servitude, puis à l’interdit. Et un art exprimé de manière à la fois suave et tendre correspond si peu à notre image habituelle de la révolte… Il faut jouer le jeu de découvrir cette part mystérieuse de l’histoire à travers une langue qui nous est tout aussi mystérieuse, puisque la belle Maya, qui a pourtant étudié quelques années en France, ne s’adresse à nous qu’en créole, même entre les chansons.
Elle ne s’est permis qu’une seule chanson en français, «Écris-moi», mais celle-ci sera suffisante pour mettre le feu aux poudres d’une complicité qui demeurera explosive jusqu’à la fin du spectacle. C’est avec «Santie papang» que Kamaty a ensuite définitivement entraîné les spectateurs dans son propre univers; un univers de chant, mais aussi de danse. Car le corps, cet instrument scénique que trop de musiciens tendent à négliger, Kamaty en a démontré une gracieuse maîtrise, dès que son public a montré ses premiers signes d’envoûtement. Et la sensualité ne pouvait qu’envahir davantage la salle avec «Move Rev», qui entremêle les langueurs de blues et des séquences plus rythmées, sur des notes à la limite entre la musicalité et le bruit. Ces explorations encore exotiques à nos oreilles comportaient un risque, mais celui-ci en valait la chandelle, à entendre les manifestations d’enthousiasme qui s’ensuivirent.
«Vavang» présentera ensuite un ingénieux accent de créativité jazz sur fond de créolité. C’est toutefois en venant danser parmi eux que Kamaty fera vivre à ses spectateurs leur moment culminant de la soirée, et ils lui rendront bien, en répondant à ses chants, à ses cris. Lorsque ensuite, vers la fin, Kamaty entame «Kabar», il nous est devenu impensable d’écouter cette musique typique des îles autrement qu’avec tout notre corps en mouvance.
L’effet aurait-il été le même dans une salle un peu plus vaste? On se serait moins pilé sur les pieds, certainement. Mais se laisser gagner ainsi par une aussi douce intensité demande que l’on prenne le temps de s’y ouvrir. Kamaty en est déjà à sa troisième visite à Montréal. Espérons donc que, après avoir si bien repris le flambeau des rebelles créoles, elle saura, maintenant, continuer à venir faire chez nous de toujours plus vastes conquêtes.
L'avis
de la rédaction
Grille des chansons
1. Dernié Viraz
2. Son Zié
3. Écris-moi
4. Ansanm
5. Santie Papang
6. Move Rev
7. Veli
8. Z'Enfants
9. Vavang
10. Mazine
11. Kel destiné
12. Ti brine
Rappel
13. Kabar
14. Santie papang