«Le repas des fauves» de Denise Filiatrault au Théâtre du Rideau Vert – Bible urbaine

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«Le repas des fauves» de Denise Filiatrault au Théâtre du Rideau Vert

«Le repas des fauves» de Denise Filiatrault au Théâtre du Rideau Vert

Transformer une tragédie humaine en comédie «dramatique»

Publié le 15 mai 2015 par Alice Côté Dupuis

Crédit photo : François Laplante Delagrave

Alors que le résumé de la pièce Le repas des fauves, qui clôt la programmation 2014-2015 du Théâtre du Rideau Vert ces jours-ci, annonçait une pièce sombre et dramatique, presque insoutenable de suspense et au lourd propos, c’est plutôt dans la comédie que Denise Filiatrault a campé les personnages de la France sous occupation nazie de 1942 créés par Vahé Katcha. Qu’il serve à désamorcer le tragique ou à nous aider à se sortir de situations délicates, le rire passe toujours bien, mais jamais il ne marque les esprits autant que le drame, qui aurait pu être ici tout à fait saisissant.

C’est jour de fête, il est donc convenu que ce soit dans l’allégresse que cette soirée d’anniversaire débute. Malgré la guerre qui fait rage et la rareté de la nourriture, Sophie réussit à concocter un festin de roi pour célébrer sa nouvelle année et recevoir ses invités. L’ami André, riche homme d’affaires dans l’acier – dont ont beaucoup besoin les Allemands, ces jours-là – arrive même à rehausser le repas en apportant saucisson, canard et champagne qu’il s’est procurés Dieu sait où. Les seps amis réunis, la soirée s’annonçait magique, comme extérieure, au-dessus de la ville surveillée, occupée, bombardée. Mais comme jamais personne n’échappe au destin… le commandant SS  Kaubach (Frédéric Desager, un Allemand encore une fois fort crédible) arrivera assez rapidement pour ramener la bande sur terre.

Comme deux soldats allemands ont été victimes d’une attaque-surprise au bas du bâtiment où le couple formé de Sophie et Victor vit et reçoit ses convives, chacun des dix appartements de la bâtisse doit fournir deux otages, pour un total de vingt, soit dix Français sacrifiés par Allemand tué. Mais comme c’est soir de fête et qu’il ne faudrait surtout pas gâcher l’anniversaire de Sophie, le commandant Kaubach laisse gentiment le soin aux sept amis de choisir parmi eux qui sera confié en otage. Il leur laisse de plus un généreux délai: deux heures pour sélectionner les deux qui méritent le plus d’aller fort probablement se faire tirer une balle dans la nuque.

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Fort heureusement, les deux heures sont plutôt condensées en une, sur scène, et cela est amplement suffisant pour constater la vraie nature humaine. Car entre le riche qui tente de pousser tout le monde à se porter volontaire en offrant son argent ou d’effacer leur dette et le médecin qui s’empare du téléphone pour essayer de faire venir à l’appartement d’autres connaissances de son carnet de contacts pour lui assurer une meilleure chance de ne pas être choisi, il faut dire que le portrait de chacun, au terme de ces négociations, n’est pas très reluisant.

C’est effectivement le pire de chacun qui ressort du tableau, alors qu’au départ, on cherchait plutôt à se défendre personnellement et à sauver sa peau en prétextant ici son métier important, là son handicap montrant qu’on a déjà assez donné à la patrie, ou encore ici son statut de veuve de guerre. Bientôt, il ne sera pas suffisant de s’élever, il faudra surtout rabaisser les autres pour sortir du lot.

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