L’exposition «Des chevaux et des hommes» à Pointe-à-Callière

Pointe-à-Callière a choisi de donner sa version de l’histoire à travers la collection du défunt, mais célèbre homme d’affaires français Émile Hermès, ayant régné sur la seule maison de harnachement (et accessoires équestres, de manière plus générale), ayant survécu, dit-on, à l’ère de l’automobile. La somptueuse collection offre au regard quelques accessoires usuels, des artéfacts des premières traces, en Asie Orientale, de l’utilisation du cheval pour le déplacement et quelques vestiges de l’aventure équestre en Amérique. Mais à travers la collection d’Émile Hermès de selles, de harnais, de vêtements et de tableaux, le cheval est avant tout présenté comme une force brute sur laquelle les nobles ont assis leur pouvoir.

Cet amas de luxe et de figures prestigieuses peintes à travers les siècles présente une version nettement plus conventionnelle de l’art muséal que ce à quoi ce musée technologique et innovateur sur le plan éducatif nous a habitués. Les liens avec l’histoire contemporaine québécoise ou celle de ses paysans des derniers siècles brillent par leur absence. Celle de la relation intime et parfois abusive entre l’homme et le cheval à travers le temps y est même à peine effleurée. Tout au plus, l’attention de la société française de protection des animaux pour le sort des chevaux y est évoquée, en passant, comme une influence momentanée.

La Maison Hermès existant toujours, les créations contemporaines de la Maison y sont également présentées, mais le cheval s’y trouve alors remisé au second plan, au profit des accessoires de voyage. Ces derniers, appelés «les utilitaires», sont destinés sans le moindre doute à une clientèle de «classe affaires». En fait, une seule œuvre contemporaine, un Pégaste (cheval mythique ailé) attire l’attention pour ses vertus artistiques. Pour le reste, ce mélange de cuir, de marques de prestige et d’accessoires de voyage, entouré d’un langage élogieux, donne plutôt l’impression de déambuler entre les pages d’un magazine français de style de vie pour hommes.

Il faut bien reconnaître toutefois la formidable vision d’un homme d’affaires qui, en se constituant, tout au long de sa vie, une collection privée, a su attirer un rayonnement à son entreprise, par-delà son continent, plus de 60 ans après sa mort: un bien petit pas donc, pour l’histoire muséologique, mais un grand pas dans celui de la stratégie des mises en marché.