LittératureDans la peau de
Crédit photo : Webster (Photo: Philippe Ruel) et ValMO (Photo: Cathy Lessard)
Webster, ValMO, on vous souhaite la bienvenue à cette série d’entrevues! Aly Ndiaye, alias Webster, tu es originaire de Limoilou et aujourd’hui résident de Montréal. Au fil des ans, tu es devenu une figure de proue de la scène hip-hop québécoise, étant toi-même rappeur et auteur de divers livres, dont un manuel d’écriture hip-hop. Pour ta part, ValMO, de ton vrai nom Valérie Morency, tu es une auteure et illustratrice également originaire de Québec. À la suite de tes études en graphisme et en illustration publicitaire, tu as exploré le domaine du jeu vidéo avant de revenir à tes premières amours: le métier d’illustratrice à ton compte. Racontez-nous ce moment où vous avez su que votre passion allait devenir, un jour, votre gagne-pain.
W.: «J’ai commencé à faire du rap à l’âge de 15 ans. Dès le début, je savais que je voulais en faire un métier. Toutefois, gagner sa vie avec le hip-hop, surtout au Québec, n’a jamais été évident. Au fil des ans, je me suis rendu compte que je n’étais pas seulement un rappeur, mais que j’avais d’autres passions que je désirais articuler, notamment l’histoire afro-québécoise. Ainsi, en combinant, mes différents centres d’intérêt, j’ai pu vivre de ce qui m’animait.»
V.: «Malheureusement, je ne suis plus à mon compte. Comme plusieurs illustrateurs pigistes, j’ai dû retourner à la production en jeu vidéo après la pandémie. Mais je me réserve tout de même une place chaque année pour quelques projets coup de cœur en édition! À l’origine, je voulais devenir bédéiste, entre autres parce que j’avais déjà plein d’histoires en tête… mais je voulais aussi devenir biologiste! Deux domaines à première vue aux antipodes.Comme Webster, j’ai mille centres d’intérêt!»
«Le dessin, cependant, a toujours été mon moyen d’expression préféré, celui qui vient le plus naturellement chez moi. Alors, j’en ai fait mon métier.»
En 2019, vous avez fait paraître Le grain de sable, un livre jeunesse magnifiquement illustré par toi, ValMO, et à travers lequel les mots de Webster, empreints de réalisme et de poésie, raconte le parcours d’Olivier Le Jeune, premier esclave noir officiellement vendu en Nouvelle-France. Dites-nous tout: comment vous êtes-vous rencontrés, artistiquement parlant surtout, et qu’est-ce qui vous a donné l’élan de vouloir collaborer sur ce premier ouvrage?
W.: «Nous nous sommes rencontrés à l’initiative de Raymond Poirier dans le cadre de la soirée Parole sur image au festival littéraire Québec en toutes lettres. Des illustrateur∙trice∙s et des auteur∙trice∙s étaient pairé∙e∙s afin de créer un récit qui était illustré sur scène devant public. C’est ainsi que j’ai proposé à Valérie de raconter l’histoire d’Olivier Le Jeune, qui est devenue Le grain de sable, publié aux éditions du Septentrion en 2019.»
V.: «Je ne pourrais pas mieux l’expliquer. On a en effet formé une chouette équipe dès le départ, et ensuite, tout s’est fait naturellement. Pour ma part, il était important, à travers les recherches de Webster, d’en apprendre plus sur ce pan de notre histoire qui a carrément été caché… et qui n’apparaissait dans AUCUN de mes livres scolaires à l’époque.»
Webster, ton intérêt pour l’histoire de l’esclavage et la présence afrodescendante au Québec et au Canada depuis l’époque de la Nouvelle-France t’a donné des ailes pour l’écriture d’un nouvel ouvrage – toujours en collaboration avec ValMO – lequel s’intitule Charlotte. Dans ce plus récent livre sorti aux éditions du Septentrion, tu narres le parcours de celle qui a été capturée dès son enfance en Afrique de l’Ouest et qui allait contribuer à la fin de l’esclavage au Québec au début des années 1800. Mettez-nous l’eau à la bouche sans tout nous dévoiler : qu’est-ce qui attend nos lecteurs et lectrices au fil des pages?
W.: «Le récit de Charlotte permet de mieux comprendre comment le Québec et le Canada se sont inscrits dans les réseaux esclavagistes transatlantiques du XVIIIe siècle. Nous imaginons souvent notre histoire comme étant isolée de ces autres parties du monde, notamment de l’Afrique, mais ce n’était pas le cas.»
Ce livre de près d’une centaine de pages, en plus d’être un fait vécu, est également le récit d’un parcours d’exception marqué par le courage et la résilience. Historiquement parlant, pouvez-vous nous en dire plus sur les thèmes abordés pour piquer la curiosité des mordus d’histoire?
W.: «Selon moi, il est toujours important de parler de résistance lorsqu’on aborde l’esclavage. Ça permet de recentrer le récit et de mieux comprendre le fait que les personnes aux prises avec l’esclavage ne faisaient pas que subir cette pratique. Il y a eu peu de gens en esclavage ici, mais ils ont tout de même résisté, notamment à travers la fuite.»
V.: «Force, courage et résilience, ce sont les bons mots pour décrire le récit de Charlotte. Je dirais que le fait que le thème aborde l’esclavage au Québec, ainsi que le parcours unique de cette dame ayant réellement existé dans notre histoire collective, rend le livre encore plus unique. Comme Charlotte, d’ailleurs.»
Après avoir lu cette dernière question, fermez les yeux pendant quelques secondes et prenez une grande inspiration. En expirant, tout doucement, imaginez que, pendant 24 heures, tout au plus, vous avez l’opportunité de remonter le temps à la date de votre choix, ensemble. Quelle «journée historique» souhaiteriez-vous revivre, en chair et en os? Et ce, dans l’espoir de rencontrer quelles personnes, exactement? Qui sait? Peut-être que cette expérience extraordinaire vous inspirera un prochain sujet de livre!
W.: «J’aimerais bien rencontrer Olivier Le Jeune alors qu’il était présent à Québec au XVIIe siècle. J’aimerais savoir d’où il venait exactement et, surtout, comment il se sentait à l’époque. (Cependant, le livre a déjà été écrit!)»
V.: «Il y a tellement de gens que j’aimerais rencontrer. Mais… j’avoue que, depuis que je la connais un peu mieux à travers les textes de Webster, j’aimerais vraiment pouvoir parler avec Charlotte pour qu’elle m’explique, avec ses propres mots, son parcours de vie, et son vécu!»