Cinéma
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3. «Moonlight» de Barry Jenkins (Entract Films)
Suggestion d’Alyssia Duval
In moonlight, black boys look blue. C’est le titre du roman dont ce film est inspiré, et rien ne semble plus approprié pour décrire l’inhérente poésie de cette œuvre toute en douceur, en contrastes et en silences. Second long-métrage du réalisateur afro-américain Barry Jenkins, Moonlight se dévoile sous forme de triptyque où trois acteurs incarnent le même personnage – avec tellement de finesse qu’ils ne font vraiment qu’un – à trois époques charnières de sa vie. Chiron, un jeune noir chétif et taciturne, fraie son chemin comme il le peut à travers un quartier dur où sévissent le crime, les addictions et la pauvreté. Troublé par les sentiments complexes qu’il éprouve pour son meilleur ami, il apprendra à apprivoiser sa propre identité, son rapport à la masculinité et sa définition de l’amour, de la famille, du sacrifice. Fluide et omnisciente, la caméra de Barry Jenkins immortalise divinement toutes les nuances de ces peaux noires, faisant refléter sur elles des éclairages brillants et le soleil fiévreux d’un Miami que l’on n’avait encore jamais vu. Bref, aussi saisissant visuellement qu’il l’est émotionnellement, ce film est d’une beauté extraordinaire, surtout grâce à cette touchante retenue qui en fait une œuvre unique et foncièrement contemporaine, quelque part entre Boyhood (2014) de Richard Linklater, Carol (2015) de Todd Haynes et Boyz n the Hood (1991) de John Singleton.
2. «Arrival» de Denis Villeneuve (Paramount Pictures)
Suggestion de Rachel Bergeron-Cyr
Une douzaine de vaisseaux extra-terrestres arrivent aux quatre coins de la planète et tentent de communiquer avec l’humain dans un langage qui laisse tout le monde pantois. Ce film qui pourrait être présenté comme une fable moderne sur l’incommunicabilité entre les êtres de différentes espèces nous fait forcément penser au mythe de la tour de Babel. Si la barrière de la langue apparaît comme un motif suffisant pour se méfier des autres, qu’est-ce qu’il nous reste pour se comprendre? Pense-t-on différemment en fonction de notre langage? Que peut-on léguer de par notre langue? Tant de questions qui sont soulevées de manière poétique et avec intelligence dans ce film de science-fiction, qui heureusement, ne nous prend pas par la main.
De rencontres tentaculaires éblouissantes (oui, oui) avec les extra-terrestres, à des flashbacks atmosphériques et évanescents; cette production est d’une habileté déconcertante. Si le film pourrait se diviser en trois temps – le présent, le futur et le passé – ces trois instances temporelles se mélangent à l’écran et dans notre esprit, ce qui n’est pas sans rappeler La Jetée (1962) de Chris Marker. Il y a donc tout un volet de la mémoire, celui du souvenir. Je pourrais vous dire qu’on est ailleurs; mais ce serait trop simple. On est tout simplement dans l’histoire. Dans les gros plans. Dans les yeux d’Amy Adams. Dans les scènes sans paroles et sans musique. Bref, on est dans le film. Avec elle. Tout le temps. Et quand on sort d’elle, c’est muet et ému. Comme quoi, oui, bien évidemment, on peut partager et communiquer avec les autres. Et dans n’importe quel langage, en fait. [Lire notre critique]
1. «Manchester by the Sea» de Kenneth Lonergan (Métropole Films)
Suggestion d’Alyssia Duval
Enfin, le titre ayant retenu notre attention en cette grande année de cinéma est le dernier chef-d’œuvre du réalisateur new-yorkais Kenneth Lonergan, une histoire intemporelle de deuil et de retour aux sources dont la sincérité transcendante ne peut que bouleverser. En effet, il s’agit de l’un de ces rares films qui parviennent à faire rire et pleurer, tantôt successivement, tantôt simultanément, grâce à des performances d’acteurs criantes de vérité et un scénario lucide et dépourvu de toute prétention. Un homme solitaire est forcé de retourner dans sa ville natale à la suite du décès de son frère, ce dernier laissant derrière un adolescent ordinaire, mais légitimement ébranlé, aux côtés duquel il tentera de guérir les blessures d’un passé trouble. Attisé par la sublime performance de Casey Affleck – et ce regard profond où la moindre pointe d’émotion suffit à faire nouer les estomacs et chavirer les cœurs –, Manchester by the Sea est une œuvre qui laisse sans voix, à laquelle on s’identifie malgré la nature de nos propres expériences et dont le bagage affectif ne nous quitte pas de sitôt à la sortie du cinéma. Tenez-vous le pour dit: le petit frère Affleck remportera son premier Oscar pour ce rôle inoubliable que l’on pourrait courageusement comparer à celui de Kevin Spacey dans American Beauty (1999)… Soit mon film préféré de tous les temps, rien de moins!
…Et parce que 2016 aura vraiment été une grande année pour le septième art : Mentions spéciales à Juste la fin du monde de Xavier Dolan, The Revenant d’Alejandro González Iñárritu (oui, c’était aussi cette année!) et Hunt for the Wilderpeople de Taika Waititi.
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