«L’Orangeraie» de Larry Tremblay au Théâtre Denise-Pelletier – Bible urbaine

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«L’Orangeraie» de Larry Tremblay au Théâtre Denise-Pelletier

«L’Orangeraie» de Larry Tremblay au Théâtre Denise-Pelletier

Une histoire forte mais figée

Publié le 28 mars 2016 par Isabelle Léger

Crédit photo : Gunther Gamper

L’Orangeraie est l’histoire triste, à la fois touchante et révoltante, des jumeaux Amed et Aziz qui, à neuf ans seulement, devront faire face à la mort. C’est l’histoire de deux jeunes garçons manipulés, happés par une guerre qu’on leur présente comme juste et essentielle et qu’ils croient naturelle puisqu’elle fait partie de leur vie. Eux qu’on a élevés dans la haine de l’ennemi et dans la crainte du père et des alliés n’ont certes pas la capacité ni la maturité pour se refuser à ce qu’on attend d’eux, mais possèdent en revanche juste assez de conscience et de volonté pour s’y prêter avec sérieux. C’est l’histoire d’Amed – ou est-ce celle d'Aziz? – hanté à jamais par la mort de son frère, son alter ego sacrifié, livré sans merci à cette folie sanglante. C’est l’histoire d’une supercherie qui mène nécessairement à un gâchis.

Larry Tremblay a lui-même transposé pour la scène son roman primé et célébré. Assez étrangement, les caractéristiques littéraires qui comptaient parmi les forces du roman deviennent des faiblesses dans l’écriture dramatique. Non pas que la langue perde soudainement de sa beauté, ce serait injuste de l’affirmer. Toutefois, en demeurant trop près de la forme d’origine, le texte ne gagne pas ce dont il aurait besoin en dynamisme théâtral. C’est un choix artistique. Tremblay n’a pas été incapable de réécrire son histoire pour le théâtre, il a choisi de ne pas le faire, certaines scènes à la forme narrée de manière distanciée le prouvent.

L’âpreté du sable dans la bouche

C’est dommage. De cette dureté du regard qui, par un effet rebond, créait une émotion qui nous atteignait en plein cœur, il reste surtout la rigidité, comme si la volonté de la conserver avait lié les mains du metteur en scène Claude Poissant. Le duo qu’il forme avec Larry Tremblay a beau avoir plusieurs réalisations à son actif, on a un peu l’impression que l’auteur n’a pas su faire confiance au metteur en scène et lui laisser sa part de création. Dans ce beau décor minimaliste, mais très évocateur (Michel Gauthier), rehaussé de projections bien à-propos (Janicke Morissette à la vidéo et Erwann Bernard aux éclairages), on aurait souhaité voir apparaître plus de symbolisme et d’images fortes. «Dans ce pays où les hommes vieillissent prématurément, c’est la haine qui les tient debout. Sans elle, leurs os tomberaient en poussière.» Certaines phrases sont percutantes, mais qu’en est-il de la vie, là, sur scène?

L’interprétation des comédiens est généralement juste et en accord avec la tonalité de la langue, quoique l’accent ne soit pas uniforme. Dans les rôles d’Aziz et d’Amed, Sébastien Tessier et Gabriel Cloutier-Tremblay offrent une présence qui mérite d’être soulignée, dans cette atmosphère de jeu, très frontale, où les émotions sont davantage nommées que vécues ou suggérées. En fait, Poissant semble avoir dirigé la distribution comme si tous les personnages étaient morts et qu’ils nous racontaient leur histoire, se prenant parfois au jeu et nous livrant des dialogues bien sentis. Le spectacle manque peut-être encore de rodage, par exemple entendre Amed déclarer, la voix chevrotante, «écoute comme ma voix est calme» étonne quelque peu. L’Orangeraie demeure une histoire forte au propos bouleversant, mais que le passage à la scène fige plutôt que de la doter d’une portée plus grande.

«L’Orangeraie» de Larry Tremblay, dans une mise en scène de Claude Poissant, est présentée au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 16 avril 2016.

L'événement en photos

Par Gunther Gamper

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