ThéâtreEntrevues
Crédit photo : Photo extérieure du TNM: Saucier Perrotte Architectes. Photo de Lorraine Pintal: Jean-François Gratton.
Saisir l’air du temps, sans cesse
L’histoire du TNM est jalonnée d’événements marquants: après une vingtaine d’années qu’on pourrait qualifier de «nomades», l’institution s’est posée en 1972 dans le Quartier des spectacles, en plein cœur du centre-ville montréalais.
Lorraine Pintal ne s’en cache pas, «cette position géographique incroyable au cœur d’une métropole» a grandement facilité son rayonnement et la visibilité de ses productions artistiques.
Environ un quart de siècle plus tard, autour de 1996-1997, le théâtre a connu un second souffle alors que sa situation était somme toute assez fragile. «Avec moins d’argent de l’état, une désaffection du public et un lieu à revitaliser, beaucoup de défis m’attendaient», explique notre interlocutrice. «Ces travaux m’ont permis de consolider nos programmations, d’avoir des partenariats avec d’autres compagnies, de faire du théâtre en été, par exemple, et de fidéliser un très grand nombre d’abonnés, qui sont passés de 6 000 à presque 11 000.»
Par la suite, au début des années 2000, le TNM a d’ailleurs pu initier l’une de ses premières collaborations avec l’Europe en accueillant une production du Théâtre de l’Odéon–Théâtre de l’Europe, L’orestie d’Eschyle – mise en scène par son directeur artistique George Lavaudant – sur ses planches. «Grâce à cet échange artistique, je suis ensuite allée porter mon adaptation de L’hiver de force de Réjean Ducharme sur la scène de l’Odéon, avant qu’il ferme pour ses propres rénovations. Ça a été marquant pour notre théâtre, ça ouvrait la porte à des échanges avec l’international.»
Par ailleurs, dans une volonté constante d’être en phase avec son temps sans jamais dénaturer son identité, le TNM a toujours cherché à se renouveler et à offrir une programmation dynamique et moderne. «Quand je mesure le chemin parcouru, je me dis, finalement, que tout était là, tout était déjà ancré dans l’histoire», nous confie-t-elle. «Et quand on arrive comme héritière d’une institution comme celle-ci, on s’efforce de rester fidèle à la pensée des fondateurs, mais aussi d’imposer une signature qui s’adapte aux grands courants de la société actuelle.»
«Les temps changent, on s’adapte, on fait plus de créations. On ouvre encore des portes de l’expression dramatique dans toute sa splendeur. Mais il n’en demeure pas moins que la fidélité aux grands classiques est toujours là.» – Lorraine Pintal, directrice générale et artistique du TNM.
Un 70e anniversaire plein de promesses
Alors même que le TNM fête son 70e anniversaire, des travaux y sont en cours. Et, alors que le lieu de diffusion s’agrandit et rajeunit, Lorraine Pintal trouve important de donner du sens à ces changements en honorant la mémoire et en donnant sa place à la diversité culturelle, le tout dans le respect de l’environnement.
Ainsi, parmi les nouveautés, il y aura une deuxième salle dans le théâtre, et elle ne portera rien de moins que le nom du dramaturge Réjean Ducharme. En effet, celui qui se plaisait à dire que le TNM était SON théâtre, «là où ses œuvres avaient été le plus jouées», a légué les droits de ses œuvres (pièces de théâtre, paroles de chansons et romans) à l’institution montréalaise, qui lui en est extrêmement reconnaissante.
«C’est un geste unique pour moi!», explique Lorraine Pintal. «Je n’ai aucune comparaison dans le passé d’un auteur qui aurait décidé de donner ses ayants droits à un théâtre, en reconnaissance de ce que ce dernier lui avait apporté. Pour moi, ça a été un moment d’émotion pure, un sentiment d’accomplissement.» On comprend donc pourquoi donner le nom de l’artiste à cette nouvelle salle du TNM semblait une évidence aux yeux de sa directrice générale!
D’autre part, avec ces travaux qui devraient être accomplis courant 2023, on comptera de nouveaux équipements plus adaptés aux besoins du théâtre, une transformation de l’aire d’accueil pour le public, et le développement d’une aire de création avec les deux salles de répétitions. «On a voulu faire ces travaux avec l’idée d’ancrer le TNM dans un développement durable et une responsabilité environnementale», précise Mme Pintal. «À ce niveau-là, on aimerait être un exemple d’infrastructure culturelle soucieuse de l’environnement, avec une reconnaissance de bâtiment écoresponsable.»
Enfin, parmi les aspirations du TNM, il y a entre autres l’envie d’ouvrir la création au féminin à plus grande échelle, «pour rendre ce mandat plus durable et mieux refléter la réalité démographique de Montréal, notamment avec l’inclusion, la diversité culturelle et l’ouverture sur les peuples autochtones dont on parle beaucoup en ce moment.»
Une belle capacité d’adaptation
N’oublions pas qu’au-delà de son chapeau de directrice générale et artistique, Lorraine Pintal continue d’être une créatrice active. Récemment, elle a dû s’adapter rapidement à la situation sanitaire du début d’année et trouver une alternative à la présentation de la pièce Lysis, qui devait normalement être présentée au TNM dès le mois de janvier. Elle l’a ainsi transformée en production vidéo sous la forme d’un docu-théâtre disponible en ligne et nommée Lysis, au cœur de la création.
Celui-ci est notamment composé de témoignages des autrices – Fanny Britt et Alexia Bürger –, du compositeur Philippe Brault, des concepteurs en lumière, en scène et en costume, en plus de présenter des tableaux charnières mis en scène par Lorraine Pintal pour «tracer le fil dramatique de l’histoire».
Inspirée par la pièce Lysistrata d’Aristophane, Lorraine Pintal a lancé l’invitation aux deux dramaturges de l’adapter en version contemporaine. «Ça les intéressait, car c’est un thème assez universel avec les femmes qui résistent au pouvoir patriarcal et qui demandent la paix dans le monde, et qui, pour ce faire, décident de lancer la grève du sexe.»
Selon elle, concernant la lutte des femmes, «il y a encore tellement de modèles à changer, de silences à briser et de propos à faire entendre, que celui de Lysis demeure toujours extrêmement important à représenter sur la scène du TNM.»
C’est donc avec le coréalisateur Robin Pineda Gould qu’elle a mis en place cette forme de laboratoire de la pièce, où on voit ce que le spectacle aurait donné avant même qu’il y ait du public dans la salle. «J’espère que ça va témoigner de ce qu’est une arrivée au théâtre pour des acteurs qui apprivoisent un espace, une scénographie et d’autres sonorités. On assiste aux premiers pas de toute une distribution, qui prend d’assaut une scène avec un propos percutant.»
Afin d’en savoir plus sur le reste de la saison anniversaire du TNM, on vous invite à suivre ce lien. Si vous désirez en découvrir davantage sur Lysis, au cœur de la création et vous procurer vos billets, cliquez là!
*Cet article a été produit en collaboration avec le Théâtre du Nouveau Monde.
Les travaux du TNM en images
Par Saucier Perrotte Architectes