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Crédit photo : Éditions Alto
17 ans. C’est le temps qu’il a fallu à l’écrivain natif de la Colombie-Britannique pour arriver à une version finale du livre qui se veut un hommage à la vie peu commune de son père. Il s’agit là d’un mémoire, oui, mais qui se situe à la frontière du roman avec une écriture poétique tant désarçonnante que touchante. En fait, sans cette mention, on aurait facilement pu croire à une fiction, tant la vie de l’auteur semble tout droit sortie d’un roman.
Avec près de 600 pages, Béchard tente du mieux qu’il peut de retracer le parcours inusité de son père, André Béchard, tour à tour voleur de banques, poissonnier et vagabond. Si au départ son projet était essentiellement de raconter son père, il s’est rendu compte quelques années plus tard que son livre ne serait pas complet et représentatif s’il ne s’y incluait pas lui-même. On suit alors le narrateur, Deni, en commençant par son enfance dans «la vallée», où il a été élevé dans une relative pauvreté auprès d’une mère ésotérique et adepte des aliments non-transformés et d’un père devant lequel il ne devait montrer aucun signe de faiblesse, afin d’éviter son mépris et d’attirer sa fierté.
Le père et le fils, même si ce dernier cherchera toute sa vie à prouver le contraire, se rejoignent à plusieurs égards; ils ont une faim insatiable pour l’aventure et l’adrénaline. Si André ne réussit jamais calmer son appétit, qui est de nature plutôt brute et violente, Deni trouvera un moyen d’assouvir son désir d’action: l’écriture. C’est par cette voie plus tranquille et personnelle que ce jeune dévoreur de romans réussira à contrôler ce que son père n’avait su que réduire en éclats. Ce besoin d’écrire du narrateur n’est pas venu sans motif; il est à l’origine de son désir d’entendre les histoires de son père, qui nourrissaient son imaginaire et sa fierté d’avoir un paternel redoutable et hors du commun.
Il est facile de faire le lien entre l’œuvre de Deni Y. Béchard et celle des écrivains américains emblématiques, comme Faulkner et Hemingway, notamment par l’infime précision des faits et des éléments de décor. Remèdes pour la faim est une longue quête, qui se modifie au fil des ans et des pages; une quête de vérité, dont la publication du livre permet à l’auteur d’accepter qu’elle ne sera jamais achevée, qu’il est impossible, même après des années de recherche et de réécriture, de reconstituer les faits tels qu’ils ont été. Et c’est très bien ainsi, puisque nous avons entre nos mains une version personnelle et vivante du personnage qui a réellement existé dans les yeux de l’auteur. Un livre aride sans être lassant, où chaque phrase semble sculptée avec une attention tant érudite que désinvolte.
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de la rédaction