«Les gens, les lieux, les choses» de Duncan Macmillan présenté sur la scène du Théâtre du Trident – Bible urbaine

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«Les gens, les lieux, les choses» de Duncan Macmillan présenté sur la scène du Théâtre du Trident

«Les gens, les lieux, les choses» de Duncan Macmillan présenté sur la scène du Théâtre du Trident

Un écho percutant à la quête théâtrale

Publié le 30 janvier 2025 par Guy-Philippe Côté

Crédit photo : Stéphane Bourgeois

Il y a quelques années, Christian Lapointe, à travers la pièce «Titre(s) de travail» présentée au Théâtre Périscope, abordait les luttes des jeunes actrices qui cherchent à trouver leur place dans le milieu théâtral. À travers des textes introspectifs, ces dernières mettaient en lumière la pression inhérente à leur profession et le rapport parfois toxique qu’elles entretiennent avec la scène. Aujourd’hui, cette réflexion résonne avec force dans «Les gens, les lieux, les choses», une œuvre percutante du dramaturge et metteur en scène anglais Duncan Macmillan, d'abord joué chez Duceppe en septembre dernier – on y était! – puis au Théâtre du Trident jusqu’au 8 février 2025. Ce spectacle explore avec justesse les défis du cheminement vers la sobriété d’une artiste toxicomane, offrant une réflexion bouleversante sur l’authenticité et la réinvention de soi.

La symbolisation du chaos intérieur d’Emma

Le titre Les gens, les lieux, les choses reflète une étape cruciale du processus de réhabilitation en centre de désintoxication: il faut éviter à tout prix tout ce qui pourrait inciter une personne à replonger dans ses habitudes destructrices.

Ce passage obligé peut toutefois se complexifier rapidement.

Prenons l’exemple d’Emma, une actrice incarnée avec justesse par la comédienne Anne-Élizabeth Bossé. Sur scène, elle brille dans les plus grandes tragédies. Mais une fois les projecteurs éteints, Emma a tendance à vite sombrer dans les excès de drogues et les soirées débridées…

Photo: Stéphane Bourgeois

Dans ce spectacle, les mouvements imaginés par le chorégraphe Fabien Piché traduisent avec éclat le chaos intérieur d’Emma. Les acteurs, devenus ses doubles blonds, incarnent quant à eux l’ensemble de ses dissociations identitaires.

Par ailleurs, le symbole récurrent de la sortie («Exit») reflète le désir d’Emma d’échapper à cette spirale destructrice. Ce chaos, accentué par les jeux de lumière psychédéliques de Keven Dubois, aux éclairages, nous plonge dans l’univers fragmenté de la protagoniste.

Comment éviter son propre passé?

Au-delà de ses excès, la toxicomanie d’Emma trouve ses racines dans un passé familial complexe, révélant une lutte acharnée pour se reconstruire.

Elle porte les blessures d’une famille déchirée: un père stoïque, une mère distante et un frère qui, fort heureusement, lui apporte une bienveillance précieuse. Malheureusement, ce dernier décède à la suite d’une surdose d’opioïdes fournis par la compagnie pharmaceutique avec laquelle Emma avait signé son premier contrat. Bien évidemment, la jeune femme sera profondément marquée par cette perte tragique.

Peu de temps après ce drame, une représentation ratée de La Mouette de Tchekhov, où elle est complètement intoxiquée, la contraint à intégrer un centre de réhabilitation. C’est là qu’Emma se heurtera à un obstacle majeur: son incapacité à reconnaître son problème de consommation.

Photo: Stéphane Bourgeois

Se réfugiant derrière des récits mensongers, elle protège ainsi une identité qu’elle sait fragile.

Quand la fiction façonne une identité

Durant leur thérapie, les patients mettent en scène des discussions imaginaires, mais forgées sur le réel, car, une fois sortis du centre, ils devront affronter les proches à qui ils ont causé du tort. Ces mises en situation les préparent donc à ces rencontres qui s’annoncent difficiles pour eux.

Dans le premier acte de la pièce, on assiste à la première tentative de désintoxication d’Emma. Cette dernière confie à Tom, un ami en réhabilitation, le vide qu’elle ressent lorsqu’elle quitte la scène. Cependant, son besoin de tout contrôler l’empêche d’avancer, et cette tentative se solde donc par un échec.

Le deuxième acte, qui correspond à sa seconde tentative de désintoxication, marque un tournant plus sincère dans son cheminement. Durant le processus, Emma en vient à parler à Tom du coyote des Looney Tunes; lorsqu’il court au-dessus d’une falaise, dit-elle, il peut défier la gravité tant qu’il ne regarde pas en bas.

Cette métaphore symbolise sa quête personnelle: il faut garder la tête haute pour avancer et construire une sobriété durable.

Comment se reconstruire après une chute vertigineuse?

Le sommet émotionnel de la pièce se trouve dans l’affrontement final entre Emma et ses parents. Son père, joué par Jean-Sébastien Ouellet, livre ici une vérité déchirante lors d’une performance à glacer les sangs: il avoue qu’il aurait préféré perdre Emma plutôt que son fils. Rien de moins!

Maude Guérin, l’actrice caméléon de la pièce, incarne non seulement la mère, mais aussi la docteure et la thérapeute d’Emma. Dans le rôle maternel, elle fait preuve d’une froideur implacable, douloureux rappel des blessures du passé, et refuse toute possibilité de réconciliation avec sa fille.

Lors d’un geste symbolique, elle rejette même les identités adoptées par Emma en l’appelant par son prénom d’origine, Catherine.

Photo: Stéphane Bourgeois

Bref, comment accepter les erreurs du passé? Comment assumer leurs conséquences? Comment abandonner les masques pour retrouver une authenticité perdue? Cette scène poignante explore toutes ces questions, mais sans jamais offrir de réponses faciles.

Qui peut réellement se regarder dans le miroir?

Je dois l’avouer: ce récit m’a particulièrement marqué, au point de me hanter longtemps après la représentation. Je vous encourage vivement à voir cette pièce tant qu’elle est encore à Québec. Que ce soit pour les visuels impressionnants, les chorégraphies réussies, ou encore le jeu des acteurs. C’est un sacré bon show!

Je termine en vous posant une simple question. Ne vous en faites pas, c’est la même que celle qui a été posée à l’équipe de création avant la première. Vous pourrez d’ailleurs découvrir leurs réponses avant d’entrer dans la salle du Trident. La fameuse question à laquelle je vous invite à réfléchir est donc la suivante: À quel moment vous sentez-vous le plus vous-même?

La pièce «Les gens, les lieux, les choses» au Théâtre du Trident en images

Par Stéphane Bourgeois

  • «Les gens, les lieux, les choses» de Duncan Macmillan présenté sur la scène du Théâtre du Trident
    Photo: Stéphane Bourgeois
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