ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Yves Renaud
Poison, violence et triangle amoureux tragique sont au cœur de cette adaptation du grand classique racinien. On y retrouve Néron, encore jeune, en pleine transformation morale qui le fera passer d’empereur sage à tyran, monstre de trahison et de haine.
Une intrigue trouble
L’intrigue propulse Britannicus, fils de l’empereur Claude et de sa précédente épouse, au centre d’un conflit politique avec son demi-frère Néron. Ce dernier s’étant épris de la fiancée de Britannicus, Junie, il planifie jalousement son emprise sur la femme et sa pérennité en tant qu’empereur. Sa passion subite et sadique pour Junie révèle ainsi sa vraie nature. Si Britannicus avait épousé Junie, une héritière d’Auguste, il aurait ainsi pu réclamer le trône de Néron. Il faut donc agir rapidement.
Le sensuel et cruel Néron, dont la vulnérabilité charnelle est éblouissante, est campé par Francis Ducharme. Le comédien manie à merveille l’alexandrin contraignant et se déplace sur scène tel un serpent: à la fois magnétique et dangereux.
Alors que son sadisme envers la belle Junie (Evelyne Rompré) et le fier Britannicus (Éric Robidoux) est frappant, le spectateur ne peut qu’être attiré par cet être touchant, fragile et réellement authentique. Ses contradictions en font une présence avant tout tragique. Il nous faut également souligner la lubrique et redoutable Agrippine (Sylvie Drapeau) et son emprise totale sur la scène. Chaque réplique lancée par la comédienne est violente, brûlante.
Mise en scène puissante
Les costumes, seyants et tout à fait élégants, donnent aux personnages une puissante prestance et positionnent l’intrigue dans un non-lieu, très loin de ce à quoi il faut s’attendre du classicisme. La musique énergique en ajoute à cette ambiance à mi-chemin entre un palais romain et un gala somptueux.
Un combat psychologique et politique se déploie sur scène alors que les décors hybrides et illuminés font résonner les pensées et les doutes des personnages et rendent l’atmosphère inquiétante. On en sort troublé et avalé par une intrigue qui résonne encore dans le climat politique actuel.
La mise en scène éclatée de Florent Siaud et le jeu des comédiens fait sans doute de ce nouveau Britannicus un classique moderne, et renouvelle cette intrigue vieille de plusieurs siècles, prouvant qu’il faut continuer à rendre hommage aux grands auteurs, comme l’a si bien fait le jeune réalisateur.
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de la rédaction