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Crédit photo : Mathieu Pothier
C’est à Sarah Toussaint-Léveillé qu’est revenue la tâche d’ouvrir la soirée, et c’est avec «Ta tempête» qu’elle le fît, une chanson qu’elle décrivît comme un hymne à la femme. «Mon ambition, ça serait que tout le monde chante ça le 8 mars à la Journée de la Femme…pis au hockey aussi!», a-t-elle lancé à la blague, consciente que ses compositions sont plutôt de celles qu’on laisse nous happer et qu’on intériorise plus qu’on les chante à tue-tête. Avec l’apport magnifique et solennel de la contrebasse (Jérémi Roy), du violoncelle (Marianne Houle) et du violon (Fany Fersard) à la voix chaleureuse et bien ancrée de la chanteuse, il n’en fallait pas plus pour qu’on soit déjà complètement envoûtés.
Elle siffle habilement et fait du beatbox de façon impressionnante, en plus d’être une excellente guitariste et d’avoir une belle maîtrise vocale et un beau timbre de voix. Chanter, pour elle, semble être tout ce qu’il y a de plus naturel; rien n’est forcé, tout n’est qu’authenticité. Même le spectacle est absolument sans cérémonie: elle est charmante, comique, même, mais on sent qu’il n’y a pas grand-chose d’autre de préparé que sa liste de chansons.
Néanmoins, les arrangements musicaux, eux, sont clairement préparés: la musique est sublime, et l’accord des instruments est parfait. L’apport des cordes n’est certainement pas à négliger, même si elle se débrouille aussi très bien seule sur scène, comme elle l’a démontré pendant une chanson bilingue du premier disque. Troquant sa guitare pour un tambour pour «Dans mon cahier (la musique me glisse entre les doigts)», l’artiste s’est gardé quelques cartes dans son jeu pour nous épater, allant même plus loin jusqu’à effectuer un clin d’œil inattendu à «Chim Chim Cher-ee», chanson primée aux Oscars en 1964 comme meilleure chanson originale pour le film Mary Poppins.
La voix et la poésie de Sarah Toussaint-Léveillé, alliées aux graves cordes, imposent un silence, une écoute attentive. Et c’est véritablement dans un silence complet que la foule réunie au Cabaret du Lion d’Or a écouté l’auteure-compositrice-interprète, allant même jusqu’à demander un rappel après «La Guitomane», qui a terminé le concert de façon plus entraînante. C’est finalement avec «La mal-lunée», chanson-titre de son premier opus, qu’elle conclût sa portion de spectacle, après 1h15 de généreuse prestation.
Sylvie Paquette
La pièce plongée dans le noir, c’est d’abord la voix d’Anne Hébert, en entrevue dans les années 1980, qui nous a accueillis pour la deuxième portion de la soirée, en nous livrant sa perception de la poésie. Judicieuse mise en scène – un spectacle nettement plus fignolé que celui de sa collègue qui la précédait! –, mettant rapidement la table pour saisir le projet particulier de Sylvie Paquette, Terre originelle. Bien sûr, celle-ci connaissait les romans de l’auteure, mais c’est il y a quelques années seulement qu’elle a découvert ses écrits poétiques et qu’elle a été, de son aveu, happée, séduite, et tout de suite inspirée par leur beauté.
En vérité, elle nous le confia, les 50 ans de l’auteure-compositrice interprète furent mouvementés : de nombreux bouleversements dans sa vie personnelle la poussèrent à mener à bien ce projet. «Je pensais que je porterais les mots d’Anne Hébert, mais finalement c’est la poésie d’Anne Hébert qui m’a portée.» Une réflexion bien révélatrice sur l’importance de la poésie pour elle, et de ces écrits, mis en musique de jolie façon.
Cependant, le résultat est plus efficace pour faire ressortir les textes que pour créer une musique intéressante qui ressortira de la discographie de Paquette. Des morceaux comme «Petit désespoir» sont néanmoins plus réussis, et on sent l’adaptation musicale moins forcée. Il n’en demeure pas moins que pour la première fois, semble-t-il, les synthétiseurs, les machines électroniques et les sons préenregistrés apportés par Philippe Brault, musicien lors du spectacle et co-réalisateur du disque, ne s’insèrent malheureusement pas très bien et détonnent d’avec l’univers dépouillé et poétique offert par la chanteuse.
Sa sincérité dans les interprétations, sa générosité lorsqu’elle s’adresse – souvent et longuement – au public, son aisance sur scène, son charme et son authenticité font qu’on comprend tout à fait qu’elle ait su garder un public fidèle toutes ces années, mais elle n’a pas besoin de ces enrobages superflus, et la poésie d’Anne Hébert non plus.
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de la rédaction