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Crédit photo : Remstar
Cinéaste norvégien, Morten Tyldum (Buddy, Headquarters) s’est entouré d’une distribution cinq étoiles chapeautée par l’acteur anglais Benedict Cumberbatch, qui interprète ici le rôle-titre d’Alan Turing de manière magistrale. Rôle qui n’est pas sans rappeler celui de Sherlock Holmes dans la série du même nom et que le comédien défend également. Cumberbatch semble prédestiné aux personnages de génies dont la maîtrise de leur psychologie n’a d’égal que l’intelligence du comédien. Il a su rendre humain l’homme que tous considéraient à l’époque comme un robot monstrueux, dénué d’émotions. Ce qui devait être l’ombre d’un asperger doublé de la perte irrémédiable de son ami d’enfance, genèse de son destin extraordinaire, ont coupé Turing d’habilités sociales, le laissant à l’écart des groupes, seul et vulnérable.
Avec une réalisation peut-être un peu trop sobre, Morten Tyldum nous convie à un grand jeu de faux-semblants où, sur l’échiquier, s’affrontent des adversaires qui sont loin d’être de nationalité allemande ou anglaise. Dès les premières minutes de film, le spectateur comprend qu’il fait aussi partie du casse-tête par la voix hors champ d’Alan Turing qui semble, au premier abord, s’adresser au public. Un fort sentiment d’interpellation est initié. Si, par la suite, il est évident que le personnage raconte plutôt son histoire à l’inspecteur de police l’ayant arrêté pour indécence, le quatrième mur étant brisé, l’audience devient tout de même partie prenante du film. Habile manipulation de la part du cinéaste qui n’en reste toutefois pas là. Les espions ne sont pas qui ils devraient être, Joan Clarke (Keira Knightley, honnête), mathématicienne et unique femme prenant part au décryptage d’Enigma, sera la fiancée de Turing pendant un temps (mascarade pour qu’elle poursuivre son travail parmi les hommes et pour cacher les attirances véritables de ce dernier) et, finalement, le nom de la machine créée pour percer les secrets des communications allemandes qui révèle beaucoup plus que des tactiques de guerre…
Alternant flashbacks et moments présents, The Imitation Game s’échelonne sur trois périodes de temps, chacune donnant non pas des indices sur la mission de Turing, mais bien sur son homosexualité, honteuse et tenue secrète. La brillance du film est de soulever ce pan tragique de la vie du mathématicien, ce qui lui confère une grande universalité. Derrière les chiffres et l’arrogance d’une intelligence plus puissante que la moyenne, mais qui cache une tristesse abyssale, se dissimule à son tour la preuve irréfutable qu’Alan Turing était tout sauf un robot. Qu’un seul homme persécuté pour la simple et bonne raison d’avoir aimé.
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de la rédaction