L’avenir du cinéma documentaire québécois menacé par du sous-financement de la SODEC – Bible urbaine

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L’avenir du cinéma documentaire québécois menacé par du sous-financement de la SODEC

L’avenir du cinéma documentaire québécois menacé par du sous-financement de la SODEC

Des personnalités de tous les horizons lancent un vibrant cri du cœur

Publié le 10 mars 2022 par Claire Groulx-Robert

Crédit photo : Tous droits réservés @ Cottonbro sur Pexels

Récemment, de nombreux cinéastes, documentaristes, artisan.es du milieu de la culture et personnalités politiques du Québec ont signé une lettre qui dénonce le sous-financement de la production de films documentaires accordé par la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC). En effet, au cours de la dernière décennie, ces producteur.rices ont vu leur portion du budget du programme d’aide au cinéma chuter de plus de 50%. C'est dans ce contexte trouble que le réalisateur et scénariste Denys Desjardins lance un cri du cœur à la communauté artistique et à la SODEC, afin d'assurer la survie et la pérennité de ce genre cinématographique pourtant si nécessaire et éducatif.

«Il faut une bonne fois pour toutes se fâcher. Il faut protéger ce genre fondateur, il faut que les jeunes puissent en vivre décemment».

M. Desjardins, l’une des figures de proue du documentaire québécois, notamment connu pour La dame aux poupées (1996) et plus récemment Le Château (2020), et qui est à l’origine de ce cri d’alerte, a eu l’amabilité de m’accorder un entretien sur le sujet. Car ce dernier s’est dit «choqué de voir les chiffres» qui traduisent la dure réalité des producteurs, qui se voient refuser de plus en plus de films au fil des ans.

Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes

Mais avant d’aller plus loin, parlons un peu de ces chiffres, justement. Selon son rapport annuel, la SODEC a investi «uniquement 3,4% de son budget dans la production de moyens et de longs métrages documentaires pour l’exercice financier de 2020-2021. Ainsi, le rapport fait état de dix-sept productions qui se sont partagé la somme de 1 407 500 $, alors que le cinéma de fiction, de son côté, a reçu plus de 38 millions pour la création de 32 films, ce qui représente 92% du budget total de la SODEC pour le secteur du cinéma

Le cinéaste a communiqué avec la direction de la SODEC sur le sujet avant de lancer ce cri d’alerte afin d’obtenir des explications. Cette dernière explique que cette baisse serait entre autres causée par le contexte pandémique.

«Puisque la pandémie empêche les gens de faire leurs films à cause des mesures sanitaires, les chiffres paraissent très mal cette année», relate M. Desjardins. Car l’argent, d’après la direction, était bel et bien là; elle n’a simplement pas été dépensée. Par ailleurs, en raison du lobbyisme, la SODEC aurait reçu certaines enveloppes budgétaires destinées aux œuvres de fiction, et qui ne permettent pas le partage de l’argent du financement aux autres disciplines.

Or, cela ne justifie pas le fait qu’année après année, la portion budgétaire allouée à la production de longs métrages documentaires est en constante dégringolade. Si on jette un coup d’œil aux archives, on peut voir qu’en 2004, par exemple, une portion de 15% du programme d’aide au cinéma et à la production télévisuelle était accordée au documentaire. En 2021, cette donnée a chuté à 3,4%.

«En partageant les chiffres avec d’autres [cinéastes], on était tous d’accord pour dire que, là, ça suffit. L’autre étape, après? On va mourir la bouche ouverte, on va disparaître sans que personne ne s’en soucie», se désole le scénariste montréalais.

Et en effet, au rythme où vont les choses, le métier de documentariste risque de devenir à son tour… une œuvre de fiction!

Le documentaire: une porte d’entrée dans l’industrie

Dans un même ordre d’idées, il est essentiel de souligner l’importance des films documentaires pour les nouveaux cinéastes et producteurs, qui donnent l’occasion à beaucoup d’entre eux de faire leurs premiers pas dans l’univers du septième art. «Comme c’est très dur de faire de la fiction au Québec, le documentaire permet aux jeunes de survivre et de commencer dans l’industrie. C’est une façon d’amorcer une carrière», explique Denys Desjardins.

Mais sans un financement adéquat pour la réalisation de courts et de moyens métrages, plusieurs talents émergents risquent de se retrouver le bec à l’eau au sortir des bancs d’école.

Pour éviter une telle situation, mon interlocuteur, ainsi que les 700 et quelques autres signataires de la lettre, demande «que l’enveloppe attribuée au cinéma documentaire représente dorénavant 15% des fonds affectés à la production».

À l’heure actuelle, le cinéaste militant, qui n’en est pas à son premier combat pour la défense des institutions artistiques, est en train de fédérer les regroupements et syndicats afin de proposer ce pourcentage minimum pour, «au moins, revenir au seuil de pauvreté [que les documentaristes] ont déjà connu.»

Ainsi, il souhaiterait voir une certaine stabilité dans le pourcentage du budget octroyé aux films documentaires, ce qui est tout à fait compréhensible, on s’entend.

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Le cinéaste Denys Desjardins qui brandit fièrement la liste des signataires. Photo: Anik Salas

Redonner au documentaire son lustre d’avant

Grâce à cette initiative, Denys Desjardins souhaite «insuffler un vent nouveau au documentaire» pour que les prochaines années soient plus pérennes auprès des futures générations de cinéastes.

Le documentaire, soulignons-le, est un genre qui a été modernisé au Québec dans les années 1960 avec le Cinéma direct, qu’il ne faut pas délaisser. «Il faut que le gouvernement du Québec se réveille. Il faut que tous les Québécois et Québécoises soient sensibles au fait qu’on ne peut pas se divertir qu’avec du contenu américain. On ne s’en sortira pas si ça continue comme ça».

La lettre, qui a été signée par de nombreux et nombreuses cinéastes, producteur.rices, acteur.rices, auteur.es-compositeur.rices et figures politiques de tous horizons tels que Jacques Godbout, Denys Arcand, Philémon Cimon, Léa Pool et Catherine Dorion, vise à mettre en lumière la précarité de l’avenir du film documentaire.

C’est donc avec une pointe de fierté que Denys Desjardins a reçu cet élan de solidarité de la part de la communauté artistique: «La réaction [des signataires] semble être la même que j’ai eue en voyant le chiffre honteux de 3,4 millions: “Ben voyons dont, c’est scandaleux”».

Il faut le dire, le documentaire est un genre filmique très riche et varié, qui se base sur de vraies histoires et qui est près de la population, puisquil dépeint les réalités d’un peuple. «Si les gens veulent que l’on continue à faire des films sur eux, ils devraient signer cette lettre. C’est important de savoir ce qui se passe autour de nous, au centre de notre ville et de notre société», ajoute-t-il.

En définitive, le cinéaste, qui n’a pas hésité à être le porte-parole de cette juste cause, a pour souhait que le Québec rayonne encore longtemps sur la carte du monde et que le genre documentaire perdure: «Ce dernier, au Québec, a un passé puissant, et j’aimerais qu’il ait un avenir tout aussi glorieux».

M. Desjardins poursuit sur sa lancée en ajoutant qu’il aimerait également voir, en plus d’un financement stable pour la production, une plus large diffusion de ces œuvres cinématographiques, notamment sur nos chaînes télévisuelles québécoises. Et il a bien raison sur ce point.

Allez, brisons ensemble ce cercle vicieux pour permettre au cinéma d’ici d’obtenir le financement dont il a besoin pour assurer sa vitalité!

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