La Femme au Théâtre Fairmount de Montréal – Bible urbaine

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La Femme au Théâtre Fairmount de Montréal

La Femme au Théâtre Fairmount de Montréal

Ce monde où le sextuor donne du plaisir

Publié le 24 octobre 2016 par Benjamin Le Bonniec

Crédit photo : Universal Music France

L’atmosphère chaleureuse ressentie vendredi soir à l’étage du Théâtre Fairmount tranchait avec la pluie diluvienne qui s’abattait sur la ville. La Femme, trois mois après sa prestation aux Francos, s’affichait intimement dans la salle du Mile-End procurant moult sensations au public désormais bien fourni de l’étendard actuel de la nouvelle scène hexagonale. Malgré une sono catastrophique, les turbulents et énigmatiques Français ont délivré une prestation vivifiante et décomplexée comme le présageaient les échos venus d’outre-Atlantique depuis la sortie du nouvel album. Retour sur une soirée emballante et miraculeusement anachronique qui a rapidement fait oublier la grisaille contextuelle française et celle qui régnait à l’extérieur.

Comme la plupart du temps, c’est par un «La Femme vous procure du plaisir» que Marlon abordait cette date montréalaise. Un concert de plus, vous me direz, après celui offert il y a à peine trois mois dans le Quartier des spectacles, mais ce qu’il faut savoir c’est, qu’entre temps, le groupe a pris une tout autre stature. La Femme est revenu en septembre avec Mystère, un second opus en carrière qui sonne comme celui de la confirmation, mais affirme surtout le groupe comme incarnant à lui seul l’avenir du rock français.

La femme toujours à l’affût

Après une vaste tournée estivale, La Femme a pris savamment le tournant de la rentrée et quand Sacha Got, Marlon Magnée, Clémence Quélennec, Noé Delmas et Lucas Nunez sont montés sur la scène, des tonnerres d’applaudissements vrombissaient dans toute la salle. Entamant «Sphynx» dans un désordre déjà mal contenu, les claviers et fortes guitares donnaient le ton d’une soirée bruyante mais délirante. La voix de Marlon se perdait alors dans cette cacophonie lo-fi jusqu’à se demander ce que le tech de son avait bien pu manigancer derrière sa console.

Au bout du compte, la salle était déjà sur orbite et, après cette première «danse sous acide» tonitruante, Marlon poursuivait vainement avec l’entêtante «Packshock», une virée express dans la nuit moscovite issue de l’album Psycho Tropical Berlin, celui qui a mené La Femme vers les hauteurs de la nouvelle scène rock française. La médiocrité du son sortant des enceintes de tout le théâtre n’empêchait pas l’énigmatique collectif masculin-féminin de poursuivre. Et il était déjà venu le temps d’entendre ce qui pourrait rapidement devenir l’un des hymnes d’une jeunesse débridée désireuse d’en terminer avec les désillusions de notre époque.

«Où va le monde», entonnée par le duo originel du groupe, les deux amis basques Marlon et Sacha, était repris par une large partie du public. Marqueur d’une popularité ayant dépassée les simples frontières de l’hexagone, ce morceau révèle la fougue d’une formation combinant admirablement l’insouciance toxique de leurs amusements à l’intelligence artistique de leur parcours singulier sur les chemins de l’avant-garde musicale française, cuvée 2016.

À la manière de l’album, Clémence et ses hommes poursuivaient avec «Septembre», cette balade nostalgique aussi entêtante que toquée aux doux accents estivaux. Affichant cette légèreté de vivre autant dans les paroles que sur scène, La Femme plus frivole que jamais émerveille par ses ardeurs yéyés tout en révélant l’éclectisme de sa musique à chaque nouveau morceau.

Dans la chaleur tropicale

La rentrée de 2016 a affiché Mystère comme l’album rock français de l’année. Mais fort du succès de Psycho Tropical Berlin, La Femme s’autorisait une virée dans les méandres de ce premier album tropical entre psychédélisme, électro et surf rock. «Si un jour» nous rappelle combien les synthés «années 80» sont toujours de mise aujourd’hui et l’acide et frénétique «Nous étions deux» démontre la capacité d’écriture des deux compères Marlon et Sacha comme s’inscrivant dans une tradition d’écriture à la française. Mais quand «Sur la planche» se dégoupille sur scène avec toute l’énergie des débuts, la foule s’emballe sur cette composition qui restera le morceau ayant propulsé le groupe sur le devant de la scène musicale française.

«Mycose», «Tatiana», «S.S.D» permettent un retour sur Mystère et démontrent à eux trois combien «la touche La Femme» se révèle à chaque titre. Cette touche est toujours perceptible, que le sextuor s’embarque dans la poussiéreuse disco, dans le punk rock aux riffs de basses délirants ou dans des sonorités électro-pop new wave eighties. Débrouillard, volontaire et diaboliquement séduisant, le groupe marque de son empreinte le rock français tout en repoussant les frontières de son emprise.

Clôturant leur set sur le lancinant et obsédant «It’s Time To Wake Up» de Psycho Tropical Berlin, La Femme avait déjà conquis une foule complètement délurée et en délire dont les membres les plus aguerris tentaient de vulgaires escapades sur scène. Le rappel étant de mise, Marlon et sa troupe reviendront pour une nouvelle virée jubilatoire en leur compagnie avec la montée psyché de «Vagues», l’acharné indochinesque «Paris» avant de terminer avec le génial «Antitaxi», un grand mélange de n’importe quoi et surtout de talent.

Et Dieu… créa La Femme

Soixante ans après le chef d’œuvre de Roger Vadim ayant propulsé Brigitte Bardot au rang d’icône internationale, Marlon, Sacha, Clémence et les autres deviennent à leur tour l’incarnation d’un déchaînement passionnel. Symbole d’une jeunesse un peu déboussolée mais qui a néanmoins les pieds sur terre, La Femme s’émancipe de toutes les étiquettes, des codes et des genres. Repoussant les limites d’un rock français légèrement embourbé depuis la déconvenue de Cantat et Noir Désir et malgré les géniales percées de Feu! Chatterton, Radio Elvis ou Grand Blanc ces derniers temps, le groupe néo-yéyé confirme pour se révéler aujourd’hui incontournable.

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