«Dans la solitude des champs de coton»: Haentjens et Koltès à nouveau réunis à l'Usine C – Bible urbaine

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«Dans la solitude des champs de coton»: Haentjens et Koltès à nouveau réunis à l’Usine C

«Dans la solitude des champs de coton»: Haentjens et Koltès à nouveau réunis à l’Usine C

Une rencontre manquée qui promettait pourtant des éclats

Publié le 25 janvier 2018 par Léa Coffineau

Crédit photo : Jean-François Hétu

La metteuse en scène Brigitte Haentjens est une habituée des plus grandes scènes canadiennes. En ce début d'année 2018, elle prend ses aises à l'Usine C pour retrouver un auteur qu'elle affectionne particulièrement, le sombre et torturé Bernard-Marie Koltès. La rencontre promettait des éclats... mais il y avait un hic.

On reconnaît les grands metteurs en scène à ce qu’ils ne peuvent rien faire comme tout le monde. Haentjens fait pénétrer les spectateurs dans les entrailles de la grande salle de l’Usine C, accompagnés par de lourdes basses qui font vibrer le sol et les murs. On se suit en file dans les couloirs sombres du théâtre, à l’aveugle, jusqu’à déboucher sur la scène. Le parterre est tapissé de gravier et une gigantesque cage trône au centre de l’espace métamorphosé.

Le public est invité à entrer dans la cage, comme sur un ring, et prend place dans les gradins montés face à face. Une intense lumière verte se substitue à la grisaille ambiante: les deux comédiens se rencontrent sur l’étroite bande de scène enserrée par l’assistance. Avant tout regard, avant toute parole, la rencontre est physique. Ils se jettent dans les bras l’un de l’autre puis se rejettent.

Avec Dans la solitude des champs de coton, Koltès signe l’une de ses pièces les plus sombres et énigmatiques. Il revient à l’animalité primitive de l’être humain en se posant ces questions: «Si deux hommes, inconnus l’un de l’autre, se rencontrent dans un espace-temps indéfini, que se passe-t-il? Qu’est-ce qui se trouve à la racine des interactions humaines?» L’homme étant un animal pour l’homme, qu’est-ce qui empêchera ces deux hommes de s’entretuer, ici, au milieu de nulle part, sans témoin?

C’est le commerce, la négociation qui les tiendra à distance raisonnable. «Tous deux possédant le désir et l’objet du désir», ils vont se toiser, se séduire et s’éconduire jusqu’à épuisement. Hugues Frenette, dans le rôle du dealer, ouvre la litanie en chantant le texte de Koltès comme on chante des vers, se satisfaisant des jolis sons qu’ils produisent. Face à lui, Sebastien Ricard interprète un client sous crack à la diction hystérique.

Dès les premières minutes, une étrange impression de malaise se fait ressentir. Comme une distanciation qui empêche le public d’entrer dans la pièce. On peine à entendre le texte; les comédiens en ont plein la bouche et précipitent la parole dans l’espace comme pour s’en débarrasser. Eux ont travaillé des centaines d’heures sur la complexité des mots et de la dramaturgie de Koltès. Mais pour nombre d’entre nous, c’est une première rencontre difficile et frustrante dont on ne saisira que quelques bribes éparses au vol.

Et cette distanciation se retrouve également entre les deux comédiens. La construction du texte, composée de longs monologues intercalés, est piégeuse. Frenette et Ricard semblent se partager poliment le texte, chacun attendant sagement que l’autre ait fini de cracher son fiel pour performer. Ils ne jouent tout simplement pas ensemble, mais l’un après l’autre.

Enfin, l’agressivité monotone de la direction d’acteurs fait effet de redondance avec l’agressivité de la langue et impose une lourdeur linéaire fâcheuse durant toute la durée du spectacle. Peut-être Brigitte Haentjens a-t-elle souhaité rendre hommage à la première mise en scène du texte par Patrice Chéreau, qui avait fait le choix radical d’une hostilité quasi sauvage entre les deux personnages?

Mais la confrontation n’a pas lieu, les comédiens restant isolés dans leurs partitions respectives… Tristesse!

L'événement en photos

Par Jean-François Hétu

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