Vivre les Francos de Montréal 2018 sous la pluie avec Marjo et autres petits plaisirs

À contrecœur, les employés des kiosques de boisson et de nourriture ont entrouvert leurs rideaux et redressé leurs auvents à dix-huit heures pour les rares clients déterminés à assister aux premiers shows – selon la politique du festival, aucun spectacle extérieur n’est annulé en cas de pluie.

Eh bien! Les courageux qui se sont aventurés sur le parterre gazonné de la scène Loto-Québec ont été comblés: coup de cœur de la soirée, découverte inattendue, RIVE a réchauffé les corps sous les imperméables mouillés. Le duo bruxellois que forment Juliette et Kevin a immédiatement attiré les dizaines de parapluies ambulants. Elle, blonde efflanquée et aérienne, planant du piano à la guitare électrique, la voix perchée haut entre les astres. Lui, fondu en arrière-plan, à la batterie et aux machines, créant une rythmique relevant du songe, nostalgique et enlevante.

Ce duo électro-pop a fait paraître son premier EP, Vermillon, en mars 2017 et s’est vu, depuis, invité dans plusieurs festivals en Belgique, en Suisse et au Québec. Le visuel de leurs clips «Vogue» et «Justice» leur a aussi permis d’être remarqués dans plusieurs festivals de films, dont Staff Picks sur Vimeo et Best Music Video Short Film au Short of the Year Festival Promofest.

Vers vingt heures, l’averse a redoublé de vigueur au grand malheur des festivaliers et des artistes – le groupe marocain Rebel Moon, la chanteuse belge Charlotte (à l’abri sous la zone Coors Light), le groupe folk québécois Les Tireux d’Roches, le Français Lafayette, le groupe montréalais Jesuslesfilles et le Franco-Ontarien Damien Robitaille.

Ce dernier, accompagné de cinq musiciens sur la scène Loto-Québec, a réuni un auditoire nombreux en dépit des conditions météorologiques. Son courageux fanclub s’est joint à lui pour chanter «Filons, filons jusqu’au bout du temps / Là où les rêves se jettent dans l’océan».

Pendant ce temps, les spectateurs plus frileux assistaient, depuis les terrasses du Bâton rouge ou de Chocolats favoris, au spectacle rap du groupe Le reptile rampant, offert sur la scène Desjardins. D’autres s’abritaient sous l’auvent de la Roue de Fortune, s’esclaffant aux animations du très inspiré comédien PJ Dufort.

Vers neuf heures, la météo s’était enfin mis de notre bord, juste à temps pour Marjo. Mais pluie ou pas, les adorateurs de notre rockeuse étaient au rendez-vous devant la grande scène Bell; ils avaient revêtu leurs ponchos en sacs de poubelle et fait leurs provisions de bière: «Pas le choix! J’ai grandi avec elle!», s’est exclamée une fan. Éric Lapointe y était aussi, assis à la terrasse de la taverne F.

La chanteuse, aujourd’hui âgée de soixante-quatre ans, était en pleine forme dans son léotard transparent, poing brandi devant les éclairages psychédéliques, sautant à pieds joints, invitant son public à la suivre: «Ça te tente tu de sauter un p’tit peu? J’aimerais ça que ça bouge en avant de moi!» Après «Cash Moe» et «J’lâche pas», elle a annoncé «Ailleurs», lançant une invitation à son ami de longue date: «Si Éric était proche, j’y dirais: Viens donc chanter avec moi!»

Surprise pour les spectateurs seulement, ou aussi pour Marjo, Éric est monté sur la scène à la fin de la pièce. Il a rejoint Marjo, alors allongée, l’a aidée à se relever, et s’est uni à elle pour chanter: «Aide-moé! Aide-moé à me retrouver!» La foule a applaudi chaleureusement.

L’ambiance enfin réchauffée, les festivaliers réjouis ont fini leur soirée avec Corridor, Arthur Comeau, puis DJ Fony et DJ 30cm.

Encore une fois, ça aura valu la peine de braver le mauvais temps.