«Le baptême de…» Sam Mendes – Bible urbaine

Cinéma

«Le baptême de…» Sam Mendes

«Le baptême de…» Sam Mendes

Comme la vie est laide dans «American Beauty» (1999)

Publié le 6 juin 2016 par Alyssia Duval

Crédit photo : DreamWorks, Anderson & Low

Quel est ton film préféré? La grande et redoutable question! Pour moi, elle est particulièrement ingrate, voire impossible. Je n’ai pas de film préféré, j’en ai plutôt des dizaines, et la liste s’étire à chaque année. La réponse dépend aussi de mon humeur, de mes inspirations du moment, de la pluie et du beau temps... Mais si vous insistez pour que je fasse un choix, je risque fort d’admettre, les yeux plein d’étoiles et un léger trémolo dans la voix, que rien n’égale American Beauty de Sam Mendes.

Connu du grand public pour avoir réalisé les deux plus récentes aventures de l’agent 007, Skyfall et Spectre, Sam Mendes est né en Angleterre d’un père professeur et d’une mère auteure de livres pour enfants. S’étant illustré lors de ses études à l’Université de Cambridge, où il était membre de son réputé club de théâtre, la Marlowe Society, il démarre sa carrière comme metteur en scène et participe activement à l’essor de la Donmar Warehouse de Londres en tant que directeur artistique. Ainsi, c’est avec plus de dix ans d’expérience dans le sixième art que Mendes a enfin choisi de se livrer au septième.

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Nous sommes en 1998. Prolifique auteur pour la télévision, Alan Ball – qui nous fera cadeau de la série Six Feet Under trois ans plus tard – signe son premier scénario de long-métrage, un projet qu’il mitonne depuis déjà plusieurs années. Ce dernier retient aussitôt l’attention de plusieurs grands studios malgré son sujet très peu commercialisable, et c’est l’équipe d’un certain Steven Spielberg, aux studios DreamWorks, qui en acquière finalement les droits. Avec pas moins d’une vingtaine de réalisateurs à considérer, dont le grand Robert Zemeckis (Forrest Gump), ses nouveaux producteurs décident d’accorder à Alan Ball la possibilité de s’impliquer dans la sélection d’un candidat, un mandat qu’il honorera en affirmant sa réticence à l’idée de nommer un cinéaste trop populaire.

C’est ainsi qu’American Beauty sera placé entre les mains de Sam Mendes, et il est aujourd’hui bien évident qu’aucun autre réalisateur (tous niveaux de renom confondus) n’aurait pu donner vie à ce récit de meilleure façon. Dans un rôle qui, à mon sens, définira toujours son talent, Kevin Spacey y traverse probablement la crise de la quarantaine la plus sentie, la plus furieuse et la plus pathétique de l’histoire du cinéma. Il incarne Lester Burnham, un père de famille exécrant son emploi, dont la femme (Annette Bening) est complètement désintéressée et la fille (Thora Birch) est ouvertement dégoûtée. Exaspéré par l’insignifiance de son quotidien et sexuellement frustré, il développe une convoitise indigne pour la meilleure amie de cette dernière, la très blonde et fraîche comme une rose Angela (Mena Suvari).

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Néanmoins, il ne s’agit pas d’un film sur l’adultère ou sur les relations interdites. Lester est un homme éhonté, emprisonné dans une vie misérable où les canapés en soie à 4 000 $ deviennent plus importants que la santé d’un mariage, mais c’est également un homme intelligent auquel on croit profondément, aussi déraisonnable soit-il. Ce dernier partage d’ailleurs un nombre étonnant de traits de caractère avec le personnage d’Edward Norton dans Fight Club, un autre classique américain qui sortait la même année; tellement que l’on pourrait assurément intervertir leurs monologues – «I am Jack’s inflamed sense of rejection. I am Jack’s smirking revenge…» – sans en perdre une once de leur essence respective.

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American Beauty explore nos plus grands défauts en commençant par notre éternelle tendance à cultiver les illusions. Il traite de solitude, de conformité, de matérialisme, du fossé entre succès et bonheur… Ce sont les rosiers derrière nos clôtures blanches, le dépit derrière nos sourires. Cela dit, ce film n’est pas aussi noir que les idées de ses personnages! Les rébellions et la colère de Lester sont si cathartiques qu’elles font souvent rire, quoique jamais au point d’en oublier la réelle tragédie.

Je ne suis ni américaine, ni homme, ni quarantenaire, et pourtant… American Beauty est transcendant. C’est un chef-d’œuvre, un vrai, et l’un des plus beaux scénarios jamais écrits. American Beauty est inoubliable. Il justifie à la fois mon amour pour le cinéma et ma passion pour l’écriture, ce pourquoi je vous invite à le voir – que ce soit pour une première ou une dixième fois – et ainsi mieux discerner toute la beauté dans la laideur de l’être humain ordinaire.

Prochaine chronique à surveiller: «Koyaanisqatsi» de Godfrey Reggio.

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