Littérature
«L’Évangile selon Yong Sheng» de Dai Sijie ∙ Gallimard
«La raison, c’est qu’il ne cherchait pas la perfection. Il voulait seulement exprimer la vie Et la vie, c’est l’imperfection.»
Ce nom Dai Sijie vous dit quelque chose, n’est-ce pas? Alors vous aussi vous avez lu Balzac et la petite tailleuse chinoise, roman qui est devenu, après sa parution en 2000, l’œuvre phare de son auteur. Et moi j’ai tellement aimé la douceur du récit que j’ai poussé la curiosité, en 2003, en lisant Le complexe de Di, qui m’a prouvé hors de tout doute la capacité de l’auteur à raconter une histoire avec finesse et poésie.
Il y a déjà quatre ans que l’auteur et cinéaste d’origine chinoise, installé en France depuis 1984, a fait paraître L’Évangile selon Yong Sheng, un livre qui a patienté sagement dans l’une de mes bibliothèques et qu’il a écrit à la mémoire de son défunt grand-père Dai Meitai, duquel il s’est inspiré pour mettre sur pied son protagoniste, Yong Sheng.
Et quelle vie mènera ce cher Yong Sheng, homme aux multiples talents et fils de charpentier devenu pasteur par conviction chrétienne! Un chemin de croix que j’oserais même comparé à celui qu’a emprunté le Christ lors de son dernier jour sur Terre, lors de sa montée au Golgotha, tout juste avant sa crucifixion…
D’ailleurs, le rythme du récit est à l’image des moments charnières de sa vie: par moments, c’est le calme plat, à l’image d’une steppe qui s’étend à perte de vue. De fait, on se laisse bercer par les événements qui marquent le passage vers l’âge adulte du personnage – la fabrication de sifflets pour colombes, talent qu’il tient de son paternel (Sheng signifie «le son» après tout) – sa découverte du corps féminin lors de sa rencontre avec Mary, ses études de théologie et son accession au titre de pasteur et évangélisateur confirmé de la ville de Putian, son mariage sans saveur, la garde de sa fille illégitime qui lui revient des années plus tard, jusqu’au grand bouleversement, en 1949, durant l’avènement de la République populaire, une ère de tourments qui s’ouvre sur la fameuse Révolution culturelle, lancée par Mao Zedong en 1966.
Bref, il s’en passe des choses dans la vie de Yong Sheng, et c’est ce qui m’a permis, d’ailleurs, d’apprécier ce livre à sa juste valeur, malgré ses quelques longueurs qui m’ont demandé une dose de courage supplémentaire, car l’écriture de Dai Sijie est réellement envoûtante, et c’est grâce à cette dernière que j’ai pu me rendre à bon port, jusqu’à la toute dernière page.
Ainsi, pour renouer avec une plume divine, qui jongle savamment avec la richesse du vocabulaire, et d’une grande finesse, je vous suggère chaudement ce roman, mais ne vous attendez pas à un page turner!
Allez-y à votre rythme, c’est plus sage.