«Yukonstyle» de Sarah Berthiaume au Théâtre La Chapelle – Bible urbaine

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«Yukonstyle» de Sarah Berthiaume au Théâtre La Chapelle

«Yukonstyle» de Sarah Berthiaume au Théâtre La Chapelle

Au nord de nulle part

Publié le 23 octobre 2016 par Pierre-Alexandre Buisson

Crédit photo : Maxime Côté

On pourrait être n’importe où. Nous voici sur le bord d’un feu, dans un trailer park désolé, avec un vent impitoyable et glacial qui nous souffle de la neige au visage. Deux colocataires de Whitehorse, Yuko (Jasmine Chen) et Garin (Justin Many Fingers), récitent une chanson de feu de camp un peu paillarde. Une autostoppeuse surgit de la nuit, vêtue de dentelle, portant des talons hauts, frigorifiée et en quête d’un refuge. Il s’agit de Kate (Julia Borsellino), une mineure enceinte qui vit dans un Greyhound en mouvement depuis un mois.

Disons-le tout de suite: les personnages de Yukonstyle ne l’ont pas eu facile. Yuko s’est sauvé du Japon «pour échapper aux Japonais», et est maintenant chef dans un restaurant familial de la ville. Garin en est secrètement amoureux, et il doit vivre chaque jour avec cet amour inassouvi, en plus des stéréotypes envers les Amérindiens dont il est constamment assailli. On croise aussi Pops (Chip Chuipka), le père de Garin, dont la santé physique et mentale se détériore à perte de vue.

Cette immersion dans un moment de la vie des quatre personnages écorchés nous plonge dans une capsule temporelle et géographique, en 2007, pendant le procès du sinistre Robert Pickton, dont on entend épisodiquement des extraits pendant la pièce. On n’entre pas d’emblée dans le vif du sujet, on se contente même de le frôler au passage, mais la mise en contexte est frappante, par moments lugubre.

Certains mécanismes dans la mise en scène de Geneviève L. Blais sont plutôt inventifs – les éléments du trailer park que les comédiens font pivoter et qui transforment l’espace et les lieux sont particulièrement efficaces – et le temps file sans que le spectateur s’ennuie. La traduction de Nadine Desrochers du texte original de Sarah Berthiaume est très fluide, et la mission du Talisman Theatre est noble: faire découvrir la dramaturgie francophone à un public anglophone.

Les quatre comédiens offrent des interprétations dans le ton, mais on n’a d’yeux que pour Justin Many Fingers, avec sa combinaison de stature et d’intensité, qui semble plus grand que nature. Rarement a-t-on vu un comédien transmettre aussi justement un immense tourment interne.

Le seul aspect – et peut-être est-ce une question de goût – que nous pourrions reprocher au texte original de Berthiaume est qu’il se contente d’effleurer des sujets qui mériteraient davantage qu’on s’y attarde, tels que l’identité autochtone et l’indifférence générale du public envers leurs multiples drames.

La pièce demeure un divertissement de qualité, qui fait réfléchir, et qui nous donne indubitablement envie d’en apprendre plus à propos de Pickton et du Yukon, ce territoire méconnu qui fait pourtant partie intégrante de notre patrimoine.

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Par Maxime Côté

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