ThéâtreEntrevues
Crédit photo : Jean-François Gratton / Shoot Studio
Trois destins qui balancent entre rêves infinis et dure réalité
Olga, Macha et Irina sont les trois filles du général Prozorov, décédé un an plus tôt. Elles vivent désormais dans une petite ville isolée de l’infinie steppe russe où le père avait été nommé commandant de batterie. Le temps est long, la vie est monotone et les trois sœurs rêvent de retourner vivre dans la ville aux cent désirs, Moscou, où elles avaient initialement grandi. Petit à petit, des événements – dont le mariage de leur frère, notamment – accentuent leur envie de s’échapper et de vivre des vies colorées, exaltantes et pleines de promesses…
«Les 3 Sœurs est une pièce qui parle de la beauté de l’espoir et de la jeunesse qu’on a tous connue ou qu’on connaît encore», explique Rebecca Vachon. «Mais la vie, à travers les souffrances et les défis qu’on a à relever au fil du temps, peut aussi parfois créer un vide, une quête existentielle ou une soif qui ne se résout jamais.»
Le moment présent au cœur de l’histoire
Rebecca, qui cultive depuis longtemps un amour pour la culture russophone, ne cache pas son enthousiasme quand on lui demande ce qui lui plaît dans cette pièce de Tchekhov: «C’est une de mes pièces préférées!», avance-t-elle. «Tchekhov montre petit à petit le changement des gens et l’importance de chaque individu pour que l’ensemble puisse exister, car on a tous le devoir d’exister et on a chacun une résonance dans le monde.»
«Et puis, Les 3 Sœurs me touche à travers ce rêve de Moscou, cette chose inaccessible, cette quête de bonheur et de paradis perdu que les sœurs essayent d’atteindre et n’atteindront jamais; c’est très beau.»
Selon l’actrice, c’est aussi une réflexion au sujet de notre incapacité à vivre au présent qui ressort de ce texte. «On comprend, à travers l’histoire de ces trois personnages, qu’on se projette toujours dans le futur ou bien qu’on ressasse sans cesse des souvenirs, mais c’est très dur d’être dans le moment présent. Ce qui me plaît le plus, ici, c’est que Tchekhov montre la vie honnêtement et avec justesse.»
Un metteur en scène proche de son public
L’une des forces de René Richard Cyr, d’après notre interlocutrice, est sa capacité à se glisser complètement dans la peau du spectateur, tout en cherchant à garder un regard sincère et sensible dans son travail de mise en scène. «Il sait guider chacun de ses acteurs en tenant compte de leur unicité. Il a une vision globale de ce qu’il veut – ou plutôt, de ce qu’il ne veut pas –, et de là, il aime chercher, tester, réessayer avec nous.»
Avec cette adaptation des 3 Sœurs, le metteur en scène s’est concentré sur le message et la quête de sens derrière le texte, plutôt que de chercher à tout prix à le moderniser: «René Richard Cyr ne voulait pas nous mettre en vestons-cravates ni trop actualiser la pièce. Il préférait faire ressortir la quête de sens et les grandes questions de la vie, avec une panoplie de personnages permettant au spectateur de se retrouver en chacun d’entre eux: ils sont maladroits, mais touchants», explique Rebecca Vachon.
«C’est bien l’humanité des personnages qui ressort à travers tout son travail. Il a peut-être simplement enlevé des négations et transformé légèrement certaines phrases pour que ça soit plus près de nous, plus québécois», nuance-t-elle cependant avec une certaine fébrilité dans la voix.