ThéâtreCritiques de théâtre
Crédit photo : Suzanne O'Neill
Lorsqu’elle n’est pas occupée au cinéma, elle écrit encore du théâtre, et elle n’a rien perdu de son incroyable discernement pour débusquer nos contradictions sociales et en tirer des scènes surréalistes et hilarantes.
Le matériel de base de Deux femmes en or, bien qu’un peu suranné, constituait un scénario idéal pour sa vision du féminisme, étant parfaitement en phase avec ses œuvres précédentes, notamment les pièces Babysitter (qu’on a pu voir à La Licorne en 2017, puis en adaptation cinématographique en 2022) et Filles en liberté, une œuvre provocatrice qui offrait le même excellent accord grinçant / comique que Babysitter, traitant de thèmes similaires avec autant de fougue.
Le contexte économique ayant légèrement changé, les deux femmes au foyer (brillamment interprétées par Isabelle Brouillette et Sophie Desmarais) ne sont plus des ménagères entretenues qui s’occupent de la maison pendant que leur mari travaille; Violette est en congé de maternité, alors que Florence est en arrêt de travail pour épuisement psychologique.
Voilà qui colle davantage à notre époque.
Les deux femmes se lient d’amitié et, en faisant connaissance, elles se rendent compte qu’elles possèdent un trait commun: leurs maris ne les touchent plus. Pour combler leurs besoins et déjouer leur ennui, le duo se lance dans une expérience sociale: séduire le gars du câble, puis l’exterminateur, et pourquoi pas l’acheteur d’une bricole offerte sur Marketplace?
Prozac & roll
Steve Laplante, qui incarne le mari de Florence, est à son aise dans l’univers de Léger, qui joue sur l’archétype du «mari cocu» dans lequel on le voit habituellement, pour pousser le bouchon encore plus loin. Mathieu Quesnel et Charlotte Aubin complètent la distribution, dont l’ensemble semble sincèrement beaucoup s’amuser avec ses savoureuses répliques.
Si le film de Fournier ne «s’enfargeait» pas dans une quelconque mise en contexte, le texte de Catherine Léger intellectualise habilement la situation des deux héroïnes, qui se libèrent progressivement, enchaînant les réflexions à la fois blasées et désarmantes, notamment à propos de #MeToo, de la dépression, de la libido et de la notion de couple.
Il est difficile de ne pas jubiler à mesure que les éléments se placent pour créer une situation qui devient rapidement hilarante, tout en étant intenable pour les protagonistes, provoquant des éclats de rire fréquents, et même quelques grincements de dents.
Le temps passe vite quand on s’amuse, et même si nous assistons à la représentation d’une pièce dont l’idée de base a plus de cinquante ans, un agréable vent de fraîcheur souffle sur l’ensemble de l’œuvre.
Même si on a dû attendre presque cinq ans pour voir cette pièce – tout d’abord présentée en formule théâtre d’été à Carleton-sur-Mer en 2018 – en sol montréalais, notre bonheur de spectateur était au beau fixe dès les premières répliques et l’est demeuré jusqu’à la toute fin, sans aucun temps mort.
La pièce «Deux femmes en or» en images
Par Suzanne O'Neill
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de la rédaction