«Une fête d’enfants», une tragédie contemporaine à voir au TNM jusqu’au 8 février – Bible urbaine

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«Une fête d’enfants», une tragédie contemporaine à voir au TNM jusqu’au 8 février

«Une fête d’enfants», une tragédie contemporaine à voir au TNM jusqu’au 8 février

Quand la façade que l’on s'est construite en société nous fait oublier qui on est réellement...

Publié le 16 janvier 2025 par Jessica Samario

Crédit photo : Yves Renaud

La pièce «Une fête d’enfants», écrite par Michel Marc Bouchard et mise en scène par Florent Siaud, foulera les planches du Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 8 février prochain. Dans cette création bouleversante, le public est transporté dans les pensées et les souvenirs de trois personnages interprétés par François Arnaud, Iannicko N’Doua et Sylvie Drapeau. Ce flot de réflexions laissera des indices à l’auditoire afin qu’il tente de reconstituer le drame qui submerge le trio.

Tirée de la pièce «Une fête d’enfants». Photo: Yves Renaud

Entre excellence et déchéance

Dans ce contexte de fête d’enfants où tout est imprévisible, Claire célèbre son petit-fils et y convie David et Nicolas, un couple homoparental à l’apparence parfaite, et leurs deux filles. Lors de cet événement, David commettra un geste irréparable, selon lui, sans se douter qu’il y avait un témoin. Ce faux pas qui vient chambouler son image va lui faire perdre totalement le contrôle, que ce soit dans son couple, sa famille, son métier d’orthodontiste, ou même dans son apparence physique.

Sa quête d’excellence devient obsessive et le rend narcissique. Il ne s’accorde aucun droit à l’erreur et tente de tout contrôler, comme quoi toute cette beauté s’avère plutôt toxique pour lui-même et pour son entourage.

Dans la version d’origine écrite par la dramaturge Michel Marc Bouchard, l’auteur avait écrit un seul monologue, celui de David. Au fil du temps, des voix se sont greffées à la pièce pour faire avancer l’intrigue avec différents points de vue.

«C’était vraiment le portrait de quelqu’un qui déraille, qui a une propension narcissique et qui voit son ego et tout ce qu’il a essayé de contrôler dans sa vie s’effriter devant lui. Puis, il perd complètement les pédales, parce qu’il n’est pas capable de voir qui il est vraiment derrière cette image parfaite qu’il s’est construite», a expliqué François Arnaud qui avait reçu cette version dès le départ.

À travers les monologues de ses comparses, on comprend mieux comment il a pu en arriver à ce point où tout s’écroule et ainsi avoir accès à sa vulnérabilité.

«Ils sont un peu coincés avec des œillères dans leur façon de voir le monde. David, c’est la plus grosse bombe à retardement des trois. Claire est une bourgeoise un peu plus de droite qu’elle pense l’être. Nicolas, quant à lui, est doux et dans l’acceptation et la générosité, mais il veut tellement éviter le conflit qu’il finit par taire beaucoup de choses qui auraient dû être dites. Donc, je ne pense pas que David porte la seule responsabilité de l’horreur qui se trame», a renchéri l’interprète.

Michel Marc Bouchard offre un univers déroutant dans lequel des enjeux de société actuels sont trop souvent mis sous silence. Florent Siaud se réjouit d’ailleurs de cette ouverture vers l’autre: «Ça fait du bien d’avoir accès à une représentation de ce qu’on ne voit pas souvent, tout en gardant un sentiment universel, car finalement, la situation de l’amour filial, le couple en crise, la question de la loyauté, du vivre ensemble, ça concerne toutes les modalités de couples».

Cette œuvre saura sans aucun doute rejoindre un grand nombre de spectateur·trices!

Tirée de la pièce «Une fête d’enfants». Photo: Yves Renaud

Se perdre dans les ténèbres de la conscience

Dans une société où l’image est grandement valorisée, Une fête d’enfants soulève des questions existentielles, tant sur notre authenticité que sur notre acceptation des différences qui nous entourent. Bien qu’il soit actuel, cet enjeu risque de s’amplifier au fil du temps si nous n’en prenons pas assez conscience.

«Ça reflète une tendance sociale qui s’accentue dans un système où il y a des notes partout. Ça va jusqu’au nombre de pas qu’on peut faire, du nombre de likes qu’on peut avoir sur Instagram, en passant par le travail. L’algorithme devient maître de nos vies, une forme de performativité permanente. On voit dans le cas de David que ça le conduit vers une forme de sortie de route, un effet de trop-plein, une sensation de ne pas pouvoir vivre naturellement les choses, d’être mis sous pression, et ça explose», a souligné le metteur en scène.

