«Dans la peau de...» Harold Bérubé, professeur spécialisé en histoire culturelle et politique des villes – Bible urbaine

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«Dans la peau de…» Harold Bérubé, professeur spécialisé en histoire culturelle et politique des villes

«Dans la peau de…» Harold Bérubé, professeur spécialisé en histoire culturelle et politique des villes

Un tour d'horizon complet de la révolution urbaine et métropolitaine de la société nord-américaine

Publié le 13 mai 2022 par Mathilde Recly

Crédit photo : Tous droits réservés @ Les éditions du Septentrion

Chaque semaine, tous les vendredis, Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur la personne interviewée et de permettre au lecteur d’être dans sa peau, l’espace d’un instant. Aujourd'hui, on s'est glissé dans la peau d'Harold Bérubé, professeur au département d’histoire de l’Université de Sherbrooke, dont la spécialité est l'histoire urbaine, à savoir celle des villes, leurs transports en commun, leur architecture, leurs habitants et leurs luttes contre les inégalités. Le 26 avril, il a réitéré son amour pour l'urbanité en publiant l'ouvrage «Histoire des villes nord-américaines» aux éditions du Septentrion.

Harold, nous sommes enchantés de faire votre connaissance! Vous qui êtes professeur au département d’histoire de l’Université de Sherbrooke, voudriez-vous nous raconter comment est née votre passion pour cette discipline?

«J’ai un peu de difficulté à identifier une sorte de moment “Euréka!” où je me suis dit “Oui, je deviendrai historien!” Mon intérêt pour l’histoire remonte assez loin dans le temps, très probablement au moment où j’empruntais mes premiers livres “sérieux” à la bibliothèque de mon école primaire.»

«Je me suis d’abord intéressé aux grands épisodes et acteurs de l’histoire traditionnelle – guerres et révolutions, empires et royaumes, rois et reines –, mais mes études subséquentes au cégep, et surtout à l’Université de Montréal, m’ont permis d’élargir mes horizons. Initialement, j’ai été séduit par différents sous-champs plus exotiques de l’historiographie, comme l’histoire des totalitarismes, celle de l’Église catholique au Moyen-Âge, ou encore celle de la Grèce antique.»

«Ce sont mes professeurs et professeures passionnés d’histoire du Québec qui ont ramené mon regard vers l’Amérique du Nord et la période contemporaine.»

Et, plus spécifiquement, qu’est-ce qui vous a amené à vous spécialiser en histoire politique et culturelle des villes et de leurs habitants?

«La réponse courte à cette question serait Michèle Dagenais, professeure au département d’histoire de l’Université de Montréal!»

«Une réponse un peu plus élaborée nous amènerait sur deux pistes complémentaires. D’une part, lorsqu’est venu le moment pour moi de décider de la voie que j’emprunterais pour mes recherches à la maîtrise, je voulais travailler d’une façon ou d’une autre sur la construction du récit national au Québec et au Canada. C’est la professeure Dagenais, qui allait me diriger à la maîtrise, qui m’a proposé de le faire en comparant les célébrations commémoratives du centenaire de Toronto en 1934 et celles du tricentenaire de Montréal en 1942. Ces recherches m’ont permis de constater le rôle central que jouaient ces deux villes dans le récit national canadien-français/canadien-anglais, mais aussi plus largement d’explorer toute la richesse de l’histoire urbaine comme champ de recherche.»

«Lorsque j’ai décidé de poursuivre mes études au doctorat, j’ai choisi non seulement de continuer à m’intéresser à l’histoire des villes et de leurs habitants, mais de le faire dans le cadre d’un programme pluridisciplinaire en études urbaines. D’autre part, et c’est la seconde piste qui explique mon intérêt pour l’histoire urbaine, je suis un “p’tit gars de Saint-Nicéphore” (petite ville fusionnée à Drummondville en 2004). Lorsque je suis déménagé à Montréal en 1997, ça a été à la fois un défi et un plaisir de m’adapter à ce nouvel environnement social et culturel significativement plus complexe que Saint-Nicéphore!»

«Mon amour de l’urbanité découle aussi de cette expérience personnelle heureuse avec la ville.»

Le 26 avril, votre livre Histoire des villes nord-américaines est paru aux éditions du Septentrion. Vous abordez la modernité urbaine de ces métropoles, le développement des transports en commun, l’architecture, mais aussi les luttes contre les inégalités qui y persistent – et même s’accentuent, parfois. Qu’est-ce qui vous a donné envie de creuser ces thèmes en profondeur et de partager vos connaissances au grand public au sein de cet ouvrage?

«Il faut probablement dire quelques mots sur la collection dans laquelle s’inscrit l’ouvrage.»

«Chacun de ses chapitres est tiré d’une intervention faite à l’émission Aujourd’hui l’histoire de Radio-Canada. L’émission est probablement le meilleur vecteur de vulgarisation de l’histoire au Québec actuellement, avec une très belle variété de sujets et d’intervenants. Lorsque j’ai été invité à y participer, j’ai préféré favoriser les sujets plus larges à propos desquels j’aime enseigner plutôt que les sujets parfois trop étroits et spécialisés sur lesquels portent mes recherches (même si ces deux univers se recoupent quand même beaucoup!)»

