«Dans la peau de…» l'historien Éric Dussault, qui propose un portrait inédit de Paris – Bible urbaine

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«Dans la peau de…» l’historien Éric Dussault, qui propose un portrait inédit de Paris

«Dans la peau de…» l’historien Éric Dussault, qui propose un portrait inédit de Paris

Découvrez des moments et lieux importants de l’histoire de la Ville lumière

Publié le 11 février 2022 par Mathilde Recly

Crédit photo : Jacques Lebleu

Chaque semaine, tous les vendredis, Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur la personne interviewée et de permettre au lecteur d’être dans sa peau, l’espace d’un instant. Aujourd'hui, on s'est glissé dans la peau de l'historien Éric Dussault, spécialisé en histoire culturelle et européenne, et dont le livre «Paris: Moments phares et symboles» vient tout juste de sortir aux éditions du Septentrion! On parie que cette incursion originale au sein de la capitale française (tant au niveau des moments et lieux qui composent son histoire) vous fascinera...

Éric, nous sommes ravis de faire votre connaissance! Vous qui cumulez les chapeaux d’historien, conférencier, professeur, vulgarisateur et guide historique, pourriez-vous nous dire d’où vous est venue la passion pour cette discipline? 

«Ma passion pour l’histoire a été assez tardive, elle date du baccalauréat en science politique effectué à l’UQAM, j’avais alors la mi-vingtaine. Mes meilleures notes étaient en histoire (cours complémentaires) et la chargée de cours sur l’histoire du fascisme et du nazisme m’a encouragé à poursuivre mes études en histoire à la maîtrise, ce que j’ai fait par la suite. Elle est même devenue ma directrice de thèse de doctorat à l’Université York de Toronto où elle avait trouvé un emploi de professeure!»

«Une fois que j’ai obtenu mon doctorat, comme il n’y avait pas de travail pour moi dans le milieu universitaire à titre de professeur spécialisé en histoire culturelle et européenne, j’ai commencé à enseigner et à offrir des conférences aux personnes dites du “troisième âge” (qui sont âgées de plus de 50 ans). Ça fait dix ans que je fais cela.»

«La vulgarisation et la diffusion du savoir me permettent de faire circuler les connaissances que j’ai acquises au fil de mes lectures, de mes études et de mes recherches, auprès de gens qui sont intéressés par l’histoire. J’adore cela!»

Après avoir vécu cinq ans en France, vous êtes revenu au Canada où vous avez obtenu le doctorat en histoire culturelle et européenne à l’Université York de Toronto dont vous nous parliez plus haut, en 2011. Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous orienter vers cette spécialisation? 

«L’histoire sociale et culturelle permet de s’approcher au plus près des sociétés étudiées, parce que ce sont deux sous-disciplines de l’histoire qui s’intéressent aux modes de vie, aux mentalités, aux valeurs, à la culture. J’ai un grand intérêt pour les bouleversements technologiques des XIXet XXsiècles qui, encore aujourd’hui, ont une résonance dans nos vies: le chemin de fer, le téléphone, la radio, la télévision, les grands magasins, etc.»

«Quant à l’histoire européenne, je m’intéresse surtout aux XIXet XXsiècles. Ces 200 années sont extrêmement riches (malheureusement) en conflits et ceux-ci ont eu des impacts importants sur les gens et les sociétés. Les après-guerres sont des périodes charnières, parce que l’on souhaite souvent rattraper le temps perdu durant le conflit, surtout les jeunes (s’ils ne sont pas morts au combat), comme c’est arrivé durant les Années folles (années 1920) et à Saint-Germain-des-Prés après 1945.»

«Mais on ne sort pas d’une Guerre mondiale si facilement, ses retombées ont des échos dans la vie des gens et des sociétés pendant très longtemps. Deux de mes trois livres sont d’ailleurs consacrés aux années 1940 et 1950, j’aime vraiment cette période dans l’histoire de l’Europe contemporaine!»

Il y a dix jours, votre livre Paris: Moments phares et symboles est paru aux éditions du Septentrion. Au fil des pages, vous revenez sur des événements clés qui ont façonné la capitale française – comme les expositions universelles de Paris –, ainsi que des lieux historiques qui ont parfois aujourd’hui disparu (notamment les Halles de Baltard). Sur quoi vous êtes-vous basé pour offrir ce portrait inédit de la Ville lumière?

«Ce qui est à l’origine du livre, ce sont des épisodes qui ont été diffusés à Aujourd’hui l’histoire, une émission d’Ici Première à Radio-Canada.»

