Les hauts et les bas de Kandle Osborne – Bible urbaine

Musique

Les hauts et les bas de Kandle Osborne

Les hauts et les bas de Kandle Osborne

L'heure est au bilan

Publié le 4 août 2015 par Francis Baumans

Crédit photo : Francis Baumans

Il y a environ trois ans, Osborne quittait sa ville natale de Victoria pour venir s’installer à Montréal, question de se rapprocher de son collaborateur Sam Goldberg Jr. (Broken Social Scene, The Yardlets) avec qui elle venait tout juste d’enregistrer un premier EP. Se faisant rapidement un nom sur la scène locale en écumant les festivals comme Osheaga, Pop Montréal et M pour Montréal, Osborne signa avec l’étiquette montréalaise Dare To Care Records (Cœur de pirate, Jean Leloup, Jimmy Hunt) et entama l’enregistrement d’un premier album complet. Paru en mars 2014, ce premier LP intitulé In Flames— un titre qui allait d’ailleurs attirer sans le vouloir plusieurs fans de métal vers les vidéos YouTube de la chanteuse — permit à Osborne de gruger encore davantage l’attention des intervenants culturels de la province.

Avec une forte rotation sur les ondes de CHOM pour chacun de ses extraits radio, Kandle se mériterait quelques mois plus tard une nomination au GAMIQ («Album folk de l’année»), en plus de voir Goldberg, Jr. ainsi que son père Neil Osborne (du groupe 54-40) recevoir une mention au Gala de l’ADISQ 2014 pour leur travail de réalisation sur In Flames. Malgré cet accueil positif de la critique et du public dans sa ville d’adoption, les difficultés qu’elle éprouvait dans le reste du pays commencèrent à peser lourd sur les épaules de la jeune femme, qui passa l’été 2014 entre Victoria, Montréal et Toronto où habite son petit ami. «C’est vraiment là que j’ai compris que je ne pourrais pas travailler sans gérant indéfiniment, qu’il me faudrait quelqu’un pour pousser l’album dans les autres marchés.»

Question de canaliser l’énergie positive obtenue par son succès au Québec, mais aussi d’exorciser ses petites déceptions, Kandle se remit aussitôt à composer et à enregistrer des maquettes en vue d’un éventuel successeur à In Flames. «Au niveau de la composition et de l’écriture, j’ai environ trois chansons de réellement terminées, en plus de quelques ébauches sur lesquelles je travaille en ce moment». Évidemment, à ce stade-ci, seul son guitariste et plus proche collaborateur est en droit d’entendre ses nouvelles chansons. «Sam [Goldberg, Jr.] c’est mon âme sœur musicale. Véritablement. Je peux lui donner une chanson et je sais qu’il va toujours l’emmener exactement là où je veux, et même encore plus loin. C’est une chance incroyable d’avoir quelqu’un comme ça à qui je peux complètement faire confiance avec ma musique. J’ai eu ma part de petites embuches depuis le début de ma carrière, mais ma rencontre avec Sam compense pour tout le reste, c’est sûr.»

STATIONNÉS DEVANT SON APPARTEMENT de la rue Saint-Denis, les trois autres membres des Krooks — Tim Fletcher (The Stills, The Yardlets) à la guitare et au clavier, David Deiäs (Mystic Motorcycles, The Yardlets) à la batterie et Jason Kent à la basse — nous attendent dans une large camionnette blanche. «Ce qui est bien d’être dans un groupe avec quatre gars, c’est que j’ai soudainement l’impression d’avoir les grands frères que je n’ai jamais eus», me confie Osborne en fermant la porte de l’appartement derrière elle. «Par contre, j’ai aussi découvert qu’avoir quatre grands frères, ce n’est pas toujours reposant!» 

