«Une fin» de Sébastien David au Centre du Théâtre d'Aujourd'hui: vivre jusqu'au bout son inéluctable destin – Bible urbaine

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«Une fin» de Sébastien David au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui: vivre jusqu’au bout son inéluctable destin

«Une fin» de Sébastien David au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui: vivre jusqu’au bout son inéluctable destin

Des gens ordinaires confrontés à l'extraordinaire

Publié le 17 février 2025 par Edith Malo

Crédit photo : Valérie Remise

C’est quoi, être un humain?, demande d'entrée de jeu un des personnages de la pièce dès la première scène. Une question philosophique à laquelle l'auteur Sébastien David tente de répondre en campant l'action de sa pièce «Une fin» dans un contexte apocalyptique. Sur la scène du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, une cinquantaine de personnages interprétés par seize acteur·rice·s seront tous confrontés à l'expansion du soleil, un scénario qui devrait réellement se produire, mais sur 4,5 milliards d’années.

Naviguant entre absurdité et moments dramatiques, cette coproduction du Théâtre PàP tire dans tous les sens. Peut-être est-ce à l’image de la fin du monde où chacun répond différemment face à l’étau qui se resserre sur sa vie?

Dépeinte comme une œuvre chorale, cette pièce est racontée sous forme de tableaux mettant en scène des personnages de tout acabit dont les chemins de la fatalité finiront par s’entrecroiser.

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Photo: Valérie Remise

 

Il faut de tout pour faire un monde… une fin aussi!

Une fin se situe entre désordre social (des épiceries dévalisées et pillées, des humains piétinés) et solidarité (un aréna transformé en centre de réfugié·e·s). Portés par un besoin viscéral de vivre intensément les derniers instants, certain·e·s explorent leur sexualité débridée, alors que d’autres découvrent leur orientation sexuelle.

Ici, tous les types d’humains sont dépeints. Certains sont dotés d’une profondeur et d’une sensibilité; d’autres sont plus superficiels, voire superflus.

On retrouve entre autres une fillette dont la mère est morte piétinée (Phara Thibault), laquelle est prise en charge par un inconnu bonasse (Harry Standjofski), un homme foncièrement attachant, rempli de candeur, d’intelligence et de douceur. Il défendra bec et ongle la petite, allant jusqu’à confronter l’intimidateur de cette dernière. Un moment savoureux! De même, on croise le chemin d’un universitaire dévoué (Simon Landry-Désy) et d’une femme souffrant d’empathie (Julie Vincent), lesquels gèrent les dernières ressources alimentaires d’un aréna.

L’un des duos les plus touchants est sans contredit celui interprété par Gabriel Lemire et Zoé Boudou. Lui, il est infirmier; elle, une patiente paralysée du côté gauche. Le personnage de Gabriel Lemire a plaqué la profession d’acteur afin de se consacrer à celle d’infirmier. Une question de survie, tout simplement, comme bon nombre de travailleurs culturels qui doivent abandonner, voire redoubler d’ardeur pour vivre décemment.

On dirait que l’auteur a profité de cette tribune pour faire un clin d’œil à la précarité du milieu culturel québécois!

Toucher le cœur un instant, rire gras l’instant suivant

Et dans la même lignée, il y a cette performance de Brianna Lombardo, une danseuse contemporaine professionnelle. Si son arrivée sur scène provoque une rupture de ton – on croirait assister à un happening qui contribue à briser le quatrième mur – sa prestation de danse sur la «Symphonie No. 5» de Gustav Mahler touche l’âme directement. Ça déboussole le public, mais de manière ingénieuse, frontale et assumée.

Puis, il y a de ces personnages qui semblent avoir été créés essentiellement pour faire rire. Des clichés tels qu’une mère (Marie-Hélène Thibault) cherchant désespérément sa fille, qui «s’enfarge» les pieds dans un rave et qui se pop une petite amphétamine au passage. Francine-les-dents, qui s’est payée un sourire permanent et étincelant. Et un Elvis déchu et has been campé par Gary Boudreault. Coiffé d’un chapeau de cowboy et vêtu d’une tunique scintillante, il n’y a pas à dire, ce dernier nous casse bien les oreilles avec son «It’s Now or Never»!

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Photo: Valérie Remise

Une mise en scène envoûtante

Il y a dans la mise en scène de Laurence Dauphinais et de Patrice Dubois quelque chose d’éthéré.

Sur un panneau situé à l’arrière-scène, les éclairages alternent entre le chaud évanescent et le froid glacial, navigant entre le charnel sublimé et le funeste. Le soleil brûlant est représenté par un faisceau lumineux aveuglant qui irradie des coulisses. Les corps orchestrés dans un mouvement lascif semblent se fondre en une masse homogène sous la chaleur accablante.

L’apport des chorégraphies confère à la pièce un aspect envoûtant, de même que l’omniprésence de la musique, que ce soit les intermèdes joués par un band de garage, ou une trame sonore composée de titres très accrocheurs, parmi lesquels «Let the Sun Shine In», la version tirée de la comédie musicale Hair, dont l’interprétation vaut à elle seule le déplacement. Un moment poétique et d’une grande beauté.

Bien que les metteurs en scène ont fait preuve d’audace en s’entourant d’une distribution que l’on voit rarement aussi nombreuse sur une scène théâtrale, je me suis posé la question: est-ce vraiment nécessaire d’illustrer autant de réalités humaines? Étant donné que la pièce dure 2 heures et 15 minutes, et ce, sans entracte et sans punch final, une synthèse n’aurait rien enlevé à l’intelligence du propos de l’auteur.

En somme, Une fin réussit bien à faire ressentir la pulsion de vivre à travers la désinvolture de ses personnages. Si l’on cesse de chercher un sens et que l’on décide de s’abandonner à ce chaos somme toute bien orchestré, alors on vit une expérience unique teintée d’une palette d’émotions.

La pièce «Une fin» de Sébastien David en images

Par Valérie Remise

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