«Toutes les fois où je ne suis pas morte» de Geneviève Lefebvre

Dans Toutes les fois où je ne suis pas morte, dont le titre nous jetait déjà par terre avant sa publication, Geneviève Lefebvre n’y va pas de main morte sur les émotions. On ne peut pas tout raconter ce qui se trouve dans son cinquième roman, pour deux raisons: il serait indécent de vous en divulguer toutes les subtilités, et on aurait peur que vous preniez le produit final comme un mélodrame intensément déprimant. Alors qu’il n’en est rien.

Ce livre est sombre, mais les rideaux s’ouvrent progressivement en cours de lecture, et finissent par laisser entrer une chatoyante lumière d’été qui en éclaire les zones d’ombre.

On y fait la connaissance de Catherine, écrivaine «dont personne ne lit les livres», qui gagne sa vie avec ses mots, en écrivant, entre autres, des discours pour les dirigeants d’entreprises. Suite à une rupture particulièrement douloureuse, et après un flirt épistolaire sur Facebook avec Matt, un journaliste de la BBC entre deux mandats, elle s’envole vers la Belgique pour une semaine d’idylle. Les attentats de Paris viennent d’avoir lieu, les autorités sont sur le pied d’alerte et soupçonnent le dernier terroriste en fuite de s’être réfugié à Bruxelles, et c’est dans ce climat survolté qu’elle arrivera en Europe.

L’idée qu’elle se faisait initialement de sa semaine, ponctuée d’un désir sauvage et d’accouplements frénétiques, sera quelque peu modifiée en cours de route. Nous suivrons parallèlement le destin d’un jeune djihadiste, Malik, qui cherche à être enrôlé par ISIS et à rejoindre son père en Syrie. Leurs vies se croiseront de la plus surprenante des façons.

La qualité et l’originalité de la narration sont ici telles qu’on ne peut s’empêcher d’être happé dans le drame de l’héroïne, d’y voir des échos de nos propres mésaventures. Sa force de caractère est tout simplement foudroyante, et l’écriture coup de poing, avec des références étonnantes qui arrivent toujours sans crier gare, créent un état de grâce qui avale le lecteur, et le force à dévorer le récit.

Avec des thématiques très actuelles, traitées avec sensibilité, Geneviève Lefebvre nous offre un roman très touchant sur la déception, les figures paternelles, comment rester sain d’esprit en constatant l’état du monde, en nous présentant une femme blessée à répétition qui n’a pas peur de la mort, mais qui trouve malgré tout à la vie une beauté fulgurante.

«Toutes les fois où je ne suis pas morte» de Geneviève Lefebvre, Libre Expression, 2017, 320 pages, 24,95 $.