«J’ai aussi collaboré à une émission de radio animée par Marc Labrèche (également diffusée à la radio publique). Le populaire animateur m’a demandé, au début de la pandémie de COVID-19 et alors que l’on était tous en confinement, de préparer une visite guidée virtuelle et radiophonique des souterrains parisiens, et j’ai décidé d’ajouter un chapitre à ce sujet dans mon livre. Ce dernier est conçu comme une visite guidée historique de Paris, mais par le biais de la lecture.»

«Je vous garantis que vous aurez très envie de visiter la capitale française lorsque vous aurez terminé votre lecture, sinon je vous rembourse! J’aimerais d’ailleurs que les gens l’aient dans leurs bagages pour pouvoir s’y référer lors de leur prochain voyage en France. Par contre, ce n’est pas un guide touristique, les neuf chapitres fournissent de très nombreuses informations au sujet de moments et de lieux importants dans l’histoire de la ville la plus visitée au monde.» 

Couverture-Paris-moments-phares-et-symboles

À travers cet ouvrage, on retrouve également une section entière consacrée aux sous-sols parisiens, où — et je vous cite —, «[les lecteurs] croiser[ont] la mort et la musique!» On suppose que vous faites ici référence aux catacombes ou aux caves de Saint-Germain-des-Prés, n’est-ce pas? Dites-nous aussi ce qui vous a personnellement fasciné lors de l’étude de ces lieux spécifiques!

«Le chapitre sur les sous-sols parisiens ne fait pas référence à Saint-Germain-des-Prés, mais aux catacombes (un ossuaire), au réseau de galeries souterraines des anciennes carrières de Paris (et aux cataphiles qui les fréquentent), aux égouts, à la poste pneumatique, au métro, et finalement aux abris souterrains qui ont été aménagés avant et pendant la Seconde Guerre mondiale.»

«À l’issue de la lecture de ce dernier chapitre du livre, on fait le constat que Paris arrive à se distinguer, à être aussi surprenante sous terre que sur terre. Cette ville est incroyable: elle charme le visiteur avec sa célèbre tour métallique de 300 mètres de hauteur, mais aussi avec son ossuaire contenant des millions de squelettes! Quant au concert clandestin qui a eu lieu sous terre, je ne vous raconterai pas ici l’anecdote qui le concerne, je vous invite plutôt à la découvrir dans mon livre!»

«Vous avez raison: il est question dans le livre des caves de Saint-Germain-des-Prés dans lesquelles on dansait et où l’on écoutait du jazz interprété par des musiciens locaux et étrangers (dont certains très célèbres). Ces lieux étaient très humides, on y fumait abondamment et parfois il y avait foule. Toutefois, leur légende dorée est assez éloignée de la réalité. Il vaut mieux se contenter de regarder les films qui y ont été tournés ou dans lesquels ces caves apparaissent, c’est moins suffocant!»

Si tout était possible, y compris remonter le temps, et que vous aviez la chance de rencontrer une figure historique française — un homme ou une femme politique, un.e artiste ou même un.e architecte —, avec qui aimeriez-vous échanger autour d’un bon dîner, et de quoi aimeriez-vous parler? 

«C’est là votre question la plus difficile! Je déteste l’idée de devoir faire un seul choix! Mais puisqu’il le faut bien… Disons que j’aimerais beaucoup discuter avec un groupe de garçonnes: ces femmes anticonventionnelles et anticonformistes des années 1920 (les fameuses Années folles parisiennes) que certains trouvaient trop masculinisées (surtout dans leurs mœurs!)»

«Et je souhaiterais que l’auteur du roman La Garçonne (1922), Victor Margueritte, se joigne à nous pour discuter du scandale qu’il a provoqué en écrivant une histoire à leur sujet. On lui a même retiré la Légion d’honneur, ce qui est alors une première dans l’histoire de la France!»

«Ces garçonnes fument et boivent, se droguent parfois, aiment le jazz, et couchent abondamment avec des hommes et/ou des femmes, selon leurs envies. Par ailleurs, elles ne veulent pas se faire imposer la maternité. Dans une France nataliste qui condamne sévèrement tout recours à la contraception et à l’avortement, les comportements et les opinions de ces garçonnes sont vraiment à contre-courant par rapport aux valeurs de la société dans laquelle elles vivent.»

«Elles sont des figures incontournables des Années folles à Paris comme ailleurs en Occident. Mais si la garçonne n’est pas spécifique à la France, la Parisienne, elle, l’est!»

Pour découvrir nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/nos-series/dans-la-peau-de.

*Cet article a été produit en collaboration avec les éditions du Septentrion.

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