«Sur tes traces» de Dany Boudreault et Gurshad Shaheman au Théâtre Prospero – Bible urbaine

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«Sur tes traces» de Dany Boudreault et Gurshad Shaheman au Théâtre Prospero

«Sur tes traces» de Dany Boudreault et Gurshad Shaheman au Théâtre Prospero

Voici les clés

Publié le 7 février 2025 par Pierre-Alexandre Buisson

Crédit photo : Emily Coengrachts

Choisir, c’est renoncer. Voici un thème particulièrement omniprésent dans cette création conjointe de Dany Boudreault et Gurshad Shaheman, tout d’abord présentée au FTA l’an dernier et (heureusement!) reprise ces jours-ci dans les chaleureux locaux du Théâtre Prospero.

Shaheman et Boudreault sont des amis de longue date. Ils ont beaucoup en commun: ils sont gais, œuvrent dans le milieu des arts vivants, sont nés dans un environnement généralement hostile à la diversité sexuelle, et portent en eux une sensibilité qui dissimule de profondes blessures. Après un séjour à Sarajevo, ils se lancent le défi d’explorer la vie de l’autre en visitant les lieux et les personnes qui les ont façonnés et marqués.

Découvrir, en quelque sorte, les forces et les remous qui ont fait d’eux les hommes qu’ils sont aujourd’hui.

On fait d’abord face au choix extraordinairement déchirant que le spectacle exige de son public.

Les deux artistes sont sur scène du début à la fin, et racontent en parallèle leur cheminement dans cette singulière démarche. Les spectateurs disposent d’un casque d’écoute multicanal avec lequel ils peuvent écouter un seul interprète à la fois. Chaque personne vit donc une expérience plutôt unique, forcément incomplète, mais férocement inoubliable.

Dany se rend en France et en Turquie. Gurshad à Québec et au Lac-Saint-Jean. Dans diverses villes, à travers le regard et les souvenirs d’ami∙e∙s et de membres de la famille, d’endroits parlants, d’activités révélatrices, ils apprennent à se connaître, découvrent des facettes auxquelles ils n’auraient jamais autrement eu accès.

Il y a des fantômes dans toutes les pièces, des spectres qui témoignent de leurs multiples transformations et évolutions: une histoire sera toujours subjective.

«De retour à Montréal, je loge chez toi. Tu m’as laissé tes clés. J’aurais voulu que tu ne changes pas les draps, pour que je m’allonge sur tes traces.»

Photo: Emily Coengrachts

Fraternités

Le recours à la parole des autres, aux portraits encore vifs qu’ils sortent de leurs souvenirs, est un mécanisme très réussi. Chaque témoignage est un morceau de plus qui nous aidera à compléter – ou pas – le puzzle.

Avec cette idée aussi singulière qu’extraordinaire, les dramaturges peuvent aborder les cicatrices familiales, les horreurs de l’homophobie en région, la violence, le refuge intellectuel et physique qu’ils représentent l’un pour l’autre.

Il y a beaucoup d’amour dans les phrases, une grande empathie qui se dégage de l’ensemble du projet. On ne prétend pas dresser un portrait global des deux artistes, loin de là, mais on se sent étrangement rassasiés lorsque le rideau tombe et qu’on revient sur un balcon de Sarajevo avec les deux amis.

«On a passé tellement de temps ensemble que je ne sais pas trop ce que j’étais avant toi.»

Rarement, mais quand même une fois de temps en temps, dans notre parcours de spectateurs, il arrive qu’on tombe sur une création qui nous scie les jambes, qui nous ravit profondément, qui nous réconcilie avec notre amour profond pour les arts vivants, dont la flamme est parfois difficile à entretenir.

Sur tes traces fait partie de cette rare catégorie; un show profondément bienveillant et intelligent, qui fait gonfler le cœur et palpiter les neurones.

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