Entrevue avec Sophie Desmarais pour la pièce «Une femme à Berlin» à l’ESPACE GO – Bible urbaine

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Entrevue avec Sophie Desmarais pour la pièce «Une femme à Berlin» à l’ESPACE GO

Entrevue avec Sophie Desmarais pour la pièce «Une femme à Berlin» à l’ESPACE GO

L’écriture, cet exutoire face aux horreurs de la guerre

Publié le 21 octobre 2016 par Éric Dumais

Crédit photo : ESPACE GO

Pour sa seconde collaboration avec la réputée metteure en scène Brigitte Haentjens, Sophie Desmarais, en compagnie du trio d’inséparables Évelyne Rompré, Louise Laprade et Evelyne de la Chenelière, se glissera dans la peau de Marta Hillers, cette journaliste allemande ayant fait de l’écriture son exutoire lors de l’invasion soviétique de 1945 à Berlin.

«Avant que je m’envole en Asie durant un mois, Brigitte m’a donné ce livre-là en me disant Tu liras ça. À mon retour de voyage, et après l’avoir lu, on s’est assises ensemble dans un café de la Petite-Italie et elle m’a demandé: Ça te tentes-tu de le faire?», raconte l’actrice de 30 ans rencontrée à l’ESPACE GO, théâtre qui deviendra sa deuxième demeure du 25 octobre au 19 novembre.

Les deux femmes de théâtre ont lu deux fois plutôt qu’une l’intégralité du Journal, 20 avril – 22 juin 1945 et, bien vite, l’intuition première d’Haentjens est rapidement devenue une évidence: Sophie Desmarais était la personne toute désignée pour interpréter Marta Hillers. Mais l’adaptation actuelle a cette particularité qui la rend toute spéciale et intrigante: les quatre actrices joueront la protagoniste. «Au fil de notre lecture, il s’est greffé d’autres voix. Quatre voix, quatre corps physiques pour un seul et même corps; c’est un quatuor à cordes». Ainsi, l’on pourra s’attendre à bien de la musicalité dans ce texte ayant été adapté par Jean Marc Dalpé et duquel un tiers du texte original fut retenu. «J’ai plus de texte à réciter, c’est aussi moi qui dirige la trame de l’action, sauf qu’on a une responsabilité égale dans la pièce. C’est un monologue à quatre voix, mais nous sommes vraiment toutes dépendantes, car c’est la même voix qui s’enchaîne tout du long», nous explique Desmarais.

Celle qui a interprété avec brio Lady Ann dans Richard III et Mélisande dans Pelléas et Mélisande s’est dite fort touchée par sa lecture du journal de Marta Hillers. «On sent, à travers l’écriture, que c’est une femme qui a beaucoup d’éducation, qui vient d’un milieu assez aisé, parce qu’elle parle plusieurs langues, parce qu’elle a voyagé, parce qu’elle a trente ans et qu’elle n’est pas mariée; c’est une femme moderne, et à travers ce qu’elle dit, la parole est portée par le féminisme de façon très forte; c’est une femme d’une grande lucidité qui a réussi à survivre aux horreurs qu’elle a vécues en jetant tout sur le papier», poursuit Sophie Desmarais, qui s’avoue franchement épatée par la capacité de froideur et de recul qu’a eue cette femme en pleine invasion par les Russes durant la Seconde Guerre mondiale.

«Ce récit nous donne beaucoup de force, car on le met en comparaison avec sa propre vie.»

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Et pour rendre justice à cette œuvre que l’actrice qualifie de puissante, où la parole est très profonde, mais jamais dans l’apitoiement ni dans la complaisance, Brigitte Haentjens a imaginé une mise en scène fort épurée, avec très peu d’accessoires. On pourra entre autres y observer un mur projeté vers l’avant, ce qui aura pour effet direct de réduire la scène sur le plan de la profondeur et de se retrouver à proximité des acteurs. Et ces derniers ne seront pas en position de s’observer ni de se donner la réplique…

«Ce qui est difficile, c’est que l’on n’a pas d’interlocuteur. Il y a un plaisir au théâtre à renvoyer la balle à un autre, un peu comme au tennis. La difficulté ici, c’est qu’on ne se voit pas. Le regard est rivé vers le public», nous confie l’actrice, qui voit le texte comme le personnage principal de la pièce, un peu comme si les quatre actrices étaient au service du récit. La beauté de la chose, c’est que les spectateurs seront en symbiose totale eux aussi avec les mots qui tissent la toile narrative du récit, principalement en raison de cette promiscuité avec la distribution, comme s’ils assistaient à une lecture publique du journal de l’Allemande.

Visiblement touchée par la force de l’écriture de Marta Hillers, mais aussi par sa capacité à réfléchir dans l’urgence et à incorporer çà et là de «l’humour, des blagues acides et des pointes de cynisme», Sophie Desmarais poursuit sa réflexion, comme dans ses pensées, tout en s’attardant sur l’universalité des propos de la journaliste: «Le fait d’écrire lui permet de regarder ce qu’elle vit. Elle a des moments de réflexion tellement inspirants que ça parle à tout le monde de toutes les époques; c’est très universel ce qu’il se passe. On ne sent pas que c’est un récit de la Seconde Guerre mondiale. C’est le contexte, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit: c’est vraiment une femme qui survit à la domination masculine. Le corps féminin est conquis comme un territoire de l’Allemagne.»

Sophie Desmarais concentre actuellement toutes ses énergies à la préparation d’Une femme à Berlin, une pièce de théâtre par année étant sa bonne moyenne, mais nous pourrons la voir dans la saison deux de l’Imposteur en 2017 et dans la suite de Prémonitions, si l’émission revient sur les écrans québécois. Comme mot de la fin, l’actrice recommande de lire Journal, 20 avril – 22 juin 1945 de Marta Hillers et surtout de venir voir la pièce pour aider chacun à relativiser sa vision des drames qui surgissent chaque jour dans le monde. «Son courage et sa force vont laisser les spectateurs dans un état de réflexion quant aux drames qui surviennent dans notre société», complète-t-elle, fébrile et excitée à la fois face au beau défi que représente cette prochaine création de Brigitte Haentjens.

La pièce Une femme à Berlin sera présentée du 25 octobre au 19 novembre 2016 à l’ESPACE GO (4890, boul. Saint-Laurent). Des supplémentaires ont déjà été annoncées les dimanches 6 et 13 novembre à 13 h. Pour connaître l’horaire des représentations ou pour acheter vos billets, visitez le https://espacego.com/saison-2016-2017/une-femme-a-berlin.

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