LittératureDans la peau de
Crédit photo : Claudia Morin-Arbour
Simon, on est vraiment ravis d’avoir l’opportunité de faire un autre brin de jasette avec toi! Nos lecteurs et lectrices le savent déjà: tu es possiblement l’un des plus grands fans de cinéma d’horreur, d’histoires d’épouvante et de true crime de Montréal, du Québec, du Canada, du monde entier, soyons fous ! Ta collection vintage de VHS empoussiérés te donne une longueur d’avance sur les autres, il faut le dire ! Une seule facette de toi nous échappe! Parle-nous donc du Simon Predj que tu étais, enfant et/ou adolescent, avant de te découvrir cette passion pour les frissons extrêmes.
«En fait, j’ai toujours été attiré par les monstres. Il suffit de taper «Simon Predj enfant chante Thriller» sur YouTube pour en avoir la preuve!»
«Le premier cauchemar dont je me souvienne, je devais avoir 4 ou 5 ans, pis c’était Freddy Krueger. Je me fabriquais des masques de mort-vivant avant même d’entrer à la maternelle. Sans farce, je pense que j’ai toujours été séduit par l’art sombre. Cela dit, c’est arrivé à la trentaine que j’ai découvert le true crime.»
«J’animais mon défunt podcast Les Oubliettes et, à force de parler de ces films inspirés de faits réels, j’ai commencé à m’intéresser aux affaires criminelles. Je me souviendrai toujours de la première nuit que j’ai passée à lire sur les tueurs en série! C’était la première fois, à l’âge adulte, que j’avais peur d’aller dormir. Ça m’a vraiment mis tout à l’envers, mais je venais d’ouvrir une boîte de Pandore que je n’arriverai jamais à refermer. Ça m’a en quelque sorte transformé, et c’est même devenu une passion.»
«Pas les meurtres en soit, qu’on se comprenne bien! Les gens qui me connaissent savent que je suis un “nounours”. Mais je suis fasciné par la noirceur et par la compréhension de ce qui peut pousser une personne à commettre de telles atrocités.»
«Ce n’est pas le crime en soi qui est passionnant, mais plutôt le chemin qui mène à l’irréparable.»
En 2020, si tu te souviens, on avait jasé de La mort en héritage: Histoires vraies et insolites de meurtres en famille, un premier livre paru aux Éditions de l’Homme et au sein duquel tu as déterré, à force de recherche sur le Web, d’anciennes histoires effroyables de crimes intrafamiliaux qui ont été commis par des êtres cruels et sadiques dont l’âme est d’une noirceur absolue. Deux ans plus tard, on se rencontrait à nouveau pour parler de Chroniques de l’abîme et autres récits des profondeurs, un deuxième livre où l’humoriste Charles Beauchesne et le dessinateur Pierre Bunk se sont joints à toi pour raconter et illustrer des faits réels que vous avez enjolivés de fiction. Toi qui connais tes adeptes pour leur parler sur les médias sociaux et dans le cadre des salons du livre, qui sont les vrais fans de true crime, et comment ont-ils reçu ces deux livres? On est curieux!
«Ça surprend toujours quand je réponds à ça, parce que, contre toute attente, les plus grandes consommatrices d’histoires de meurtres et de crimes violents, ce sont des femmes! On aurait pourtant tendance à croire le contraire! Mais dans les Salons du livre, quand les lectrices viennent me parler, leurs copains restent généralement derrière, parfois avec des yeux apeurés, se demandant bien ce que leurs copines mijotent… haha!»
«Selon moi, le phénomène s’explique par le fait que les femmes ont une plus grande peur de devenir elles-mêmes des victimes. Elles sont plus à risque que les hommes, je ne pense pas avoir besoin d’expliquer pourquoi…»
«Je crois que le true crime leur permet d’apprendre, même inconsciemment, et de mieux comprendre la psychologie des criminels, et même, pourquoi pas, de prévenir les agressions. Ou du moins, de développer des réflexes pour mieux s’en sortir en situation de danger. Je pense aussi que le fait de comprendre les aspects les plus sombres de la nature humaine aide à mieux se connaître soi-même.»
«Dans mon podcast comme dans mes écrits, j’aime apporter une réflexion ouverte, une morale, suivre l’évolution de mes personnages, et ce, depuis le début, afin de bien saisir l’origine de la descente aux enfers. Je pense, bien humblement, que c’est ce côté très humaniste qui accroche mes fans. Outre le plaisir qu’on peut retirer d’un récit d’horreur, le true crime vient avec un important volet éducatif et, à la longue, ça devient presque réconfortant pour plusieurs d’entre elles.»
«J’en connais qui m’ont déjà avoué que, pour s’endormir le soir, ça leur prenait quelqu’un qui leur racontait des histoires de meurtres dans les oreilles. Mais elles n’osent pas le révéler à leur entourage, par crainte que ce soit mal perçu.»
Si on a ce privilège – ne mâchons pas nos mots ! – de te parler aujourd’hui, c’est que les Éditions de l’Homme ont dévoilé ton plus récent livre, La mort sur ordonnance: Histoires vraies et insolites de meurtres en milieu médical, où tu revisites, cette fois, «des affaires choquantes survenues dans l’univers de la médecine: charlatan aux traitements expérimentaux inquiétants, infirmières au dessein diabolique, docteur aux pulsions meurtrières, ambulancier attiré par l’appât du gain», et on en passe. Qu’est-ce qui t’a inspiré cette nouvelle thématique en milieu hospitalier, et quelle expérience de lecture attend tes lecteurs et lectrices, d’après toi?
«J’ai encore du mal à l’expliquer, mais pour moi, la science, l’histoire et l’horreur, c’est le même domaine. Et je dois dire que l’histoire de la médecine est absolument terrifiante!»
