CinémaZoom sur un classique
Crédit photo : Image provenant de l'oeuvre «Le Cabinet du docteur Caligari» de Robert Wiene. Tous droits réservés
Dès la première scène du film, Francis (Friedrich Feher) et son ami discutent sur un banc de parc. Francis lui raconte des évènements passés qui l’ont traumatisé, dont ce récit qui s’est déroulé lors d’une fête foraine: un homme, surnommé le docteur Caligari (Werner Krauss), présente à la foule un somnambule qu’il appelle Cesare (Conrad Veidt). Francis et l’un de ses amis, Alan, assistent à la présentation. À travers la démonstration, le docteur Caligari prédit la mort d’Alan. La nuit suivante, ce dernier se fait assassiner…
Francis soupçonne alors le docteur Caligari et en parle à son amie Jane, qu’il aime en secret. Celle-ci va enquêter sur la mort d’Alan par elle-même et se rend au stand de fête foraine de Caligari et de Cesare. Mais, visiblement traumatisée par les deux hommes, elle s’enfuit, et Cesare décide de partir à sa recherche. Francis tentera de la protéger, mais il rencontrera quelques complications sur son chemin. S’ensuit alors un jeu de chasse à la souris, où Francis finira par réellement découvrir son destin.
Un scénario fantastique
En 1920, une oeuvre avec une histoire comme celle du Cabinet du docteur Caligari sortait de l’ordinaire. Le scénario explore des thèmes rares pour l’époque: la folie, l’illusion, la dualité et la violence. Plus impressionnant encore, il s’agit d’une des premières fois où le récit est raconté par un narrateur fou. À la fin du film, les spectateurs ne peuvent donc pas se fier à ce qui a été raconté à travers les minutes du film, puisque le personnage qui raconte l’histoire a une vision distorsionnée des évènements.
En effet, l’histoire mise en scène est «fausse» et n’existe que dans la tête de Francis. Le spectateur en ait témoin, mais il sait d’emblée que ces évènements n’ont pas réellement eu lieu. Mais l’un des plaisirs que procure ce film, c’est celui d’y croire quelques instants et surtout d’apprécier l’esthétique de l’oeuvre.
Une esthétique pour le moins unique
L’aspect le plus marquant de ce long métrage au niveau visuel est l’absence de nuances au sein du noir et du blanc. C’est ce qu’on appelle un éclairage clair-obscur, où le blanc et le noir ne laissent pas de place au gris (ou du moins, très peu), ce qui cause une nette démarcation entre les éléments de l’image. C’est grâce à ce choix esthétique que l’atmosphère du film est si particulière et avant-gardiste pour son époque.
De plus, la présence de plusieurs symboles ajoute une énorme richesse à l’image. Ces symboles sont cachés dans les décors et annoncent, à l’avance, les points tournants du film. Lors d’une réécoute de l’oeuvre, il est facile de les apercevoir plus facilement et de constater que Wiene a voulu laisser des indices un peu partout dans le film.
Par exemple, les murs des décors du village où Francis se trouve au début de la production ne sont pas droits. Certains de ces murs sont placés en diagonal et les pièces se referment sur elles-même, ce qui renvoie directement à la démence de Francis, qui vit dans un asile psychiatrique.
Un mouvement cinématographique remarquable…
Suite à la Première Guerre mondiale, le cinéma allemand a subi un déclin plutôt important, puisque Hollywood et les films à gros budget sont apparus sur les écrans et ont gagné une popularité sans précédent. L’argent pour financer des oeuvres cinématographiques se faisait aussi plus rare, et les cinéastes devaient innover de différentes façons afin de contrer ce manque.
C’est la raison pour laquelle plusieurs cinéastes allemands ont dû faire preuve d’imagination et d’innovation en utilisant davantage de symboles et de décors inusités pour partager leurs histoires. Ce sont des techniques peu onéreuses qui ont eu le mérite d’ajouter une grande profondeur à l’image.
L’ambiance qui en ressort est unique et crée une atmosphère parfois effrayante. C’est d’ailleurs pour cette raison que le mouvement se nomme de la sorte: les décors et les acteurs portent une expression qui se reflète par et grâce à l’image.
Les réalisateurs notables issus de ce mouvement sont Fritz Lang et Friedrich Wilhem Murnau. Bien sûr, ceux-ci n’ont pas réalisé seulement des oeuvres expressionnistes, mais leurs premiers films possèdent les caractéristiques propres à ce mouvement (éclairage, symboles, décors, etc.)
La naissance d’un genre nouveau
Bien sûr, il est difficile d’affirmer à 100% que Le Cabinet du docteur Caligari a créé à lui seul un nouveau genre cinématographique. De nombreux autres films peuvent être associés à la création du genre fantastique et d’horreur (comme Nosferatu de Murnau, qui est aussi associé à l’expressionnisme allemand).
Cependant, il faut avouer que ces films ont su partager aux spectateurs une atmosphère très particulière, en présentant un univers semblable aux nôtres, mais toujours à travers un regard qui vient déjouer nos codes et nos normes.
Et c’est justement ça la force d’une oeuvre fantastique: faire croire aux spectateurs qu’un évènement surnaturel ou étrange puisse se produire dans notre réalité. Et le cinéma expressionniste réussit habilement à faire croire des choses aux spectateurs. Ces cinéastes s’amusent même à jouer avec les idées préconçues de l’audience dans le seul et unique but de les surprendre au cours des dernières minutes du film.
Le Cabinet du docteur Caligari reste donc une référence extrêmement importante dans l’histoire du cinéma, mais aussi dans la création d’un genre que nous connaissons tous aujourd’hui: le fantastique.
Un cinéphile passionné par l’histoire du cinéma doit assurément ajouter l’oeuvre de Robert Wiene à sa liste, si ce n’est pas déjà fait, car ce film est tout simplement un chef d’oeuvre en soi.
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«Le Cabinet du docteur Caligari» en images
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