ThéâtreEntrevues
Crédit photo : François Laplante-Delagrave
Les Diablogues constituent un assemblage de courts dialogues humoristiques, parfois absurdes. Des 350 tableaux du texte original, il n’en reste plus que 16. Le choix s’est fait à force de lectures et de discussions entre le metteur en scène, les comédiens et l’équipe de création. Le fil conducteur du spectacle réside dans les personnages, qui vivent une variété de situations. Grâce à une toile de fond, les personnages sont situés dans différents lieux, que ce soit un bureau, un salon, une boutique. Selon Sylvie Léonard, «l’unité se trouve plutôt dans le niveau de jeu, dans la mise de l’avant de la parole et dans le travail sonore minutieux de Jérôme Minière».
Denis Marleau aime bien retravailler avec les mêmes complices d’un spectacle à l’autre. Il s’agit d’ailleurs de la troisième collaboration de Sylvie Léonard avec la compagnie UBU, après Jackie en 2011 et Les femmes savantes en 2013. Selon l’actrice, Marleau travaille beaucoup dans le rythme et dans la pensée. Il fait un travail très important sur la dramaturgie et sur le sens du texte. Il arrive toujours à y ajouter un nouveau réseau de significations. À propos des Femmes savantes, elle raconte qu’on lui disait souvent ne jamais avoir si bien compris un Molière que dans la mise en scène de Denis Marleau.
Elle explique aussi que le metteur en scène recherche un jeu antipsychologique qui met de l’avant la précision du langage et la précision du sens avant les sensations psychologisantes des personnages: «Sous sa direction, les textes deviennent des partitions». Elle nous a d’ailleurs confié son fantasme d’arriver à convaincre Marleau de monter une pièce de Tennessee Williams dans les prochaines années, afin de voir comment il pourrait ajouter sa couleur à la dramaturgie de l’auteur américain.
Dans les dernières années, deux des productions théâtrales sur lesquelles Sylvie Léonard a travaillé mettaient en place une certaine hybridité du théâtre avec le cinéma. Dans Jackie et dans Les deux voyages de Suzanne W., elle devait interagir avec une caméra très présente. Pour elle, il s’agit d’une contrainte très stimulante: «Pour Jackie, Denis Marleau avait mentionné dès le début des rencontres de création que mon expérience avec la caméra constituait un atout. Puisque Jackie Kennedy était une femme d’image, l’omniprésence de la caméra s’est imposée d’emblée.» Il s’agit d’un beau défi d’actrice que de combiner l’image que le spectateur peut choisir en étant assis dans la salle et l’image qu’on lui impose avec la caméra. Ce travail très intéressant lui demandait une double conscience constante de son jeu théâtral, retravaillé par le médium de la caméra.
Dans Les Diablogues, Denis Marleau fait encore une fois un usage particulier des projections et de la vidéo, particulièrement dans le décor où la scénographie vidéo se prolonge sur la scène. Mais Sylvie Léonard nous rassure: «Sans prendre le dessus sur le texte, la technologie fait partie de la signature de la compagnie UBU».
Voilà maintenant plus de trente ans que Sylvie Léonard évolue dans le milieu du théâtre. Selon elle, même si les théâtres ont encore une certaine vocation qui fait qu’on les reconnaît, elle constate une volonté de donner une vie à leurs spectacles, de trouver une façon que les pièces circulent. On le voit notamment avec la reprise chez Duceppe du spectacle As is (Tel quel) créé au Théâtre d’Aujourd’hui ou encore avec la reprise de Napoléon voyage au Rideau Vert alors qu’il avait été créé à la Licorne l’année précédente. Elle remarque que les diffuseurs ont maintenant vraiment le souci de voir ce qui se fait de faire découvrir les projets qui les allument.
«Les diablogues», dans une mise en scène de Denis Marleau, sera présenté du 29 mars au 23 avril au Théâtre du Rideau Vert.
L'événement en photos
Par François Laplante-Delagrave