«Une Femme à Berlin» dans une mise en scène de Brigitte Haentjens à l'ESPACE GO – Bible urbaine

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«Une Femme à Berlin» dans une mise en scène de Brigitte Haentjens à l’ESPACE GO

«Une Femme à Berlin» dans une mise en scène de Brigitte Haentjens à l’ESPACE GO

La culture du viol en sujet de fond

Publié le 31 octobre 2016 par Pierre-Alexandre Buisson

Crédit photo : Yanick MacDonald

Berlin, fin de la Seconde Guerre mondiale. Des femmes prises dans une cave pendant les bombardements, des femmes dépourvues de leurs hommes qui ont été conscrits et dont elles sont sans nouvelles. Les Russes qui «libèrent» la ville. Des Russes qui sont partis au front depuis quatre ans, que la civilité a quittés, qui vivent dans un univers parallèle de profonde brutalité et de détachement. Des Russes qui voient «la femme de l’ennemi» comme un divertissement, du bétail à marquer au fer rouge de leur sexe, une commodité de plus à utiliser en pays conquis.

Marta Hillers, une journaliste allemande, a tenu un journal intime, publié anonymement en 1959, qui détaille les abus dont elle a été victime et les sévices auxquels elle a dû se plier pour passer à travers ce moment d’histoire. Les militaires s’y succèdent et se ressemblent, trouvant chez elle un réconfort sexuel sans vraiment lui demander son avis.

Tristement d’actualité, cette pièce très dure est mise en scène par Brigitte Haentjens et interprétée par quatre actrices personnifiant Hillers. Elles sont constamment sur scène en même temps, leurs monologues se chevauchant, leurs leitmotiv étant parfois répétés par chacune d’elles, créant ainsi un effet de dissonance constamment interrompu par le fracas des bombardements.

L’accumulation des énormités subies par les divers personnages féminins évoqués dans les tirades est loin de banaliser leur aspect profondément horrible, et on se sent particulièrement mal pendant la description d’un viol collectif qui aurait laissé sa victime dans un état épouvantable.

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Sophie Desmarais et ses frêles épaules, sur lesquelles reposent les répliques les plus spectaculaires, semble enfiévrée. Le niveau d’énergie dont sont investies les actrices ne baisse d’ailleurs pas vraiment d’intensité pendant les 105 minutes que dure la pièce, et on n’y entend pas beaucoup de silences. Une performance certes exigeante, spécialement quand on considère le très lourd sujet de fond.

Quatre actrices devant un mur, jouant le même personnage: voilà une façon tout à fait inattendue et originale de raconter cette histoire essentielle. On se concentre sur les mots scandés, la sarabande hallucinatoire de phrases bien tournées, qui décrivent un moment charnière, autant dans la vie de Hillers que dans l’histoire de l’Europe.

Louise Laprade, Evelyne de la Chenelière et Évelyne Rompré complètent la distribution, jouant admirablement chacune dans un registre différent, tout en étant à la fois uniques et dépassées par les évènements qui les bousculent.

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