«Baignades» d’Andrée A. Michaud: un suspense qui laisse le souffle court – Bible urbaine

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«Baignades» d’Andrée A. Michaud: un suspense qui laisse le souffle court

«Baignades» d’Andrée A. Michaud: un suspense qui laisse le souffle court

Quand des vacances en famille vire au cauchemar

Publié le 7 mai 2025 par Éric Dumais

Crédit photo : Marianne Deschênes

Des auteur∙es de romans à suspense à glacer les sangs, il y en a à la tonne. Il suffit de parcourir les rayons d’une librairie pour que le regard soit vite attiré par une panoplie de livres aux couvertures plus rouges et noires, glauques et criardes, les unes que les autres. Sur place, les minutes défilent au rythme de votre lecture des quatrièmes de couvertures où l’histoire, souvent, dépeint un crime sordide en attente d’une résolution et d’un criminel derrière les barreaux. Mais des auteur∙es dont l’écriture frappe de plein fouet, happe la curiosité, triture l’émotivité, tout en explorant les bas-fonds de la psychologie humaine déviante, il y en a, mais en comité plus sélectif. Et l’une de nos meilleures représentantes dans ce domaine, c’est Andrée A. Michaud.

Lorsque j’ai refermé son tout dernier Baignades, publié chez Québec Amérique, j’ai instantanément reconnu son univers, captivant, inquiétant, le même qui m’avait laissé le souffle court lors de mes lectures de Bondrée, Tempêtes et Proies, précédent opus que je vous recommandais vivement à l’été 2022.

Lire Andrée A. Michaud, c’est comme emprunter la ruelle sombre que vous n’avez jamais osé franchir en temps normal, mais cette nuit, c’est l’exception à la règle, car dans les rues, il n’y a pas un chat, et après tout, les malheurs, ça n’arrive qu’aux autres, n’est-ce pas?

Eh bien, non. Vous vous trompez. Ça peut vous arriver à vous également, et au moment où vous vous y attendez le moins par ailleurs. Je parie que Max, Laurence et leur petite Charlie n’auraient jamais pensé une seule seconde que leurs vacances – bien méritées en plus – allaient autant virer au cauchemar dès leur arrivée au camping du lac aux Sables.

Leur malchance, en réalité, c’est d’être sortis tout droit de l’imagination débridée d’Andrée A. Michaud, qui n’a pas son pareil pour créer un climat anxiogène où ses protagonistes se retrouvent à devoir réagir à l’instinct devant des situations tantôt malaisantes, tantôt étranges, avec toujours le doute sur le bord des lèvres et la peur au ventre. Et ce, avant de frapper le mur que personne n’a vu venir: un événement déclencheur qui teinte le ciel d’un voile sombre et les regards – y compris le nôtre – d’une expression horrifiée, voire mortifiée.

Bon, c’est sûr que ce n’était peut-être pas le choix de l’année, alors qu’il venait tout juste de fouler le sable chaud et doux de la plage, d’inviter Charlie à se baigner toute nue dans le lac, à voir la réaction vive et révoltée du propriétaire de la place, Hank Simard, et les regards hostiles des vacanciers autour d’eux, muets devant la situation.

Cette scène, a priori anodine, installe d’entrée de jeu un climat malaisant, étrange, malsain, à ce récit qui n’a pas fini de vous en faire voir de toutes les couleurs. Cela dit, je vous laisse le plaisir de savourer vous-même la goutte qui étanchera (ou non?) votre soif, car sinon vous allez m’en vouloir.

Ce que je peux rajouter, par contre, c’est que, très vite, devant la colère et l’impatience grandissantes de Max pour qui il est «hors de question de rester une minute de plus dans ce camping de merde», la fuite est la meilleure des options. Là, là. Maintenant. Oui, en pleine nuit.

Andrée A. Michaud. Photo: Marianne Deschênes

Mauvaise idée.

Au-delà du rythme affolant qu’adopte le récit au fur et à mesure que les pages se tournent, ce que j’ai le plus apprécié dans la construction de ce livre divisé en seulement deux chapitres, c’est justement cette cassure, à la mi-histoire, qui nous sort de la folle aventure vécue par cette famille déchirée par le destin, comme si la main d’un géant nous avait extrait de là où on se tenait, comme figé∙e d’effroi, pour nous déposer carrément ailleurs, une ellipse de quelques années séparant les deux parties.

Ainsi, on se retrouve au cœur d’une réunion de famille avec de bons vivants, les proches de Laurence – Madeleine et Gilbert, ses parents, François et Victor, ses frères, et Esther, la conjointe de François, sans Judith, avec qui Victor est séparé – à l’occasion d’une Saint-Jean où le bonheur de se retrouver, de boire ensemble, de se raconter des anecdotes folles et de se baigner est au menu de ces trois jours de retrouvailles.

Comme lecteur∙trice, on se retrouve donc témoin – j’ose ajouter impuissant – d’une réunion de famille au cours de laquelle la plaie d’un passé qu’un∙e d’entre eux aurait espéré voir cicatriser à jamais se rouvrira au grand dam de tous. Entre joie, affection et confiance se mêleront suspicion, culpabilité et trahison, vers une finale coup de poing qui laissera assurément des traces.

L’écriture d’Andrée A. Michaud est autant poétique qu’impitoyable. En bonne écrivaine, elle sait jongler mieux que quiconque avec les mots pour dépeindre l’horreur avec un tel réalisme que ses histoires nous hantent longtemps après la lecture.

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