ThéâtreEntrevues
Crédit photo : David Ospina (à la une: Alexandre Lagueux et Paméla Dumont)
Voir au-delà des apparences
Pour Frédéric Bélanger et Alexandre Lagueux, l’interprète de Chris, cette histoire va bien au-delà de la condition neurologique du personnage principal:
«Pour moi, c’est avant tout une histoire qui parle d’humains», explique le metteur en scène. «D’humains faillibles, lumineux et attachants. Dès qu’on a montré les premières scènes à des jeunes ayant des besoins particuliers, on a eu la même réponse: “Je me vois enfin dans un spectacle! Je ne pensais pas que c’était pour moi ces affaires-là”. C’est exactement ça que je veux briser, l’espèce d’idée préconçue selon laquelle il y aurait du contenu destiné aux gens neurotypiques et d’autre destiné aux neuro-atypiques. C’est un spectacle qui prône l’inclusion et l’acceptation des différences.»
L’équipe de comédiens de la pièce, complétés par Paméla Dumont, Félix-Antoine Duval, Nathalie Mallette, Louise Cardinal, Claude Despins, Sébastien Rajotte et Cédrik Tremblay-Maltais, a eu la chance d’avoir accès à une résidence de recherche-création d’une durée de quatre semaines dans une école pour jeunes à besoins particuliers dans la région de Repentigny.
«On a monté certaines scènes avec les jeunes et ça a vraiment été une expérience incroyable! Pour plusieurs d’entre eux, c’était la première fois qu’ils faisaient du théâtre, et encore plus qu’ils avaient l’opportunité de jouer une histoire avec un personnage qui leur ressemble, raconte Alexandre Lagueux. Je dis ça, mais ce qui a été extrêmement important dans ces échanges-là, ça a été de constater à quel point chaque jeune est unique. C’est leur unicité qui a beaucoup servi à bâtir nos personnages.»
La vie comme un Rubik’s Cube
Si l’unicité et les traits de caractère particuliers à chaque jeune ont permis à l’équipe de créer une galerie de personnages hyper riches et colorés, ils ont aussi permis à Frédéric Bélanger de créer une mise en scène complètement hors du commun.
«Pendant notre résidence, j’observais un jeune qui jouait toujours avec son Rubik’s Cube. Je trouvais ça fascinant de le voir aller. Son intervenante m’a expliqué que ça le calmait beaucoup et que c’était en quelque sorte un objet de sécurité et de réconfort pour lui. J’ai décidé de créer une mise en scène qui serait comme un Rubik’s Cube déconstruit, dans lequel on voit tous les petits carrés de couleurs qui représentent les différentes couches de la personnalité de Chris, mais aussi ses différentes émotions», raconte-t-il.
Pour Alexandre Lagueux, l’interprétation de Chris repose sur la compréhension de chaque couche de ce personnage. Bien que ce dernier soit atteint d’une déficience intellectuelle, ses désirs et ses réflexions demeurent les mêmes que n’importe quel garçon de 18 ans.
«Il a la naïveté et l’immense candeur d’un enfant, mais il veut les mêmes choses que je voulais, moi, à 18 ans. Et il vit les mêmes peines. Il veut frencher une fille, tomber amoureux; il a le cœur brisé, parce que celle qu’il aime ne l’aime pas. Nous sommes vraiment tous déjà passés par là. Le spectacle amène aussi une certaine nostalgie de l’époque de la fin de l’adolescence, le moment où on perd son innocence», explique le comédien.
Un hommage à ce qu’il y a de beau en nous
À une époque où notre société semble plus divisée que jamais, Frédéric Bélanger a voulu mettre en scène ce qu’il appelle du comfort theater, une pièce qui donne envie d’apprendre à aimer son prochain et à accueillir la différence avec bienveillance.
Si Le boulevard va assurément faire du bien aux personnes à besoins particuliers, de même qu’aux intervenant∙es qui travaillent de près avec elles chaque jour et qui se battent pour faire valoir leurs droits, c’est un spectacle qui redonne foi en l’humanité et qui interpellera tout le monde, et ce, même si vous n’avez de proches qui pourraient se reconnaître à travers le personnage de Chris.
Rappelons qu’encore aujourd’hui, les jeunes à besoins particuliers ne sont plus pris en charge par les services gouvernementaux à partir de l’âge de 21 ans. Les familles doivent alors travailler d’arrache-pied pour trouver des logements adaptés et pour continuer à avoir des suivis adéquats avec des médecins spécialisés.
On dit qu’il faut un village pour élever un enfant, et c’est encore plus vrai dans le cas d’un enfant à besoins particuliers. Dans cette histoire, Chris a trouvé son village: ce sont les personnages hauts en couleur qui fréquentent le boulevard.
Ces gens deviennent sa famille choisie, sa maison, son repère.