SortiesHumour
Crédit photo : Jim Chartrand
Le show des auteurs
C’est toujours l’occasion de célébrer le talent des auteurs, en particulier ceux qui risquent de nous faire rire dans les prochaines années. Pendant près d’une heure des plus délirantes, quatre comédiens de talent (Sandrine Bisson, Julie Ringuette et Joachim Tanguay ont repris du service, alors que Christian Roy s’est joint à la barre) se sont donnés corps et âmes pour une vingtaine de sketchs (dix-sept pour être exact), qui pourraient difficilement être plus exigeants physiquement vu qu’on les fait bouger, changer de costumes dans des temps records, se frapper, chanter, danser et alouette!
Si les références actuelles plus que culturelles étaient inévitables (Stephen Harper est définitivement une grande cible tout au fil du spectacle), il y avait toutefois un plus grand désir de dériver dans toutes les directions possibles et de livrer de la folie à la tonne. Entre un sketch récurrent mais magistral sur les onomatopées et une version très moderne et inattendue des princesses de Disney, il y en avait pour tous les goûts dans ce fourmillement hallucinant d’idées toutes aussi éclatées les unes que les autres.
Si ce n’est pas toujours la plus grande subtilité qui était mise à l’œuvre (les dildos Charlie’s Angels ont offert des rires faciles mais bien sentis), on a salué néanmoins l’originalité qui émanait d’un sketch comme Téléjournal CHSLD, qui est offert en plusieurs versions (la version Alzheimer est incroyable!), ou la tournure qu’a adopté le sketch semi-final Art attaque. Mention spéciale aussi aux Parents-roi et au Plombier porno qui, tour à tour, nous ont livré des moments d’humour qui ont font rire aux éclats les spectateurs.
Si, comme à l’habitude, on ne sait jamais qui se cache exactement derrière chaque sketch ou chaque chanson, on salue l’exubérance qui s’est fait sentir et la consistance d’humour qu’ont réussi à délivrer les neuf finissants et finissantes, soit près du double de l’an dernier. Surveillez donc les noms suivants, on pourrait les voir souvent à l’avenir: Guillaume Arcand, Alex Belisle-Turcot, Cassandre Charbonneau-Jobin, Marie-Élène Grégoire, Maxime Lacoste-Lachance, Patrick Laperrière, Yann Rocq, Mélanie Roussel et Christian Thériault.
Le show des humoristes
Du côté du show des humoristes, judicieusement mis en scène par Dominic Anctil et Pierre Prince, on pouvait profiter d’une simplicité encore plus notable que l’an dernier où l’on a mis tout en œuvre pour faire rayonner les artistes. Peu de costumes ou même d’accessoires, on ne multipliait pas les références qui donnent souvent l’impression de faire une revue de l’année 2013 six mois avant l’heure, mais on est retourné à la base même de l’humour: parler de soi. Si personne ne le fait mieux que Kevin Montreuil, ex-mannequin Sears, ou encore l’une des grandes stars de la soirée, la délirante Katherine Levac et son passé agricole (il faut la voir avec son air pince-sans-rire imiter la conception que les gens ont d’elle quand elle explique qu’elle a été élevée sur une ferme), on fait ressortir chez chacun ce qui forge sa personnalité pour construire autour de cela une force humoristique qui leur permettra de se démarquer de tout ce qu’on connaît déjà.
L’autodérision est d’ailleurs à l’honneur, alors qu’on remet en cause sa personne (François Tousigant avoue sans mal ressembler de plus en plus à Gargamel en vieillissant), ou même la nature de son sketch comme la latina Marie-Lise Dominguez, qui se qualifie de trois-en-un en représentant les éléments inévitables d’un show d’humour: une fille, une ethnie et un invalide, alors qu’elle incarne les trois dans son sketch qui explique comment elle a vécu son bal des finissants… un mois après avoir subi un accident la forçant d’être en fauteuil roulant!
Après une sympathique introduction qui fait ressortir le meilleur ou le pire de chacun (on soupçonne quelques insides de leurs années d’études), on ne peut cacher que toute la bande des quatorze joyeux lurons s’avère aussi drôle ensemble ou par groupe, que ce soit en pairs ou en prenant d’assaut la scène en solo. Ainsi, entre Jérémy Du Temple-Quirion et son nom de roi mage et Mehdi Bousaidan et son nom venu d’ailleurs, on a de multiples occasions d’attraper une crampe à la mâchoire à force de rire à gorge déployée.
S’il y a certes un peu de travail à faire au niveau de la fluidité de leurs excellents textes (le stress leur faisait par moments manger leurs mots), on doit avouer que chacun des finissants a su interagir avec son public. Bien sûr, l’énergie improbable et démultipliée par quinze de Jessy Sheehy est difficile à surpasser, surtout qu’un «gros avec une petite guitare c’est déjà drôle», mais Claudy-Marc Moreau Duvivier, qui a avoué en toute sincérité ne pas avoir comme père Dieudonné et comme mère Jean-Marc Parent, les similitudes étant particulièrement incroyables!, ne s’en laisse pas imposer avec ses chansons à répondre qui ont aisément enflammé la salle.
Ainsi, il y a de tout pour satisfaire l’auditoire: des chansons, des histoires, des personnages et on passe. Samuel Breton, qui est vite devenu «le vulgaire de la bande», avec son humour salé livré pratiquement pour le dessert (pensez-y, toutes les filles ont un chat!), n’aura certainement pas le même public cible que Mathieu Lorain-Dignard et son univers absurde et décalé où il se questionne à savoir s’il est possible qu’il soit mongol et que c’est bien tant mieux! Même chose pour Victor Billo et sa catapulte à raton laveur, ou bien Alice Payer et sa jubilante frustration contre les gens en retard, alors que Guillaume Tremblay nous explique quant à lui l’ingénieux plan d’immigration des Asiatiques pendant que David Beaucage-Gauvreau joue l’insupportable ami ô combien drôle et prof de gym, sorte d’athlète inaccompli qui se défoule sur ses étudiants.
Du coup, même si on en avait envie, il est inutile de tous les décrire avec précision alors qu’il n’y a rien de mieux que d’aller les voir et d’ainsi profiter de leur fabuleux don de pouvoir nous faire autant rire. D’autant plus qu’on trouve ici un échantillon remarquable d’humoristes nés où les inégalités sont rapidement contrebalancées par la diversité, la grande reine de la soirée. De voir tous ses humoristes s’amuser et nous amuser, on en vient à la fin de cette puissante soirée à la certitude suivante: maudit qu’on aurait envie d’être humoriste! C’est donc en plus de nous avoir fait rire qu’on peut être assuré à la fois qu’ils ont dépassé leur mandat, mais également qu’ils ont très bien choisi leur vocation. Bravo!
Il reste encore deux représentations des finissants auteurs et humoristes de 2013 dans le cadre du Zoofest, soit les 17 et 18 juillet prochains au Studio Hydro-Québec du Monument-National à 20h30 pour le show des auteurs et à 22h pour le show des humoristes.
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de la rédaction