«J’ai donc choisi les thèmes abordés dans le livre, parce que ce sont les dimensions de l’histoire des grandes métropoles du continent qui me semblent les plus intéressantes et qui parlent le plus éloquemment de l’ampleur de la révolution urbaine et métropolitaine que connaît la société nord-américaine à partir du milieu du XIXe siècle. Cette révolution, c’est à la fois la croissance fulgurant de ces métropoles en quelques décennies, mais aussi leur étalement sur un espace toujours plus vaste.»

«Dans l’ouvrage, j’essaie de réfléchir aux causes et aux conséquences matérielles de ces transformations, mais aussi à leur impact politique, culturel et social.»

À travers cette parution, vous explorez et mettez «en contexte certains des enjeux urbains les plus importants du XXIe siècle». Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? On est curieux!

«Avec plaisir! Tous les thèmes abordés dans l’ouvrage se manifestent d’une façon ou d’une autre dans les grandes villes du continent, de Toronto à Chicago, de Montréal à New York, ou encore de Vancouver à Los Angeles.»

«Plus encore, même si je me penche sur des phénomènes et des personnages qui se situent presque tous entre 1850 et 1950, ils ont tous des échos aujourd’hui. On peut penser par exemple à l’apparition du tramway, sujet sur lequel s’ouvre l’ouvrage. Le développement de ce nouveau moyen de transport en commun révolutionne la forme de la ville, ouvre la porte à son étalement dans l’espace. Mais la croissance de ce réseau pose également d’importants défis pour ce qui est de la coexistence de ces véhicules, dans les rues des villes, avec les piétons, les chevaux et, éventuellement, les automobiles. La question de cette coexistence, mais surtout de la contribution du tramway à une certaine densification du tissu urbain se pose présentement à travers le continent, notamment à Québec.»

«Dans le même esprit, la question de la ségrégation de l’espace sur des bases raciales, dont je traite dans l’avant-dernier chapitre du livre, pourrait sembler appartenir au passé, mais se pose encore aujourd’hui avec acuité dans de nombreuses villes américaines.»

«Bref, le passé dont je traite dans l’ouvrage n’est jamais très lointain.»

Si vous aviez la chance de remonter le temps et de pouvoir assister à un événement majeur ayant fait l’histoire d’une grande ville nord-américaine, sur quoi se porterait votre choix, et pour quelles raisons?

«Bonne question. S’il s’agissait simplement de faire un peu de tourisme temporel, je privilégierais sans nul doute la World’s Columbian Exposition qui s’est tenue à Chicago en 1893. L’exposition, qui doit théoriquement commémorer (avec un an de retard) l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique, sert plutôt à montrer à la face du monde à quelle vitesse la métropole du Midwest américain a su se remettre de l’incendie dévastateur de 1871.»

«La construction du site a été confiée à l’architecte Daniel Burnham. Lui et ses nombreux collaborateurs en font la vitrine du mouvement City Beautiful, qui vise l’embellissement des grandes métropoles industrielles du continent. Cette “White City”, construite dans le style Beaux-Arts, est absolument spectaculaire et offre un contraste brutal avec la réalité urbaine de la majorité des Nord-Américains de l’époque.»

«Il n’en reste malheureusement pas grand-chose aujourd’hui, et ce serait tout un privilège de pouvoir la parcourir au moment de l’exposition.»

«Cela dit, s’il s’agissait d’exploiter le voyage dans le temps à des fins plus pédagogiques, ce seraient les grandes émeutes raciales de la fin des années 1910 et 1960 qui retiendraient mon intérêt. Elles frappent plusieurs grandes villes américaines, mais en particulier Chicago et Los Angeles, et découlent de la ségrégation raciale imposée aux Afro-Américains avec une violence croissante.»

«C’est une chose de lire des études à propos de ces manifestations et de leur brutale répression, ça en serait certainement une autre d’y assister et de bien en mesurer la gravité et les effets destructeurs.»

Lancement du livre ce vendredi 13 mai à 17 h à Sherbrooke

Dès 17 h ce soir, on invite nos lecteurs sherbrookois à venir assister au lancement du livre à la Librairie Appalaches (88, rue Wellington N. à Sherbrooke) pour un entretien avec l’auteur, animé par M. Jean-Pierre Le Glaunec (Université de Sherbrooke), lequel sera suivi d’une période de questions et d’une séance de dédicaces.

Vous pourrez également vous procurer un exemplaire de son plus récent livre et même déguster un vin de l’amitié! Inscrivez-vous sur l’événement Facebook et passez le mot à vos amis!

Pour découvrir nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/nos-series/dans-la-peau-de.

*Cet article a été produit en collaboration avec les éditions du Septentrion.

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