«Philosophie du hip-hop: des origines à Lauryn Hill» de Jérémie McEwen – Bible urbaine

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«Philosophie du hip-hop: des origines à Lauryn Hill» de Jérémie McEwen

«Philosophie du hip-hop: des origines à Lauryn Hill» de Jérémie McEwen

Public Enemy et Carl Schmitt: même combat?

Publié le 18 décembre 2020 par Isabelle Lareau

Crédit photo : Tous droits réservés @ Les Éditions XYZ

Philosophie du hip-hop de Jérémie McEwen, bien que paru en 2019 (Éditions XYZ), mérite que l'on s'y attarde à nouveau, spécialement si vous ne l'avez pas encore lu. Bien pensé, ce livre devrait faire le bonheur de tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin à l'histoire de la musique et à la philosophie avec des réflexions riches et pertinentes. En plus, comme les vacances du temps des Fêtes s’annoncent sous le signe de la tranquillité, sachez que cette option de divertissement est à considérer sérieusement!

En fait, pas seulement pour vous changer les idées, mais aussi pour apprendre. Le travail de l’auteur et professeur Jérémie McEwen est particulièrement intéressant, puisqu’il offre un regard juste sur les parallèles existants entre la philosophie et le hip-hop. En effet, comment un mouvement artistique moderne s’inscrit dans une démarche similaire à celle de l’étude de la sagesse? En voilà, une grande question!

En plus d’être bien écrit et fluide, le livre dévoile des concepts et des propos qui s’enchaînent à un rythme favorisant la compréhension, et ce, même s’il y a beaucoup de matière à couvrir. De plus, Jérémie McEwen explique, en guise d’introduction, son raisonnement et sa méthode afin d’être le plus clair et transparent possible avec ses lecteurs.

Il annonce d’emblée qu’il parlera essentiellement de quatre piliers: le métier de DJ, le graffiti, la musique rap et le break. McEwen insiste sur les origines du hip-hop, sans s’enliser dans le passé. Le tableau qu’il dépeint est différent de ce que nous avons l’habitude de voir ou de lire à ce sujet et permet au lecteur de remettre ce mouvement dans son contexte, et ce, de façon globale. Par exemple, il souligne l’importante différence entre le rap et le hip-hop!

De plus, le professeur mentionne les particularités de la culture qui pourraient échapper aux néophytes et à ceux qui affectionnent le genre depuis longtemps. Par exemple, il clarifie des éléments qui s’imbriquent dans le tout que forme ce mouvement, comme la signification du shout-out (la reconnaissance vocale).

Le pont entre philo et hip-hop

À travers son livre, il fait plusieurs parallèles passionnants avec différents concepts philosophiques en lien avec les éléments de cette culture. Il décrit comment ces notions constituent les pierres angulaires du hip-hop, influençant ainsi l’évolution et la signification de cet art, mais aussi la portée de son discours.

Par exemple, McEwen explique l’importance de l’aspect compétitif inhérent à la culture hip-hop. À cette prémisse s’ajoute l’esprit contestataire omniprésent dans le genre. En effet, il démontre que, derrière le fait de remettre en question un système, se cache un puissant désir d’en inventer un nouveau. Contrairement au philosophe allemand Emmanuel Kant, l’objectif ne serait pas de créer un système parfait et immuable, mais plutôt d’en ériger un qui supplanterait ce qui existe en ce moment et qui serait appelé à se transformer et à s’améliorer, ce qu’encourage la compétition.

C’est le genre de rapprochements que fait l’auteur tout au long de son bouquin. Et c’est très révélateur de lire un point de vue soutenu permettant de comprendre la profondeur d’un mouvement, au premier abord superficiel, si l’on demeure en surface. En effet, l’auteur, en tant que bon pédagogue, parvient à expliquer clairement des concepts qui peuvent sembler complexes, voire ennuyeux.

Une incitation à la curiosité et à la réflexion

Par ailleurs, McEwen évite le piège de l’énumération de type «ligne du temps» pour illustrer ses idées. En effet, il fait plutôt appel à des exemples bien concrets qu’il explore avec un degré d’analyse suffisant pour faciliter la compréhension. C’est ainsi que la place du graffiti, qui se veut un travail d’écrivain, dont le but est de laisser sa marque, tel un geste de contestation politique, prend tout son sens. Par ailleurs, on comprend que le hip-hop a aussi connu une croissance difficile à certains égards, et que la place de la femme dans le monde du rap mérite une attention toute particulière.

Dans un autre ordre d’idées, pour les lecteurs ne résidant pas à Montréal, certaines références à des lieux ou à des évènements pourront paraître obscures. Quelques notes de bas de page auraient pu être utiles à cet effet.

Qu’à cela ne tienne, que vous soyez des amoureux de la pensée critique, des adeptes du hip-hop, que vous ayez détesté vos cours de philosophie au cégep, ou encore que vous ne soyez pas en mesure de nommer un seul rappeur, ça n’a pas d’importance. Si vous êtes curieux, ce livre est l’occasion d’en apprendre davantage à propos du hip-hop ou d’y réfléchir sous un nouvel angle.

Le lecteur remarquera (avec grand plaisir) l’admiration que l’auteur éprouve pour le mouvement et son champ d’études et, fort de son expérience du cours qu’il donne au cégep, il a su relever le pari de traduire le fruit de son travail de recherche en un ouvrage bien ficelé et succinct. Un plaisir à lire, autant pour les mélomanes que pour les philosophes!

Et vous, qu’est-ce que vous lisez en ce moment? Pour lire toutes nos critiques de livres, rendez-vous ici.

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