ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Hugo B. Lefort
Les enjeux sont pertinents, le public est pendu au bout de son siège, une réplique assassine n’attend pas l’autre, et on savoure pleinement les dialogues qui nous confrontent et nous stupéfient. Puis survient l’inattendu…
Ce qu’on pourrait au départ entrevoir comme une variation encore plus queer de Made in Beautiful, une réflexion sur le référendum de 1995 aussi signée de la plume experte d’Arteau, se transforme abruptement dans le deuxième acte.
Cette création, le jeune dramaturge nous en parlait déjà dans le cadre d’une entrevue en 2016, alors qu’il venait à peine d’en présenter une lecture au Jamais Lu. Sept ans plus tard, le texte a vraisemblablement été transformé et mis à jour, car son propos général est plus actuel que jamais, alors qu’il pose une question immortelle: «Qui sommes-nous pour juger?»
Beaucoup d’archétypes sont représentés dans le petit groupe – les personnages conservent le prénom de leurs interprètes, des habitués de longue date du Théâtre Kata pour la plupart, confirmant la dimension intime du texte – et même la plus «woke» de l’assemblée, une lesbienne végane psychorigide, est pleine de biais inconscients. Les deux hétérosexuelles du groupe se font reprocher leur normalité. Chaque affirmation attire son lot de critiques impitoyables. Il y a aussi le grand absent, Fabien (Piché, qui signe aussi les chorégraphies), dont le spectre plane sur le party jusqu’à en faire surir le lait.
Le gai savoir
Le texte est donc un moteur, en outre, de remise en question, mais il fait aussi appel à des témoignages plus personnels pour illustrer son propos; les confessions de Jorie Pedneault, par exemple, qui signe aussi la musique live qui est performée pendant la représentation, nous dévoilent de façon limpide sa dysphorie de genre, donnant lieu à l’un des moments les plus touchants de la soirée.
Le théâtre traditionnel du premier acte, introduit par un chœur inventif et espiègle, laisse éventuellement place à une version plus éclatée et performative, se transformant en une sorte de cabaret tragi-comique qui chante les louanges de la différence, avec beaucoup de style et un talent pétrifiant.
Si on croyait avoir saisi l’essence d’Olivier Arteau, il nous surprend encore une fois au tournant, agrandissant son carré de sable en jouant sur plusieurs registres, et bouclant majestueusement la boucle d’une résidence de création plutôt fructueuse au CTDA.
«Pisser debout sans lever sa jupe» en images
Par Hugo B. Lefort
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