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Crédit photo : Stéphane Bourgeois
Abandonneriez-vous votre enfant pour sauver le monde?
Place du Parlement, œuvre du Britannique James Fritz traduite par Angélique Patterson, actrice de la pièce, ainsi que par David Bouchard, metteur en scène, offre un récit saisissant et profondément humain.
L’histoire débute avec Kat (incarnée par Maude Lafond), une jeune femme privilégiée, mère aimante et conjointe de Tommy (Jean-Michel Girouard). Observant un monde gangréné par l’apathie, Kat décide de s’immoler publiquement pour éveiller les consciences. Avant son geste, elle envoie une lettre à sa mère, expliquant son choix. Si cette dernière comprend le sens de ce message, le public, lui, demeure dans l’incertitude sur cette «gangrène» qui ronge la société, selon elle.
Cependant, son acte échoue lorsqu’une passante, Catherine (Angélique Patterson), intervient afin d’éteindre les flammes.

Photo: Stéphane Bourgeois
La pièce plonge alors les spectateurs et spectatrices dans les répercussions de cet événement sur Kat, Tommy, la mère de Kat (Lorraine Côté) et Catherine. Marquée par de profondes cicatrices, la protagoniste retrouve une certaine sérénité grâce à son physiothérapeute (Élie St-Cyr). En parallèle, Catherine, d’abord une héroïne, regrette son intervention et se radicalise peu à peu.
Le récit avance dans un contexte de dégradation continue du monde. Kat et Tommy tentent de protéger leur enfant en cachant la vérité sur les blessures de Kat. Finalement, Catherine retourne sur les lieux et accomplit l’acte qu’elle avait empêché quelque temps plus tôt.
La fin de la pièce, ouverte, invite le public à réfléchir: son sacrifice a-t-il eu l’effet escompté?
15 secondes pour (peut-être) changer le monde
Le chiffre «15» occupe une place symbolique majeure dans Place du Parlement. Kat, poussée par sa voix intérieure (interprétée par Lé Aubin), apprend que 15 secondes suffisent pour qu’un feu cause la mort: un court instant de souffrance pour potentiellement transformer le monde. Sur scène, cette notion prend forme grâce à un décor ingénieux: un escalier de 15 marches, chaque pas étant éclairé par des néons orange, une conception visuelle pensée par Alice Poirier et sublimée par l’éclairage d’Émile Beauchemin.
La conception lumière joue en fait un rôle central à travers le rythme narratif du spectacle. Les transitions temporelles, marquées par des ellipses de cinq secondes, sont habilement soutenues par des coupures lumineuses nettes. Ce procédé, semblable à un montage cinématographique, maintient la fluidité et la tension dramatique, tout en enrichissant l’expérience visuelle du spectateur.

Photo: Stéphane Bourgeois
Une performance d’acteurs exceptionnelle
L’interprétation des comédiens est l’un des points forts indéniables de cette production. Jean-Michel Girouard et Lorraine Côté, figures emblématiques de la scène de Québec, livrent des performances impeccables. Élie St-Cyr, dans le rôle du physiothérapeute, insuffle une légèreté bienvenue à cette œuvre sombre grâce à un jeu comique maîtrisé.
Maude Lafond impressionne particulièrement dans son rôle de Kat. Elle guide ce personnage complexe, passant d’une jeune femme militante et prête à tout à une mère apaisée en quête de réconciliation avec son passé. Sa versatilité et sa finesse d’interprétation laissent une empreinte durable dans l’esprit des spectateurs.
Une réflexion sur les cycles à briser
Au-delà de la tragédie initiale, Place du Parlement explore intelligemment les thèmes de la résilience et des cycles inéluctables de la vie. La pièce met en lumière la tension entre la guérison et les blessures persistantes du passé.
Pour les spectateurs engagés dans une réflexion militante, l’œuvre résonne puissamment, même si le mal dénoncé reste volontairement flou. Pour les autres, attendez-vous à une remise en question existentielle qui, malgré sa dureté, apporte un certain apaisement.
La pièce «Place du Parlement» en images
Par Stéphane Bourgeois
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