CinémaCritiques de films
Crédit photo : Sara Mishara
Le film est tourné en pellicule 35 mm de type noir et blanc, dans le but, nous disait le réalisateur dans une entrevue accordée à Bible urbaine récemment, de créer un été intemporel, qui pourrait être celui de tout le monde. Effectivement, les paysages de banlieue présentés sont très génériques voire ordinaires. Ils dépeignent bien le vide et l’ennui qui semblent habiter le personnage principal. Le noir et blanc, tout comme la direction photo assurée par Sara Mishara, apportent une douceur et une nonchalance agréables qui installent le public dans une atmosphère de calme dès les premières minutes du film. Les nombreux plans séquence en travelling latéral étirent le temps et nous plongent dans un mode contemplatif.
Tout comme au sein de ses films précédents, Stéphane Lafleur accorde une importance majeure aux bruits ambiants. Notons les sons nocturnes comme celui du vieux ventilateur qui se promène de gauche à droite en grinçant dans la chambre de Nicole, et celui des grillons. Contrairement aux deux films précédents, la musique prend ici une place de choix: la trame sonore est assurée par Organ Mood dont le travail s’avère remarquable. Les sons électros mélancoliques sont mis de l’avant et contrastent avec le silence des situations. Par moments, ceux-ci, de même que les séquences de harpe, rappellent le côté fantastique des films de Lafleur, lui qui avoue aimer que l’ordinaire côtoie l’extraordinaire. Ces segments musicaux introduisent des rêves ou des bribes de l’imagination de Nicole, qui semble toujours mi-endormie, mi-réveillée.
Les performances du frère de Nicole et de son groupe rock, dont la musique a été entièrement composée par Rémy Nadeau-Aubin (Jacquemort), sont également riches en sons forts: les coups de bass drum et de snare sont agressants pour le personnage principal et pour les spectateurs! Le petit Martin, 10 ans, qui fait des avances à Nicole avec sa voix d’homme mature, est hilarant et contribue aussi à l’absurdité de la vie du personnage principal. Les situations cocasses rythment le film, allègent l’atmosphère et nous permettent de nous dégourdir. Le désir de laisser le temps en suspens demande en effet plus de patience et de concentration chez l’auditoire; le film s’étire parfois.
Les performances de Julianne Côté et Catherine St-Laurent sont justes et leur personnage, fort attachant. La sensibilité féminine de Stéphane Lafleur est rafraîchissante. Dans Tu dors Nicole, comme au sein des films précédents, les femmes sont dépeintes de façon juste, sans stéréotype, et jouissent de personnalités complexes et nuancées. Marc-André Grondin est pour sa part plus effacé, probablement à cause de la nature de son personnage. Francis La Haye (En terrains connus), dans le rôle du batteur du groupe, fait des étincelles remarquées.
En définitive, Tu dors Nicole est un film d’une grande beauté et d’une profonde douceur, qui nous habite de façon subtile plusieurs jours après le visionnement.
L'avis
de la rédaction