«Dans la peau de...» Karine Prémont, politologue passionnée par l'histoire – Bible urbaine

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«Dans la peau de…» Karine Prémont, politologue passionnée par l’histoire

«Dans la peau de…» Karine Prémont, politologue passionnée par l’histoire

La puissance américaine au centre de ses réflexions

Publié le 26 août 2022 par Éric Dumais

Crédit photo : Marie-Danielle Prémont

Chaque semaine, tous les vendredis, Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur la personne interviewée et de permettre au lecteur d’être dans sa peau, l’espace d’un instant. Aujourd'hui, on s'est glissé dans la peau de la politologue Karine Prémont, professeure de politique américaine à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, pour jaser de son plus récent ouvrage qui verra le jour le 30 août aux éditions du Septentrion, «La Puissance américaine mise en échec: de la guerre du Vietnam à l’Irak». Cet essai, accessible à tous les publics, intéressera autant les historien∙nes en herbe que les curieux∙se friand∙es d'en apprendre plus sur les moments charnières de la politique étrangère des États-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Karine, on est ravis de faire votre connaissance! Vous êtes professeure de politique américaine à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, en plus d’être directrice adjointe de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM. Dites-nous, cette passion pour l’Histoire avec un grand H, elle vous a prise par surprise à quel moment dans votre vie, exactement?

«J’ai souvent raconté cette histoire, mais c’est grâce à ma grand-mère maternelle que l’histoire m’intéresse, et ce, depuis que je suis toute petite. Ma grand-mère me parlait beaucoup de la Seconde Guerre mondiale et du temps où elle avait travaillé sur un navire de la marine marchande américaine pendant cette période. Elle était très admirative des Américains, que ce soit en tant qu’individus et en tant que grande puissance. J’ai donc développé un intérêt pour l’histoire dès mon plus jeune âge, alimenté en cela par la culture américaine, omniprésente dans les années 1980, qui plaçait les États-Unis au centre du monde.»

«Ma fascination pour ce pays, son histoire et sa culture s’est accrue avec le temps, et c’est pourquoi j’ai choisi d’en faire mon objet d’études une fois rendue à l’université.»

«Je me suis dirigée vers la science politique plutôt que vers l’histoire, parce que j’ignorais à l’époque qu’il était possible d’étudier l’histoire politique américaine. Toutes les personnes que je connaissais et qui avaient choisi d’étudier en histoire s’intéressaient soit à l’Antiquité, soit au Québec!»

«J’ai découvert que la science politique est un autre chemin qui mène à l’histoire et à la culture américaines, alors je n’ai pas regretté mon choix.»

Forte d’un bon nombre d’articles de magazines, de journaux, de revues, de chapitres de livres et d’essais que vous avez signés ou co-signés, il n’y a pas à douter: vous êtes une vraie mordue d’histoire et de politique américaine! Pouvez-vous nous présenter les grands axes qui se trouvent au centre de vos recherches, et quel est l’éclairage que vous avez souhaité apporter sur ces dernières?

«Je me suis surtout intéressée au processus décisionnel des présidents américains: “Quels sont les facteurs qui les influencent dans leur décision, en particulier en politique étrangère?” “Qui sont les conseillers les plus influents et comment parviennent-ils à faire adopter leur point de vue ou leurs solutions par le président?” “Quels sont les mécanismes qui guident les décisions en temps de crise?”»

«Bref, j’étudie la façon dont les décisions sont prises, et je l’ai fait sous différents angles au fil des années, que ce soit l’influence des médias sur les décisions, le rôle des analogies historiques sur les décideurs, ou encore les stratégies mises en œuvre par les conseillers pour influencer le président.»

«Toutes ces pistes me permettent de mieux comprendre comment les présidents prennent leurs décisions, selon quels critères et dans quel contexte (intérieur et extérieur) ils le font.»

