LittératureL'entrevue éclair avec
Crédit photo : Audrey Dufer
Franck, c’est un réel plaisir d’avoir la chance de vous jaser aujourd’hui! Vous êtes l’auteur d’une vingtaine de romans, par ailleurs l’un des plus lus en France – et laissez-nous vous dire que vous faites bonne figure ici au Québec! – et vos livres sont traduits dans le monde entier. C’est un bel accomplissement, ça. D’où vient-elle cette passion pour la littérature, ou plus spécialement pour l’écriture de romans policiers et thrillers?
«Quand j’étais adolescent, j’avais un attrait prononcé pour les thrillers et l’horreur. Je ne lisais quasiment que ça, et ne regardais que ce genre de films. Je ressentais alors deux curieux sentiments, complètement opposés: l’excitation et la peur. C’est-à-dire que je ne pouvais m’empêcher de regarder ces films, j’y prenais du plaisir, mais en même temps, je ressortais de la projection complètement terrorisé!»
«Cela me faisait le même effet avec les livres de Stephen King. Je me suis posé beaucoup de questions sur ce double sentiment, j’étais en admiration devant les romanciers et cinéastes capables de le provoquer. Quand je me suis mis à réfléchir à des histoires en tant que romancier, j’ai essayé de reproduire ce schéma d’enfance. En fait, je n’ai pas choisi d’écrire du polar, le genre s’est imposé à moi naturellement, grâce à mes influences.»
De La Chambre des morts (2005), Le Syndrôme E (2010), Pandemia (2015), Luca (2019) à Il était deux fois, paru l’année dernière (et on en passe!), il va sans dire que votre «petit hamster» est infatigable! Où trouvez-vous l’inspiration pour imaginer des enquêtes policières toujours crédibles ainsi que des personnages plus grands que nature?
«Trouver l’idée de base d’un roman est, pour moi, ce qu’il y a de plus difficile dans le travail de création et d’écriture. Je n’hésite pas à la chercher pendant deux ou trois mois, sans jamais prendre aucune note, juste une recherche cérébrale de la meilleure idée, qui permettra de bâtir un roman de 400 ou 500 pages.»
«À ce stade, les questions qui me traversent la tête sont nombreuses: Quel sera le thème du roman? Les personnages, le lieu, l’intrigue? Huis clos, enquête policière? Durant cette période, je lis beaucoup, fouille sur Internet sans but précis, regarde des reportages, les informations, m’intéresse aux faits divers. Disons que je deviens une éponge qui absorbe tout ce qui l’entoure!»
«99,9% des idées qui me traversent la tête sont rejetées (trop simples, déjà vues…) puis, à un moment, arrive cet infime pourcentage où on a l’impression de tenir une piste intéressante. Alors, je me mets à creuser cette piste, et si elle perdure plus d’une quinzaine de jours, c’est qu’il s’agit de la bonne idée.»
Dernièrement, vous avez levé le voile sur votre plus récent thriller, intitulé 1991, lequel est paru chez Fleuve Éditions. Dans ce livre, vous avez eu l’idée de faire vivre à vos lecteurs un retour en arrière, puisqu’on y découvre votre protagoniste Franck Sharko, à 30 ans, alors qu’il débarque à peine au 36, quai des Orfèvres. Qu’est-ce qui vous a motivé à nous faire découvrir «la première enquête de Sharko», au juste?
«J’ai créé Franck Sharko dans Train d’enfer pour ange rouge, mon premier roman sorti en 2003. À l’époque, il avait 42 ans, il travaillait déjà au 36, quai des Orfèvres, on savait plus où moins qu’il avait rencontré sa première femme, Suzanne, dans le nord de la France, mais c’était à peu près tout.»
«Encore aujourd’hui, les lecteurs ignoraient d’où il venait vraiment, pourquoi il était policier, ce qui l’avait poussé à traquer les pires criminels… Me replonger dans l’année 1991, du temps où Sharko était un jeune policier, m’a contraint à mettre à plat toutes ces questions. Lire sa première aventure, c’est découvrir qui est l’homme derrière le héros de mes romans… Et puis, c’était aussi l’occasion d’écrire une histoire sans téléphones portables, sans réseaux, sans GPS, toute cette technologie qui nous écrase. Et ça fait un bien fou!»
Dans 1991, votre protagoniste, fraîchement sorti de l’école des inspecteurs, va devoir faire la lumière sur les enlèvements de trois femmes, survenus entre 1986 et 1989, dans l’affaire qu’on surnomme les «Disparues du Sud parisien». Bien sûr, le prédateur court toujours dans la nature. Parlez-nous du portrait du jeune Sharko et de ses motivations à se lancer tête première dans cette enquête où il jouera au chat et à la souris avec cet assassin qui «se donne en spectacle»!
«En 1991, Sharko est un jeune flic un peu naïf qui croit en son métier. Il est persuadé qu’il peut, à son petit niveau, rendre le monde moins mauvais. Le Sharko d’aujourd’hui, celui de 2021, a compris depuis bien longtemps qu’il ne fait qu’essayer de vider l’océan à la petite cuillère, que la violence a dépassé le rempart de la justice, qu’elle est partout et que la seule chose qu’il puisse encore faire, c’est protéger ceux qu’il aime.»
«Mais dans 1991, les éléments qui constituent la force de Sharko sont déjà là: son sens de l’observation, sa détermination, sa compréhension de la logique criminelle. Il va réussir à détecter des indices que ses collègues n’ont pas vus, et qui vont lui permettre d’avancer sur l’histoire irrésolue des “Disparues du Sud parisien”. En parallèle, il va s’impliquer plus que de raison sur une première grosse enquête qui va le marquer pour le reste de ses jours. Une enquête teintée de manipulations et de magie…»
Si ce n’est pas un secret d’État, que vous réserve 2021 pour les prochains mois à venir? On imagine bien que vous pourrez (enfin!) aller à la rencontre de vos lecteurs, en France du moins, à l’occasion de la promotion de 1991. Dites-nous si vous avez déjà l’esprit occupé par une nouvelle enquête, ou peut-être même un nouveau scénario de film ou série, qui sait!
«Je suis déjà plongé dans une prochaine histoire depuis quelques mois! Le confinement, l’absence de déplacements m’ont permis d’écrire encore plus que d’habitude, et donc de bien avancer dans mes différents projets d’écriture (j’écris aussi des scénarios pour la télé française).»
«Ici, en France, j’ai recommencé à aller à la rencontre des lecteurs, pour de vrai et non à travers les écrans, et cela fait un bien fou. Imaginer des sourires derrière les masques, pouvoir discuter un peu… Ce sont des instants précieux…»