«Je pense que David n’est particulièrement pas à l’aise avec sa part d’ombre. Il l’a tellement refusée que, lorsqu’elle commence à se pointer, il ne sait pas quoi faire avec et il se fait engloutir par elle. Donc, ça devient un peu une tragédie des temps modernes», a confié l’acteur en comparant son personnage à l’image de notre société.

«Malgré le fait que David est particulièrement monstrueux par moments, il y a beaucoup de choses à travers lesquelles on peut se reconnaître. Par exemple, dans le contrôle qu’aujourd’hui on tente d’exercer sur notre image. Puis, à quel point la pression d’être à la hauteur de cette image qu’on a décidé de projeter est incrustée. Ça crée des insécurités chez beaucoup de gens.»

Tirée de la pièce «Une fête d’enfants». Photo: Yves Renaud

Un casse-tête à construire et à déconstruire

Non seulement cette création plonge le public dans de profondes réflexions, mais elle le garde aussi en haleine avec une intrigue à déchiffrer, comme s’il était lui-même enquêteur.

«Michel Marc Bouchard utilise les stratégies du polar, les fausses pistes, la tension dramatique, les ressorts tragiques dans une forme de puzzle qui donne des pièces au fur et à mesure et dans le mauvais ordre pour nous garder captifs. Ça nous fait vivre une tension tragique, et ça laisse une place aux émotions profondes à la fois légères et sombres qui peuvent nous habiter. C’est vraiment un spectacle cathartique», a mentionné Florent Siaud, tout en expliquant le procédé qu’il a mis en œuvre pour transposer le texte sur scène.

«On a développé une esthétique du collage sur thème avec une reconfiguration du décor, une cohabitation de l’impressionnisme et du réalisme pour essayer d’entrer dans cette fibre très particulière de l’existence humaine, toujours en train d’évoluer entre le présent, l’avenir, la mémoire et le fantasme.»

Enfin, François Arnaud nous a confié de quelle façon il a réussi à se connecter à ce personnage toxique très loin de lui:

«Quand j’ai lu la pièce la première fois, mon instinct c’était un peu de pointer David du doigt; ses défauts et ses problèmes, et de le voir un peu comme une espèce de monstre. Et finalement, le travail pour me l’approprier, ç’a été beaucoup de voir en lui sa vulnérabilité, sa fragilité, de l’accorder à des sentiments que je connais chez moi, qui ne viennent pas nécessairement des mêmes choses que pour lui. Je connais la honte, la peur, la gestion de l’ego et de l’estime de soi.»

Tirée de la pièce «Une fête d’enfants». Photo: Yves Renaud

Une expérience cathartique qui vous fera vivre un torrent d’émotions

Après avoir joué dans de nombreuses productions au cinéma et à la télévision depuis une quinzaine d’années, dont plusieurs aux États-Unis, François Arnaud se fait un plaisir de renouer avec la scène. Il vous réserve une performance poignante et vous invite à entrer dans ce grand brouillard avec lui l’espace d’un spectacle.

«Ce que j’espère surtout, c’est que les gens se laissent embarquer là-dedans et acceptent d’être surpris. Oui, il y a des choses très dramatiques et très sombres, mais il y a aussi des moments qui sont drôles. Je souhaite qu’ils se donnent la liberté de partir un peu partout.»

«On est dans une époque tellement sombre. Il y a des émotions tellement variées, tellement lourdes à gérer, que le théâtre peut être un endroit où on en parle, où on en fait un enjeu qui est transformé par le biais de l’expérience collective. Laisser une place aux émotions puissantes, tragiques et plus grandes que nature, dans une esthétique qui mélange l’intime et le majestueux. Je trouve que c’est une expérience qui nous décale du quotidien, qui donne une place à nos fragilités, qui les fait exister, qui les transcende, qui les sublime.»

«Donc, j’espère que le spectateur va s’autoriser à vivre ce mélange d’absolu, d’émotions et de fragilité», a ajouté le metteur en scène pour conclure.

Tenez-vous prêts à vivre un grand moment de théâtre avec la pièce Une fête d’enfants, signée Michel Marc Bouchard et mise en scène par Florent Siaud, qui sera jouée jusqu’au 8 février! Visitez le site Web du Théâtre du Nouveau Monde pour choisir vos billets. Bon spectacle!

*Cet article a été produit en collaboration avec le Théâtre du Nouveau Monde (TNM).

La pièce «Une fête d'enfants» en images

Par Yves Renaud

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    Affiche de la pièce «Une fête d’enfants». Photo: Jean-François Gratton.

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