Si c’est surtout sur la scène anglophone que les musiciens qu’elle côtoie au quotidien ont fait leur marque, Kandle ne cache pas non plus son affection pour les artistes francophones qu’elle prend plaisir à découvrir depuis son arrivée au Québec. «Il y a quelque chose de vraiment particulier qui se passe ici en ce moment, et je suis juste heureuse de pouvoir côtoyer ces gens-là, de faire partie de ce paysage musical même si je ne chante pas en français. D’ailleurs, j’ai eu la chance de collaborer avec certains d’entre eux et je crois que ça m’a vraiment aidée à développer un sentiment d’appartenance envers la scène musicale du Québec.»

Parmi ces collaborations, notons entre autres un duo avec Karim Ouellet particulièrement bien réussi pour La Fabrique Culturelle, ainsi que la présence de Cœur de pirate sur une pièce de l’album («Baby»). «J’adore tout ce que [Béatrice Martin] fait musicalement, alors c’était évidemment un privilège pour moi qu’elle accepte de prêter sa voix à l’une de mes chansons». En ce qui concerne la possibilité d’un jour chanter en français, Osborne se contente de mentionner le nom de l’auteur-compositeur-interprète (et ancien membre de The Krooks) Félix Dyotte, avec qui un «projet francophone semi-secret» serait en développement. «Mais pour l’instant, je dois surtout trouver le temps d’apprendre à parler la langue» rigole-t-elle. «Question d’au moins pouvoir comprendre ce que je chante.»

Il ne doit pas y avoir plus d’une centaine de personnes à notre arrivée sur le site du concert, mais ça ne semble pas inquiéter le groupe outre mesure. «On aura juste à jouer plus fort et espérer que ça fasse sortir les gens de leur maison», suggère l’un des musiciens, à la blague. Programmés pour jouer juste avant le groupe canadien Alvvays — qui représente l’autre tête d’affiche anglophone du festival Diapason — Kandle et ses Krooks font apparemment confiance au public lavallois. «Dès que ça va commencer, les gens vont apparaître comme par magie.»

S’il existe un point commun à tous les concerts de Kandle, ou du moins à tous ceux auxquels j’ai eu la chance d’assister, c’est probablement le caractère éclectique des foules qu’ils attirent. Il y a donc quelque chose dans la composition de la foule d’aujourd’hui qui me semble tout de suite familier, puisque comme tous bons festivals, le festival Diapason a réussi à attirer en ce vendredi soir de juillet une ribambelle de gens de toutes sortes. Des parents et leurs enfants. Des personnes âgées. Des adolescents et des adolescentes. Des jeunes femmes aux looks un peu punk. Des jeunes hommes aux moustaches datant d’un autre siècle. Il y en a, en d’autres mots, pour tous les goûts ce soir.

D’ailleurs, si les concerts de Kandle ont tendance à attirer des gens venant de tous les horizons, c’est un peu parce que sa musique elle-même est difficile à catégoriser (indie rock? folk rock? alternatif?), et si tel est le cas, c’est probablement parce la musique de Kandle, au fond, doit davantage à Kandle elle-même qu’à ses influences. Car à l’heure où beaucoup de chanteurs et de groupes tentent d’être le nouveau Oasis, les nouveaux Strokes, la prochaine Adèle ou le prochain Patrick Watson, Osborne, quant à elle, ne cherche qu’à être Kandle. Ce choix artistique plus ou moins conscient, cependant, tend malheureusement à avoir les défauts de ses qualités, particulièrement à une époque où l’émergence d’un artiste local doit beaucoup au bouche-à-oreille — cette pratique qui se résume trop souvent à la question «O.k., mais ça sonne comme quoi d’autre?» La présence de la chanteuse dans un festival comme celui-là représente donc une opportunité en or pour elle de charmer un nouveau public, et c’est pourquoi la jeune femme se prépare pour ce soir de la même façon que si elle s’apprêtait à joueur au Madison Square Garden. Peu importe si elle qu’elle gagne deux, trois ou un million de nouveaux fans ce soir, le déplacement en aura valu la peine.

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