«Durant mes recherches, j’ai lu des choses que je n’oserais même pas raconter, tellement c’est épouvantable. La science, c’est de l’essai-erreur. Avant de trouver le bon traitement, on a torturé des malades au nom de la science médicale.»
«Et ce que je trouve encore plus intéressant, c’est la mince ligne entre la science et l’humain. Parce que si le docteur se doit d’être empathique envers son patient, la science, elle, est complètement dénuée de toute morale. C’est une corde raide sur laquelle doivent continuellement marcher les médecins. En même temps, leur profession les place sur un piédestal… sauf qu’il ne faut jamais oublier qu’ils sont aussi humains que vous et moi, avec leurs qualités et leurs défauts. Personne n’est à l’abri du vice; néanmoins, on met nos vies entre leur main, quasi aveuglément. Mais avons-nous vraiment le choix?»
«Dans mon livre, je raconte certaines des histoires de meurtres en milieu médical qui m’ont le plus choqué et qui risquent de faire disparaître chez le lecteur le sentiment de sécurité qu’on est censé avoir lorsqu’on entre dans un hôpital. La majorité des travailleurs de la santé ne veulent que notre bien, mais il y a toujours des exceptions, et elles ne sont pas toujours celles auxquelles on s’attend.»
«J’y raconte aussi certains des remèdes d’autrefois les plus ridicules et cauchemardesques que j’ai pu dénicher durant mes recherches! On n’y échappe pas: les certitudes d’hier ont cette tendance à devenir les aberrations de demain.»
On le sait, on te connaît: tu n’arrêtes pas une minute ! Tu n’as pas pris de bain moussant depuis 1995, c’est dire! Blague à part, jusqu’à l’année dernière, tu animais à Frissons TV l’After Show de Predj, une émission au cours de laquelle tu faisais le fou, il faut le dire, et où tu analysais, racontais et commentais les pires navets du septième art. En parallèle, tu animes toujours ton balado Ars Moriendi, où tu racontes «des affaires criminelles et macabres qui en disent long sur la nature humaine». Parle-nous de tes projets en cours et ceux à venir, si ce n’est pas un secret d’État!
«Depuis que j’ai terminé l’écriture de La mort sur ordonnance, je n’ai pas arrêté une seule seconde. Je suis incapable de dire non, et tout arrive en même temps. Je suis un peu essoufflé, je vous avouerai.»
«D’abord, je travaille à l’écriture d’une nouvelle émission pour Frissons TV, dans laquelle je vais raconter l’histoire des Video Nasties. C’est une liste des 72 films qui ont été bannis chez les British à l’avènement du VHS au début des années 1980. Des films jugés trop violents, trop gores, trop indécents et trop immoraux, et pouvant prendre possession des âmes fragiles et impies! C’est à venir au printemps.»
«Sinon, il y a un projet que je repousse depuis des années par manque de temps et qui arrive enfin à terme: présenter le podcast Ars Moriendi sur scène, devant un public, avec des comédiens. J’ai très hâte! Pour le moment, je vais le présenter une fois, puis je verrai ensuite ce qu’on fait avec ce show-là. Je n’ai pas d’agent, je n’ai pas d’assistant, je n’ai pas d’équipe de promotion ni d’agent de tournée, alors je vais y aller une étape à la fois, à pas de tortue. Mais la seule chose que je peux vous promettre, c’est que la grande première aura lieu au Festival de la radio numérique de Gatineau. Je ne sais même pas si j’ai le droit de le dire… haha! Ça se déroulera le vendredi 26 avril avec, en première partie, mes fabuleuses amies du balado Captives.»
«Et finalement, je prévois aussi le retour tant attendu du podcast Ars Moriendi dès que je trouve une minute pour dormir. J’aimerais ça le prévoir en avril, au plus tard en mai. J’ai encore plein d’histoires sordides et terrifiantes à vous raconter!»
On le sait, on le voit: le true crime fascine, et ce, plus qu’on le croit! Parle-nous donc de tes fans, de ces gens de tous âges qui viennent te rencontrer en dédicace pour échanger avec toi. Mais justement, de quoi parlez-vous dans l’intimité? Allez, raconte-nous donc quelques anecdotes croustillantes de Salons (ou autres!), histoire qu’on rit un peu avant de se laisser! Oui oui, l’humour noir est permis, tu le sais bien!
«Je ne sais pas si j’ai tant d’anecdotes cocasses de Salons du livre. J’en ai fait si peu. Je me considère encore comme un petit nouveau au sein des auteurs de chez nous et je suis encore un peu gêné dans ces événements-là.»
«Mais il y a quelque chose qui me touche beaucoup et c’est lorsque des lecteurs ou des auditeurs me disent à quel point le côté humain et les réflexions que soulèvent mes histoires les ont marqués et inspirés! Certains m’ont déjà dit que j’ai été la poussée dans le dos dont ils avaient besoin pour se lancer dans des études en criminologie, en thanatologie, ou encore en psycho; que je les ai incités à lancer leur propre podcast, ou à se mettre à l’écriture.»
«Je suis un gars sans formation qui écrit à l’instinct tout ce qui lui passe par la tête, alors quand des gens de tous âges, de toutes cultures, de tous genres me disent qu’ils se sont reconnus à travers mes mots, ou que ma manière de raconter les ont touchés, je trouve ça beau. Ça vient légitimer ce que je fais, et j’ai le sentiment profond d’être sur mon X.»
«Je n’aurais jamais pensé me rendre là où je suis aujourd’hui en racontant des histoires meurtrières. Force est d’admettre que ce sont avant tout des histoires humaines, qu’on le veuille ou non.»