«Les filles du Saint-Laurent» de Rébecca Déraspe et Annick Lefebvre au Centre du Théâtre d'Aujourd'hui – Bible urbaine

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«Les filles du Saint-Laurent» de Rébecca Déraspe et Annick Lefebvre au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui

«Les filles du Saint-Laurent» de Rébecca Déraspe et Annick Lefebvre au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui

Une œuvre chorale à l'image d'un long fleuve impétueux

Publié le 17 avril 2023 par Edith Malo

Crédit photo : Valérie Remise

De Coteau-du-Lac à Blanc-Sablon, de Rimouski à Grandes-Bergeronnes, sept cadavres sont recrachés sur les berges du Fleuve Saint-Laurent, troublant l'existence de sept femmes et d'un homme. Dans cette œuvre chorale de Rébecca Déraspe, écrite en collaboration avec Annick Lefebvre, «Les filles du Saint-Laurent» nous plonge littéralement au cœur de récits féminins bouleversants. La pièce, dans une mise en scène d'Alexia Bürger, est présentée jusqu'au 29 avril au Centre du Théâtre d'Aujourd'hui.

Les filles du Saint-Laurent n’ont rien en commun, sinon cette découverte macabre qui les confronte à leurs propres conflits intérieurs.

Ainsi, sur scène, elles se présentent tour à tour, révélant par bribes leurs combats respectifs. Il y a Élodie (Tatiana Zinga Botao), dont le désir d’avoir un enfant frôle l’acharnement. Manon (Émilie Monnet), exacerbée par sa rupture amoureuse, qui en étale tous les détails sur son compte Instagram. Dora (Catherine Trudeau), journaliste de profession, qui éprouve beaucoup de remords au sujet d’un pacte inquiétant avec une amie.

Et puis, il y a Charlotte (Gabrielle Lessard), qui semble en apparence libérée sexuellement, mais qui n’a jamais exploré l’orgasme. Sa coloc, Lili (Zoé Boudou), qui vit dans l’ombre de sa sœur décédée. Anne (Marie-Thérèse Fortin), victime de violence conjugale qui a réussi à fuir son mari.

Enfin, il y a Martin (Ariel Ifergan), le seul homme de la pièce, qui s’éprend de la sœur de sa conjointe, Mathilde (Annie Darisse). Celle-ci tente à tout prix de retrouver la garde de ses enfants dont l’absence la bouleverse.

Le fleuve: partie prenante de l’histoire

Le fleuve est à lui seul un personnage à part entière incarné par Elkahna Talbi. Un instant meurtrier, un instant apaisant, il se plie aux injures vociférantes de Rose (Louise Laprade), une vieille dame dont l’amour de jeunesse a été englouti par les eaux déchaînées.

Et cette mort, elle ne l’a pas digérée, jappant des «Ferme ta gueule!» à l’égard du personnage de Talbi dès que celle-ci tente de prendre la parole, ce qui a suscité chaque fois des rires dans la salle.

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Louise Laprade et Elkahna Talbi. Photo: Valérie Remise

Car oui, si la prémisse semble tragique, l’humour côtoie le drame à plusieurs moments dans la pièce. Ne serait-ce que cette scène où Marie-Thérèse Fortin engueule Ricardo au sujet d’une recette: «Comment on fourre ça un filet de porc?», répète-t-elle excédée, car elle souhaite que tout soit parfait pour recevoir sa fille à souper.

Une mise en scène épurée, mais chargée de sens

La mise en scène d’Alexia Bürger est à l’image de ce long fleuve impétueux, laissant tout l’espace au texte de Déraspe et de Lefebvre qui se déverse sur nous, comme un violent ressac. Seuls des micros dispersés ici et là font office de décor.

Les comédiennes prennent d’assaut la scène, recrachant des flots de paroles ravalées.

La metteure en scène parvient à chorégraphier sans flafla un texte poétique pour en extraire toute la substance et la profondeur. Elle s’est entourée ici de Simon Guilbault à la scénographie afin d’illustrer métaphoriquement le fleuve et le poids que ces femmes portent sur leurs épaules, sur fond d’aurores boréales miroitantes, ondulantes.

Bref, les images s’imprègnent en nous comme cet échange entre Rose et le fleuve (Talbi) à la fin de la pièce. Une scène particulièrement bouleversante où l’on semble assister à une communion transcendante entre les deux personnages.

Décidément, la collaboration entre Déraspe, Lefebvre et Bürger fera des vagues!

La pièce «Les filles du Saint-Laurent» en images

Par Valérie Remise

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