Critique-La-puissance-americaine-mise-en-echec-septentrion

Le 30 août, les éditions du Septentrion ont publié votre plus récent ouvrage, La Puissance américaine mise en échec: de la guerre du Vietnam à l’Irak, dans la collection «Aujourd’hui l’histoire», au sein de laquelle on retrouve également les essais des historiens Harold Bérubé, Éric Dussault, Raphaël Weyland, Éric Bédard et Jean-Charles Panneton qu’on a eu le bonheur d’interviewer au fil des derniers mois! On aimerait savoir: qu’est-ce qui vous a motivé à vous lancer dans ce sujet précisément?

«Puisque la politique étrangère est au cœur de mon travail, la question de la puissance américaine est centrale dans mes réflexions.»

«Cette puissance a de nombreuses facettes, puisque les États-Unis sont à la fois une puissance militaire, économique, politique et culturelle. Toutefois, l’ouvrage s’intéresse uniquement à la puissance militaire, puisque c’est sur la mythologie de ses succès militaires que s’est construite l’image de la toute-puissance américaine. Or, des échecs retentissants ont aussi marqué l’histoire des États-Unis et contribuent à expliquer la façon dont les Américains perçoivent leur rôle dans le monde.»

«Alors qu’on parle de plus en plus du déclin de la puissance américaine, il est nécessaire de remonter un peu dans le temps pour constater que, si ce sujet n’est pas nouveau, l’histoire démontre bien que les États-Unis ont tout de même réussi à maintenir leur hégémonie malgré les échecs et les critiques.»

«Reste à voir si ce sera encore possible, alors que la société se transforme rapidement et que le contexte international est en pleine mutation.»

À travers cet ouvrage, nos lecteurs se familiariseront avec les moments charnières de la politique étrangère des États-Unis, en plus d’en apprendre plus sur l’origine de ses tensions actuelles avec les autres puissances, sur les moments forts de la guerre froide, ainsi que sur les crises et le retour du nucléaire du XXIe siècle. Est-ce que cet ouvrage s’adresse davantage aux historiens et aux amateurs d’Histoire, ou bien chacun peut y trouver son compte?

«C’est un ouvrage qui a été écrit pour le grand public, c’est-à-dire des gens qui n’ont pas nécessairement des connaissances en histoire ou en politique américaine, mais qui souhaitent apprendre les grandes lignes des moments charnières de la politique étrangère des États-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.»

«Des références accessibles se trouvent à la fin de chacun des chapitres pour les gens qui veulent creuser davantage le sujet et aller dans les détails.»

«Ce livre peut aussi être utile aux étudiants du collégial et du baccalauréat qui ne se souviennent pas des détails de la guerre du Vietnam ou de la guerre du Golfe, par exemple. Les courts chapitres permettent alors de revenir sur les moments les plus importants de ces interventions militaires.»

Pour finir, on se permet de rêver (après tout, pourquoi pas)? Si vous aviez la lourde responsabilité d’assurer la gouvernance des États-Unis durant 24 heures, quelles décisions adopteriez-vous du tac au tac pour faire progresser l’histoire américaine de belle façon? Lâchez-vous lousse, on est entre quatre yeux (ou presque!)

«C’est difficile de répondre à cette question, parce qu’aux États-Unis, il y a beaucoup d’acteurs impliqués dans la gouvernance: le président, bien sûr, mais aussi les membres du Congrès et les juges de la Cour suprême.»

«L’actualité nous l’a bien démontré récemment avec le renversement de l’arrêt Roe v. Wade par la Cour suprême, qui met un terme à l’accès à l’avortement partout aux États-Unis.»

«Mais si on faisait fi des obstacles, ce sont les inégalités raciales, économiques, sociales et politiques qui auraient mon attention. Les États-Unis n’ont pas de système de santé universel, pas de congés de maternité, pas d’assurance-emploi ou de gratuité scolaire. Lorsque ces protections existent, elles sont inégales entre les États et contribuent, justement, aux inégalités économiques et sociales.»

«La terre d’opportunités que représentaient les États-Unis il n’y a pas si longtemps est en train de disparaître et je pense que cela affecte, au moins à moyen et à long termes, la capacité de ce pays de maintenir son statut de puissance et d’être perçu comme un leader mondial.»

Pour découvrir nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/nos-series/dans-la-peau-de.

*Cet article a été produit en collaboration avec les éditions du Septentrion.

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