LittératureL'entrevue éclair avec
Crédit photo : Rémy Savard
Jean-Charles, tu es politologue de formation, en plus d’être un historien passionné et allumé! On sait que tu as œuvré durant quelques années dans le milieu communautaire, pour ensuite travailler comme chercheur sur de nombreux projets, puis comme rédacteur web pour Radio-Canada. Peux-tu nous parler brièvement de ton parcours, de l’individu que tu es devenu aujourd’hui, et de ce qui te passionne dans la vie?
«Prenant une pause de mes études universitaires, j’ai cofondé, en 1985, le Centre d’alphabétisation de Villeray, La Jarnigoine, où j’ai enseigné et administré avant d’aller travailler au Café Campus comme coordonnateur et DJ. J’y ai lancé une soirée de musique francophone uniquement, un concept assez nouveau à Montréal à ce moment. Ensuite, j’ai effectué un retour aux études avant de poursuivre ma carrière comme rédacteur web à Radio-Canada et professeur d’histoire au cégep Ahuntsic pendant 10 ans.»
«Si ces expériences de travail semblent décousues, elles sont en fait le reflet de mes grandes passions: la langue française, l’histoire du Québec et la musique (influence de mon père musicien). Ma carrière s’est poursuivie ensuite du côté des communications pour la Ville de Montréal et la STM, où j’ai pu travailler sur les dossiers d’urbanisme et de transport collectif.»
«À travers toutes ces expériences, j’ai toujours privilégié dans mes temps libres personnels (vacances, soirs et fins de semaine) la recherche et la rédaction de livres d’histoire.»
Bien sûr, on avait déjà vu ton nom comme auteur, puisqu’en 2000, tu as fait paraître, du côté de VLB, l’ouvrage Georges-Émile Lapalme: précurseur de la Révolution tranquille. Puis, chez Septentrion, en 2012, tu publiais Pierre Laporte, et finalement Le gouvernement Lévesque, tomes 1 et 2, en 2016 et 2017. Qu’est-ce qui te passionne en histoire, particulièrement autour de ces grands hommes qui t’ont longtemps occupé l’esprit?
«Je crois que je retrouvais chez ces personnages historiques cette passion pour le Québec, sa langue, sa culture et son histoire, qui me rejoignait. Je viens d’une famille politisée où, très jeune, j’échangeais avec mes parents sur des enjeux de la société québécoise. Ce qui me fascine, c’est la force de caractère et l’engagement de ces personnes qui ont su, par leurs actions ou réformes, transformer durablement le Québec».
«J’aime faire ressortir, le plus objectivement possible, les forces et les faiblesses de ces acteurs politiques, non pour les juger, mais vraiment pour traduire toutes les dimensions de leur humanité.»
Plus récemment, le 13 avril, tu dévoilais ton nouveau livre, La politique québécoise: élections, scandales et réformes – 1950-1990, à travers lequel tu retraces les événements qui ont marqué l’histoire contemporaine du Québec, de même que le parcours de ces hommes qui ont influencé la politique québécoise. Qu’est-ce qui t’a motivé à offrir un regard nouveau sur ces faits historiques?
«Il est important de rappeler que, bien que j’aie retravaillé et augmenté les textes, les thèmes abordés l’ont été dans le cadre de l’émission Aujourd’hui l’histoire avec Jacques Beauchamp, où j’y anime des chroniques depuis 2016.»
«Dans les faits, je me suis toujours intéressé à des personnages ou à des faits plutôt méconnus. L’exemple de Georges-Émile Lapalme est assez flagrant. Bien qu’il ait joué un rôle fondamental dans ce que nous appelons la Révolution tranquille, en rédigeant un ouvrage qui servira de programme électoral en 1960, sa contribution était largement passée sous silence… Même chose avec Pierre Laporte. Formidable journaliste et révolutionnaire tranquille, on ne retenait de l’homme que sa mort tragique… et une allégation posthume non fondée de corruption planait sur le personnage, et ce, même s’il avait été complètement blanchi lors d’une commission d’enquête. Dans ce cas, l’injustice se mêlait à une certaine amnésie collective.»
«Il faut dire que le champ de l’histoire politique du Québec et du Canada est vaste et peu exploré. Peu d’historiens s’y intéressent… Peut-être est-ce dû à la perception de plusieurs Québécois, que notre histoire collective est un échec, autant pour les nationalistes, les indépendantistes et les fédéralistes. Je ne suis évidemment pas de cet avis, car je crois que l’histoire nous donne une perspective essentielle si l’on souhaite ne pas répéter les erreurs du passé. Et puis, il y a dans notre histoire de grands succès et des échecs retentissants desquels nous pouvons collectivement apprendre.»
D’après toi, est-ce que cet ouvrage récent s’adresse principalement à une élite passionnée d’histoire et de politique, ou le ton et la forme adoptés conviennent à toute personne désireuse d’apprendre pour sa connaissance personnelle?
«Par sa forme et son ton, l’ouvrage s’adresse à toute personne curieuse de notre histoire. J’ai toujours défendu le rôle pédagogique de l’historien pour communiquer avec le plus grand nombre de Québécois. J’allie donc mes talents de communicateur à ceux de l’historien. Si je ne néglige rien en ce qui a trait aux sources primaires et secondaires, découlant de mes recherches, notamment dans les archives, et à la méthodologie propre à la discipline historique, mes ouvrages sont toujours rédigés pour le grand public.»
En tant que passionné d’histoire, on se doute bien que, si tu en avais l’occasion, tu aimerais ça t’endormir pour te réveiller, à l’aube, à l’époque de ton choix… Si tu avais l’opportunité de remonter le temps et de vivre dans un autre décor, quel moment historique du Québec rêverais-tu de vivre avec tes yeux d’aujourd’hui, et pourquoi? On est curieux!
«Comme historien, on peut rêver d’une période, mais on sait que les conditions de vie ne sont pas les mêmes! Qu’elles sont dans les faits bien pires qu’à notre époque. Il faut donc faire attention avec le «bon vieux temps». Mais rêvons un peu. Si j’avais une machine qui me permettait de remonter le temps, j’aimerais vivre cette période de la Révolution tranquille, non seulement pour l’effervescence politique, mais aussi culturelle et sociale.»