«Les Fourberies de Scapin» de Molière dans une mise en scène de Carl Béchard – Bible urbaine

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«Les Fourberies de Scapin» de Molière dans une mise en scène de Carl Béchard

«Les Fourberies de Scapin» de Molière dans une mise en scène de Carl Béchard

Un pur délice... au TNM!

Publié le 22 janvier 2018 par Éric Dumais

Crédit photo : Yves Renaud

Il y a fort à parier que Molière n’aurait jamais imaginé, lorsqu’il a mis le point final à sa pièce Les Fourberies de Scapin en 1671, qu’il arriverait à faire rire un public mixte près de 350 ans après sa création… au Québec! Et pourtant, le public du Théâtre du Nouveau Monde (TNM), en ce soir de première médiatique, a laissé une belle impression au metteur en scène Carl Béchard et à sa troupe de joyeux camarades, dont le boute-en-train André Robitaille en Scapin, l'éternel bouffon Benoit Brière en Géronte et l'étonnant et fier Patrice Coquereau en Argante. Nous avons effectivement été convié à une relecture ludique et rafraîchissante où tout un chacun s’est laissé aller dans l’imaginaire de celui qui créa l’un des monuments phares de la comédie deux ans avant sa mort.

«Rien n’a un goût plus amer que la vérité. Ne me forcez pas, ne me forcez pas! – «Le détective de Freud» d’Olivier Barde-Cabuçon

C’est un réel plaisir de revoir, sur une scène de théâtre comme le TNM, celui qui a marqué l’enfance des trentenaires au petit écran avec Vazymolo, et qui semble avoir pris 2018 à parti pour renouer avec ses premières amours, le sixième art. Après Les Fourberies de Scapin, celui qui animera aussi Les enfants de la télé et Entrée principale jouera à Paris au printemps dans Edgar et ses fantômes tout juste avant Laurel et Hardy ici au Québec.

S’il y avait quelqu’un de juste assez fou pour jongler avec de multiples chapeaux, c’est bien André Robitaille, qui réussit à se glisser avec naturel et aisance, pendant près de deux heures, dans la peau de ce fourbe, infâme, coquin, brillant, manipulateur, vif et fripon personnage qu’est le Scapin de Molière.

À ses côtés, Benoit Brière et Patrice Coquereau interprètent messieurs les seigneurs Géronte et Argante, deux fort singuliers personnages, grincheux et maladroits de surcroît, qui brillent de mille feux dans cette adaptation qui permet un juste dosage très commedia dell’artesque et même quelques clins d’œil aux spectateurs en aparté, redoublant ainsi notre plaisir d’être des leurs.

Cette charmante bande de beaux comiques se retrouvent – pied marin oblige! – dans un décor imaginé par Geneviève Lizotte aux allures de port maritime où un quai et ses passerelles servent de pied-à-terre pour cette distribution comprenant aussi Sébastien René en Octave, Marie-Ève Beaulieu en Hyacinthe, Simon Beaulé-Bulman en Léandre, Catherine Sénart en Zerbinette, et on en passe.

Tout autour, de l’eau d’un bleu d’azur – vraie juste en apparence!, où se reflètent les costumes de Marc Senécal, qui a bien pris soin d’opter pour le look marin rayé pour Scapin, les habits sombres et ténébreux pour nos seigneurs, ainsi que les robes à froufrous aux couleurs exotiques pour nos demoiselles.

Et pour compléter le tableau, d’immenses toiles, couleur coquille d’œuf, sont suspendues du sol au plafond, leur donnant ainsi des allures de voiles dressées dans le vent, où Marcelle Hudon, à l’animation visuelle, projette une animation de voilier voguant sur la mer, de lever ou de coucher de soleils, d’arbres en mouvement, de nuages, et alouette.

«Le ciel les amène dans mes filets» – Scapin (Acte 2, scène VI)

Dans cette histoire de mariage et d’amourette en secret, le divertissant et rusé Scapin use de ses charmes et de ses habiletés pour permettre à Octave et Hyacinthe puis Léandre et Zerbinette de consumer leur amour respectif en trompant les bonnes volontés des parents, Géronte et Argante, qui sont revenus de voyage plus tôt que prévu avec un dessein tout autre, celui de marier leurs enfants.

Molière, avec cette pièce inspirée de la comédie italienne, souhaitait piquer l’ordre établi et le système de justice au profit d’un amour libre et sans contraintes. Et c’est là, d’ailleurs, où réside tout le caractère comique et absurde de la pièce, qui enchaîne les situations risibles au rythme des entourloupes du malin Scapin.

On a particulièrement aimé ces petits à-côtés qui ajoutent au comique, comme ce son de cloches qui tintent alors qu’entre Géronte et Argante on entend un «…s’il n’y a rien qui cloche!», ou lorsque Brière, en joyeux bouffon, interagit avec le batteur qui s’amuse justement à créer un effet de suspense avec ses tambours. Un pur délice!

Outre quelques variations de voix – notamment celle de Marie-Ève Beaulien en Hyacinthe qui manquait de tonus par moments, on ne s’ennuie pas du tout avec cette quatrième production des Fourberies de Scapin, qui n’accumule ici aucun temps mort. On apprécie, à juste titre, cet entracte de vingt minutes qui nous laisse tout juste le temps de nous dégourdir les jambes et de s’aérer le cerveau. Et de notre place au balcon, il est difficile d’observer avec attention les mimiques et les gestuelles, qui semblaient, et c’est ici un clin d’oeil à la commedia dell’arte,  l’un des éléments fort du jeu des acteurs.

Carl Béchard, avec l’aide d’une équipe fabuleuse, signe une adaptation savoureuse, délectable et franchement comique d’une pièce qui réussit toujours à divertir plus de trois siècles après sa création. «C’est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens», écrivait Molière en parlant de l’École des femmes. Quoi qu’a pu en penser Molière de son vivant, cela nous donne presque envie de lui sortir cette citation vraie de Marie-Claire Blais: «La vie est une farce, apprends à rire…»

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Par Yves Renaud

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